jeudi 15 mai 2014

Après Goldman Sachs, la Commission Européenne manipule aussi les chiffres de la dette grecque (billet invité)



Est-ce le hasard du calendrier qui fait qu’à quelques jours des élections européennes, la Commission européenne publie des chiffres étonnamment bons sur le déficit public grec ? Certes pas. Et l’analyse de ces chiffres vaut bien un petit détour.


En effet, il nous est annoncé initialement, et fièrement, que les comptes publics affichent une balance primaire positive de 0,8% par rapport au PIB. Diantre ! Dans le contexte économique actuel, c’est un exploit que même la vertueuse Allemagne n’arrive point à réaliser. Sauf que l’influent think tank allemand IFO (Institut de recherche économique) est venu jouer les trouble-fêtes par l’intermédiaire de son président, M. Hans-Werner Sinn[i].

Car ce que l’on disait moins, c’est que pour arriver à ce chiffre, il a tout de même fallu tordre le bras à la comptabilité grecque et cacher deux-trois choses sous le tapis. Notamment la recapitalisation du système bancaire pour l’équivalent de 10,8% du PIB. Dès lors que l’on intègre ce chiffre (en appliquant tout simplement les directives … d’Eurostat !), les comptes publics grecs affichent un déficit de 10,8% ! Et encore, ne parle-t-on ici que des comptes primaires qui n’intègrent pas les effets du remboursement des dettes. Si cela est fait, le déficit public grec atteint la bagatelle de l’équivalent de 12,7% du PIB ! Et comme dans le même temps, le PIB grec à continuer à se contracter (-3,9% !), la dette publique a poursuivi sa grimpette pour atteindre l’équivalent de 175% du PIB ! Pour mémoire, le niveau de la dette grecque était, en 2010, de 148% par rapport au PIB. Mais ça c’était avant les multiples cures d’austérité et autres plans de sauvetage « de la dernière chance ». La responsabilité de la technocratie européenne, BCE et Commission en tête, mais aussi de tous les dirigeants européens qui ont osé cautionner cela, est écrasante : l’austérité néolibérale et les dogmes européistes ont jeté un peuple entier dans la misère. Pour rien. A la vue de ces chiffres, plus personne ne peut le nier.

Mais, comme le relève toujours M. Hans-Werner Sinn, la monstruosité de la chose ne s’arrête pas là : « Les institutions européennes suivent une stratégie d’embellissement de la situation financière des pays en crise, et ce juste avant les élections européennes. En vérité, la Grèce est bien loin d’avoir regagné une santé financière. (…) Le retrait de ces données est intervenu juste après que l’institut IFO ait accusé la commission européenne de désinformer le public."

Non contente de son œuvre austéritaire, la Commission européenne se lance donc dans la propagande la plus éhontée. Mais il faut dire qu’elle n’en est pas à son coup d’essai, tant lorsqu’il s’agit de faire paraître sa propagande dans la presse dite libre avec nos deniers publics, que lorsqu’il s’agit de tenir des discours de politburo.

La « pieuvre » Goldman Sachs avait déjà commencé à truquer les chiffres de la dette grecque, nulle raison que l’oligarchie européenne, plus que fortement liées aux lobbys et aux réseaux des multinationales, ne poursuivent son œuvre …


[i] Lire Nicolas Goetzmann, La Grèce va mieux ?, atlantico.fr, 09/05/2014.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire