Billet invité de L’Oeil de Brutus
Lors
de son discours présentant son nouveau plan d’austérité, Manuel Valls a
amplement déblatérer contre « l’euro fort ». Ce faisant, il a soit démontré
une méconnaissance crasse des principes de base de l’économie, soit, ce qui est
plus probable et probablement bien plus grave, fait preuve d’un lamentable
cynisme politicien, manipulateur et électoraliste à la veille des élections
européennes à venir.
Car,
non l’euro n’est pas « trop fort », c’est-à-dire qu’il n’est pas
surévalué. Car dans le système de changes flottants, d’économie ouverte et de
liberté de circulation des capitaux que nous connaissons, les taux de change
s’équilibrent en fonction de la tenue de la balance commerciale. En effet,
lorsqu’une zone monétaire a une balance commerciale excédentaire, cela crée une
forte demande des pays extérieurs pour se procurer de la monnaie de la
dite-zone afin de pouvoir régler ses achats. A l’inverse, lorsqu’une zone
monétaire est déficitaire, celle-ci doit se procurer de la monnaie des autres
pays – et donc vendre de sa propre monnaie – pour régler son déficit. Dans le
premier cas, la monnaie a tendance à s’apprécier positivement, tandis que dans
le second, elle tend à se déprécier. C’est un simple jeu de la loi de l’offre
et de la demande.
Que
faudrait-il faire pour que ce ne soit plus le cas ? Deux solutions :
- Soit on remet radicalement en cause le
système de changes flottants et la liberté de circulation des capitaux, ce qui
pour la pensée économique dominante (néolibérale) serait en l’hérésie suprême.
Une simple et toute petite évocation d’une telle hypothèse, même parcellaire,
suffirait à déclencher les cris d’orfraie de toute la technocratie bruxelloise
et francfortoise[ii]. Cela Manuel Valls le sait fort bien et
n’y songe même pas.
- Soit on joue sur notre balance
commerciale. Pour y arriver, on ne va tout de même pas se tirer une balle dans
le pied en ralentissant sciemment nos exportations. Reste donc les
importations, donc le marché intérieur. Que pourrait faire la BCE pour
favoriser la consommation au sein de la zone euro ? Tout simplement,
accepter de financer les projets de l’économie réelle (et non exclusivement ses
amis banquiers), notamment en monétisant les emprunts publics, ce qui aurait
pour effet immédiat de mettre fin aux cures austéritaires et permettrait aux
Etats soit de relancer leurs investissements soit de desserrer l’étreinte
fiscale qui étouffe leurs peuples (soit, plus probablement, les deux à la
fois). Mais tout cela, l’Allemagne, pour des raisons (légitimes, soit dit en
passant) qui lui sont propres – notamment du fait de sa démographie – ne
l’acceptera jamais. Notamment, parce que cela risquerait fort de se traduire
par un effet inverse de la course
à la déflation que nous
connaissons actuellement et déresponsabiliserait, budgétairement parlant, les
Etats membres. L’Allemagne, et sa population vieillissante donc de plus en plus
rentière, serait alors condamnée à payer par l’inflation le laxisme budgétaire
des autres. Sans parler, bien évidemment, de la remise en cause intégrale de son
modèle économique bâti sur les exportations que cela induirait.
Tous
ces éléments, le gouvernement ne peut que les connaître. De la même manière que
le PS nous ressasse ses envies utopiques d’ « Europe sociale »
depuis plus de trente ans, il ne s’agit ici ni plus ni moins que de se
défausser de ses responsabilités austéritaires et donner l’illusion aux
citoyens, un mois avant les élections européennes, qu’il
prétend incarner le projet d’une autre Europe, projet qu’il s’avère d’ailleurs
bien incapable d’énoncer.
Mais
non, qu’on le sache une bonne fois pour toute : l’Europe austéritaire et
néolibérale, assouvie aux démons de la finance internationale, a été
construite, telle qu’elle est aujourd’hui, par le PS et l’UMP, ce dernier ne
manquant d’ailleurs pas d’air électoraliste pour se découvrir, tout aussi
cyniquement que le premier, des relents d’euroscepticisme en ce beau mois
d’avril.
Il
s’agira de bien s’en souvenir au moment de l’instant de solitude de l’isoloir.
L'Allemagne sait qu'elle connaitra une inflation salariale, du fait de sa démographie déclinante, son économie va connaitre une pénurie de main d'oeuvre, ce qui selon le principe du NAIRU entrainera les salaires allemands à la hausse. L'immigration est pour elle la seule solution, mais faire venir des cohortes de main d’œuvre qualifiée n'est pas chose facile. Les émigrés du sud de l'Europe préféreront des pays latins ou anglo-saxon, climats et langues moins difficiles que ceux de l'Allemagne, à moins que les entreprises allemandes soient prêtes à payer cher ses immigrés.
RépondreSupprimerAutre solution, que les entreprises allemandes décident de délocaliser une part de leur production dans les pays du sud.
Autre problème pour l'Allemagne, ses infrastructures publiques ont un déficit d'entretien depuis 15 ans, c'est une forme de dette publique cachée, car il faudra bien un jour rénover ces infrastructures avant que des ponts s'écroulent...
L'Allemagne connait ces problèmes et ne sait pas comment s'en dépatouiller, pour le moment elle feint de les ignorer, mais à moyen terme elle sera au pied du mur. Comme pour tout pays, les plus gros problèmes sont plus intérieurs qu'extérieurs. Tout comme l'un des problèmes majeurs de la France n'est pas tant sa dette que son secteur immobilier qui est un vrai boulet.
Juste une petite remarque, si l'euro a augmenté le pouvoir d'achat dans les pays du sud, dont la France, il a causé une perte en pouvoir d'achat en Allemagne (car le Euro-DM serait a + de 1,70$ seul). Ce que les uns ont gagné, les autres l'ont perdu. Peut-être c'est aussi une raison du manque d'investissement. Voir aussi les différentes études que le patrimoine médian d'un allemand est le plus petit en zone euro.
Supprimerrpc1 mai 2014 16:49
RépondreSupprimerSi l'euro est trop faible pour les produits allemands, alors le prix des produits allemands peut être augmenté. Dévaluation interne versus réévaluation interne.