L’énorme
succès du livre « Le capital au 21ème
siècle », de Thomas Piketty aux Etats-Unis, où
il aurait déjà vendu plus d’un million de copies, démontre que même
outre-Atlantique, la
question des inégalités taraude la société. Une question qui finira tôt ou
tard pour s’imposer davantage politiquement.
L’aboutissement
d’un long travail
Ce livre,
que j’espère pouvoir lire cet été, dont
Emmanuel Todd avait dit beaucoup de bien dans Marianne, n’est pas un coup d’essai. Thomas Piketty travaille
avec Camille Landais et Emmanuel Saez depuis des années sur la question des
inégalités et ils ont publié de nombreux documents faisant état de leur explosion
dans la plupart des pays depuis quelques décennies. En France, ils
avaient publié tous les trois un très bon ouvrage, « La révolution fiscale », dont
la première partie étudiait précisément la répartition des revenus et de la
richesse en France, avant de proposer une réforme fiscale d’ampleur, dont la
plupart des principes étaient très intéressants et auxquels on pouvait
souscrire.
Emmanuel
Saez a publié il y a quelques mois des chiffres effarants démontrant
que 95% de la croissance des revenus depuis 2009 aux Etats-Unis est allée au 1%
le plus riche : la hausse moyenne de 6,1% des revenus se décompose en
31,4% pour le 1% le plus riche et 0,4% pour les autres ! Dans son
livre, Thomas Piketty reprend une
analyse développée par Joseph Stiglitz dans son dernier livre, où ils les
avaient cités, à savoir que les inégalités sont revenus à un très haut niveau
historiquement et qu’elles minent la société et doivent donc être combattues.
Pour cela, l’auteur propose un système fiscal plus redistributeur, tant au
niveau de l’impôt sur le revenu qu’avec un impôt sur le capital.
Un combat
éminemment politique
La
thèse de Piketty est soutenue par des données remontant sur une longue période,
qui démontrent que seules des circonstances exceptionnelles (autour de la
Seconde Guerre Mondiale), une très forte croissance et une politique fiscale
redistributrice permettent de remettre en cause cette concentration. Mais ce
dont les défenseurs du système actuel devraient se méfier, c’est de l’issue
politique que ce gouffre financier ne tardera pas un jour à provoquer. En
Amérique du Sud, il y a eu Lula et Chavez. Gageons que si les peuples
« occidentaux » sont vraiment en colère, ils pourraient bien finir un
jour par opter plutôt pour la seconde option que la première, qui me semble quand
même préférable.
Un grand
merci à Thomas Piketty, mais aussi aux personnes avec qui il a travaillé, pour
avoir collecté autant de données et les avoir popularisées de la sorte. Ce
faisant, il a apporté une contribution majeure à la réflexion économique de
notre époque, qui ne restera pas sans conséquence.
SOYONS TOUS, sans aucune distinction de grade ou de statut, oui, soyons tous pour l'égalité et la justice de tous les français, devant les impots, le salaire, les avantages et la retraite ?
RépondreSupprimerC'est possible IL FAUT le VOULOIR et .... VOULOIR c'est POUVOIR ??
le problème c'est que beaucoup, je pense même la majorité des citoyens ne le veulent pas ....
Etudier l'évolution du capital nécessite aussi d'étudier l'évolution du travail. Les travaux de routine disparaissent :
RépondreSupprimerIf the tasks involved can be summarized as a set of speci c activities
accomplished by following well-defi ned instructions and procedures, the occupation is considered routine. If instead the job requires flexibility, creativity, problem-solving, or human interaction skills, the occupation is non-routine.
https://sites.google.com/site/nirjaimovich/papers/JPJR.pdf?attredirects=0
Emmanuel Todd conclut son article en écrivant : "Au terme de ce livre (de Piketty), on a plutôt envie de se demander quelle crise surprenante et brutale permettra, dans nos pays vieillis, une remise à zéro des compteurs et un redémarrage démocratique. Ou au contraire l'émergence, dans un monde toujours riche mais redevenu formidablement inégalitaire, de formes de domination souples et totales comme on n'en a jamais vu dans l'histoire". Cette conclusion, d'une grande pertinence, ne fait que confirmer que la "souffrance" des peuples est loin d'être terminée et que les tensions actuelles risquent de nous conduire à une issue dramatique. Une conclusion stimulante pour les esprits volontaires, qui y puiseront une nouvelle raison de lutter et très inquiétante pour les sceptiques.
RépondreSupprimerSur le plan mondial les inégalités baissent :
SupprimerLa même machine qui a accru les inégalités dans les pays riches a nivelé le terrain de jeu à l’échelle mondiale pour des milliards de personnes. En regardant de loin et en accordant le même poids à, disons, un Indien qu’à un Américain ou un Français, les trente dernières années ont été parmi celles dans l’histoire humaine qui ont apporté les plus grands progrès pour améliorer le sort des pauvres. »
http://www.lesechos.fr/opinions/chroniques/0203494197367-inegalites-l-oubli-de-piketty-670999.php
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SupprimerLa nouvelle annoncée par Kenneth Rogoff est vraiment enthousiasmante. Quelle joie de savoir que les Indiens et les Chinois, qui ont vu leurs salaires passer de cinquante euros à deux cents euros par mois, seront rejoints par les Bangladais dans quelques dizaines d'années après l'avoir été par les Italiens, les Espagnols et les Français ayant fait le chemin en sens inverse. La pression maximale, que les classes dirigeantes de l'UE exercent sur nos salaires sous le doux nom de "dévaluation interne", va nous aider à réduire les inégalités entre les pauvres du monde entier et de relancer la croissance. Que du bonheur ! Exigeons tout de suite la suppression du SMIC au nom de la lutte contre les inégalités !
SupprimerPiketty c'est un peu la pensée molle. On est alternatif, mais pas trop. Il confond toutes les sortes de capitaux. Accumuler du capital productif et industriel ce n'est pas la même chose que d'accumuler du capital immobilier.
RépondreSupprimerDe la même manière, les solutions proposées viennent de sa confusion volontaire des évolutions historiques. Si la crise de 29 a été résolue en partie par les hausses d'impôt aux USA et par les effets indirects de la Seconde Guerre mondiale. Il ne faut pas oublier qu'en ce temps-là les USA produisaient la totalité de ce qu'ils consommaient. Les conditions ne sont plus les mêmes. À l'heure actuelle, on ne voit pas en quoi une fiscalité plus égalitaire aux USA améliorerait en quoi que ce soit leur situation commerciale.
C'est toujours pareil. Les économistes mainstream refusent d'aborder le centre du problème qu'est la libre circulation des capitaux et des marchandises. Ils tournent autour du pot sans jamais y toucher, certainement pour éviter d'être excommunié par les capitalistes qu'ils critiquent, mais pas trop fort. Les médias mettent en avant des penseurs dont ils savent finalement pertinemment qu'ils n'auront que peu d'effet sur la réalité. C'est une forme d'écran de fumée intellectuel. Le capital peu dormir sur ses deux oreilles tant qu'on agit pas sur les frontières.
@ Anonyme
RépondreSupprimerOui, mais de nouvelles routines apparaissent…
@ Démos
Bon point de Todd. In fine, je crois que les peuples finiront par se rebeller, même s’il y a une phase de domination souple et totale (que l’on peut déjà voir dans l’UE).
@ Anonyme
Oui, il y a moins de pauvres en Chine, mais grâce à une politique économique habile sur certains aspects. Mais la thèse de Piketty, c’est l’explosion des inégalités dans chaque pays, qui n’est pas remise en cause par le fait que si l’on regarde à l’échelle du monde, cela est moins le cas (encore qu’il me semble que la part du 1% le plus riche doit elle aussi progresser à l’échelle de la planète).
Pourquoi nous devrions accepter que la sortie de la pauvreté des chinois et des indiens se fasse au détriment de 90% de la population chez nous.
@ Yann
Je te trouve très sévère. Même s’il n’aborde pas tous les sujets, il apporte une contribution sans égale sur une question déterminante. D’accord sur les frontières néanmoins.