samedi 28 juin 2014

Il faut interdire les rachats d’action


C’est une des absurdités du système économique actuel que dénonce clairement The Economist, dans un papier sur l’augmentation de la dette des entreprises. Un nombre grandissant d’entre elles cèdent à la mode effarante du rachat de leurs propres actions.


S’endetter pour faire monter la bourse

Il faut vraiment lire l’article de The Economist. L’hebdomadaire des élites globalisées conte le cas d’ADP, une entreprise qui a utilisé les 700 millions levés par la vente d’une filiale pour racheter des actions, ce qui lui  a fait perdre son AAA, qu’elle aurait conservé si elle avait conservé l’argent ou qu’elle l’avait investi. The Economist prend aussi le cas de Time Warner, qui emprunte pour racheter ses actions et explique que « beaucoup de grandes entreprises suivent discrètement l’exemple d’Apple, qui s’endette pour payer des dividendes ou racheter ses actions plutôt que de rapatrier de l’argent stocké à l’étranger, qui déclencherait le paiement d’impôts importants ». Capital nous apprend que Monsanto a levé 10 milliards pour racheter ses actions.

Ceci explique en grande partie l’envolée de l’endettement des entreprises, qui représente aujourd’hui  près de 2,7 fois leur bénéfice opérationnel, contre seulement 2,2 en 2011, alors même que les profits des entreprises battent des records ! The Economist donne trois raisons à ce phénomène : le niveau très bas des taux, la pression des actionnaires activistes qui poussent les entreprises à retourner un maximum d’argent aux actionnaires, mais aussi la fiscalité. Mais, l’endettement des entreprises progresse de 10% par an et le journal note que « cela pourrait suggérer que l’accroissement de la rentabilité pour les actionnaires ne vient pas d’une véritable croissance mais d’un accroissement du bilan. Pour certains, cela sonne familièrement déprimant ».

Pourquoi il faut l’interdire

Le problème est que les instincts ultra-libéraux de The Economist en font un simple spectacteur qui dénonce les excès du marché, souvent sans être capable d’en venir à proposer des solutions pour résoudre les problèmes qu’il identifie. Car il faut poser la question du fait même, pour une entreprise, de racheter ses propres actions. Le bénéfice est clair : en augmentant la demande pour ses titres, elle tire leur valeur vers le haut, ce qui satisfait ses actionnaires, mais aussi ses dirigeants, dont la valeur des stock-options augmente d’autant. Ce faisant, cela montre que les dirigeants d’entreprise sont juge et partie dans ce domaine, et pas pour le meilleur, comme cela était le cas pour les 2,5 milliards de stock-options des dirigeants d’ABI, déjà soulevé par The Economist.

Ce faisant, il devient évident que cette pratique est malsaine. Il s’agit d’une pratique proche de l’abus de bien social. Et on se demande comment ses actions sont utilisées lors du vote des Assemblées Générales : les dirigeants peuvent-ils s’en servir pour approuver leurs propres propositions ? Bref, il y a un mélange des genres et des intérêts qui devrait pousser à l’interdiction totale de cette pratique, dont les bénéfices sont largement artificiels et créent des bulles d’endettement dont nous finirons tôt ou tard par payer le prix. Car qui peut croire qu’il y a le moindre intérêt pour la croissance et la rentabilité d’une entreprise (ou même pour ses salariés, du moment qu’ils n’ont pas d’actions) à ce qu’elle rachète ses propres actions plutôt que d’investir ?

Merci encore une fois à The Economist pour démonter, de manière consciente ou pas, tous les travers du système économique actuel dont il est pourtant l’un des promoteurs les plus acharnés. Un jour, sans nul doute, les rachats d’action par les entreprises finiront par être interdits.

2 commentaires:

  1. Vous êtes au centre de nos préoccupations et notre objectif est de vous apporter un service de qualité.

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