mercredi 4 juin 2014

Le coup de force des bureaucrates bruxellois (billet invité)


Billet invité de Léonard

Le vendredi 29 mai, Angela Merkel a admis que Jean Claude Juncker, le candidat du parti PEE (droite conservatrice) et ancien premier ministre d’un parasite fiscal bien connu devait être le futur Président de la Commission européenne.


« C’est une grande victoire pour la démocratie ! » se sont écriés les europhiles les plus philiques, au premier rang desquels se trouve l’excellent Jean Quatremer qui s’inquiétait sur son blog de l’obstruction réalisée, entre autres, par David Cameron, premier ministre britannique.

Démocratie ? Hum, à voir.

Même le plus obtus des observateurs constatera que le message envoyé par les électeurs le 25 mai n’était pas « Nous voulons Juncker à la tête de la commission ». Sauf en Allemagne, le vote et le non-vote ont été un signe évident d’un rejet de la politique européenne telle qu’elle se décide. L’abstention a été la règle commune, dépassant les 70% dans des pays comme la République tchèque, la Lettonie ou la Slovénie ; quant au vote eurosceptique, qu’il soit de gauche, de droite ou du centre, il a fait un raz de marée. En France, il avoisine les 40% (FN + DLR + FdG), au Royaume Uni, il flirte avec les 30%, il est fort en Italie ou au Danemark. L’association de l’abstention et du vote eurosceptique met en évidence un fait majeur : Il y a un gros problème de légitimité dans l’Union européenne. 

Dans ces conditions, choisir Jean Claude Juncker comme représentant de l’opinion public relève du déni de démocratie. C’est en gros le discours tenu par David Cameron et qui semble assez cohérent. Juncker représente la continuité avec Barroso et non la rupture. Son statut d’ancien premier ministre luxembourgeois et d’apparatchik patenté de l’UE sont ce qui est de plus décrié et dénoncé dans le vote des Européens.

En réalité, il faut voir cette opération comme un véritable « coup de force » des bureaucrates bruxellois contre la démocratie. Trois d’entre eux (Juncker, Schulz et Verhofstadt) ont décidé, unilatéralement, qu’ils étaient les seuls à pouvoir incarner la future direction de l’Union. Appuyés par les partis politiques, et notamment le Parti socialiste, ils ont inventé une procédure tout à fait scandaleuse : le candidat du parti politique qui aurait la majorité des voix au Parlement aurait la présidence.

Dans une élection à la proportionnelle comprenant autant de partis, cette procédure ne correspond à rien. Dans une démocratie, ce sont les chefs d’Etats qui décident, en fonction du message envoyé par les électeurs. L’opération était bien de garantir des postes (et donc des politiques) tout en passant par-dessus les Etats. L’opération « Juncker » était donc bien un « coup de force ». Elle a constitué à nous faire croire qu’il existait une procédure définie nulle part et à nous l’imposer.

Même Angela Merkel – imperatrix europae – a dû se plier à l’injonction. Coincée par son alliance avec le SPD, elle a reconnu que Jean Claude devait bien être le futur Président. Pour les Européens, c’est une défaite considérable. La nomination de Juncker ne peut conduire qu’au renforcement du caractère procédural de l’Union, son orientation ultra-libérale et, in-fine, à la reconnaissance des traités transatlantiques. L’Union pouvait difficilement faire pire. Elle montre – comme si cela était encore à prouver – qu’elle est incapable de se réformer.

1 commentaire:

  1. Merci pour cette article qui ouvre bien des yeux, j'aime bien votre phrase :
    le vote et le non-vote ont été un signe évident d’un rejet de la politique européenne telle qu’elle se décide

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