Billet invité de Vincent M
4/4 Rendre son sens à la politique, ou : pourquoi ces réformes seront dures à faire passer…
Le sens de la politique
Quand un maire envisage de faire construire une piscine pour
ses concitoyens, il doit choisir entre l’absence de cette piscine, et
l’augmentation des impôts pour financer celle-ci. Il s’agit d’une décision
politique, chaque choix ayant son avantage et son inconvénient.
Quand un Conseil Régional doit voter le budget pour
l’entretien d’un lycée, il n’a ni à en assumer le coût, puisque l’argent vient
de l’Etat, ni même le choix de ne pas l’entretenir, puisqu’il est tenu de le
faire. Il n’y a aucune décision politique ; il s’agit d’une tache de
gestion courante, ou d’administration.
Si je devais résumer en quelques mots le principe que je
propose, pour la nouvelle décentralisation : Les élus doivent se cantonner à ce qui relève de la décision politique.
S’il s’agit de réaliser des tâches administratives de gestion courante, un
administrateur peut très bien le faire.
Et c’est justement là que se posera le principal
problème : depuis quelques décennies, l’essentiel de notre classe
politique fuit les responsabilités politiques. Des municipalités jusqu’au
sommet de l’Etat, les politiques se voient comme des administrateurs, des
gestionnaires, qui se cachent derrière les multiples contraintes qu’ils
subissent pour expliquer, plus ou moins honnêtement, qu’ils n’y a qu’une seule
politique à mener, et qu’ils n’ont aucun choix à faire, ni aucune alternative à
proposer.
En effet, même au sommet de l’Etat, les contraintes,
européennes notamment, mais également des nombreux engagements internationaux,
font qu’il n’y a à peu près aucune marge de manœuvre, sauf à « renverser
la table ». Quand on dit de François Hollande, qu’il gouverne la France
comme il dirigeait son conseil Général, c’est bien de cela qu’il s’agit :
il subit des injonctions et des contraintes, et mène les politiques qui lui
sont imposées sans chercher à peser réellement sur celles-ci.
La spécificité de François Hollande, par rapport à ses
prédécesseurs, c’est que, même quand il a encore un choix à faire, il
tergiverse, il louvoie… et ne choisit jamais vraiment
Le sens de la politique, c’est l’inverse. Le sens de la
politique, c’est de donner un cap, une direction, de faire des choix. Même si
ceux-ci peuvent être contestés, même s’ils sont mauvais, mieux vaut bien
souvent une mauvaise décision que pas de décision du tout…
C’est ce que nos politiciens le veulent !
Encore avant, Jacques Chirac, n’avait pas, on s’en souvient,
brillé par son audace et son sens de la décision tranchante.
Une excellente illustration de ce goût des politiques pour
l’administration plutôt que la décision est tout simplement donné par le nom de
l’Ecole qui forme ces politiques : « Ecole Nationale
d’Administration ».
Si, pour être un responsable politique, la meilleure
formation est celle d’administrateur, c’est sans doute que ce dont se rapproche
le plus le métier de politique est celui d’administrateur… Je suppose que c’est
ce que doivent se dire beaucoup d’entre eux.
L’autre piste d’explication est bien plus dramatique
encore : nos hommes politiques ne seraient pas intéressés par le
gouvernement, mais par le pouvoir. Ils verraient le métier politique, non pas
comme un métier consistant à recueillir les sentiments profonds de la
population pour trancher et décider en son nom de ce qu’on pense être dans son
intérêt, mais comme un métier consistant à réussir à se faire élire, voire même
comme un métier consistant à réussir à écraser et dominer ses rivaux…
En clair, ceux qui ont les dents suffisamment longues pour
réussir dans nos partis politiques sont ceux qui sont suffisamment
désintéressés des questions politiques pour se consacrer exclusivement aux
querelles d’appareil.
Enfin, dernière hypothèses, peut-être, tout simplement, que
nos politiques n’ont pas suffisamment d’imagination pour proposer une réforme
qui ne soit pas qu’une pâle imitation de tel ou tel modèle étranger (suédois
pour l’éducation, anglais pour la justice, allemand pour tout le reste…)
Ne pas oublier ce que les partis ont à y perdre...
Je me fourvoie peut être dans des explications trop
sophistiquées, alors qu'une explication très simple permet d'expliquer pourquoi
les partis au pouvoir n'ont aucune envie de chambouler le fonctionnement
territorial tel qu'il existe : c'est pour eux une question vitale !
Dans chaque mairie importante, dans les conseils généraux et
régionaux, il y a de nombreux postes de « directeur de cabinet »,
conseillers, etc. qui sont nommés sur des critères largement politique. Il
s'agit de faire financer par la collectivité locale des postes qui, dans la
pratique, servent essentiellement la carrière personnelle des élus auprès de
qui ces personnes sont censées travailler.
Qu'il s'agisse des élus ou de leurs proches, cela fait autant
de personnes à recaser, et donc autant de militants qui peuvent devenir des
professionnels de la politique sans que le parti n'ait à en assumer le
coût !
Quand la vie d'un parti politique commence à dépendre de
l'immobilisme politique du pays, ce parti ne peut plus gouverner réellement,
quand bien même ses dirigeants le voudraient. Et c'est pour éviter que la
France soit gouvernée par des partis dans cette situation qu'il
Et pour cette raison aussi, je pense qu'il est nécessaire de
faire cette réforme : Pour débarasser le pays des partis politiques qui le
sclérosent.
Les vrais fonctionnaires des collectivités, ceux qui sont au
service des citoyens, n'ont rien à y perdre, au contraire. Là où ils dépendent
d'élus locaux, ils continueront à exercer avec d'autres directeurs,
fonctionnaires, et -du moins censément- sensibles à l'intérêt général. En
évitant les recrutements de complaisance et le clientélisme des collectivités
locales, cela améliorera les conditions de travail de ceux qui sont réellement
utiles à la société.
Conclusion
Toutes ces raisons font que je suis bien pessimiste sur la
capacité de nos hommes politiques à proposer des réformes intelligentes,
adaptées au pays, et offrant une vraie vision de l’avenir.
J’ai essayé, modestement, de proposer quelques idées. Je ne
doute pas que d’autres personnes pourraient avoir d’autres idées intelligentes,
ayant réellement un sens, et qui réussiraient peut-être à me convaincre
qu’elles sont plus pertinentes que les miennes.
Mais je fais le vœu que quelqu’un sera capable d’inventer un
modèle adapté à nos spécificités, plutôt que de vouloir calquer sur la France
un modèle fantasmé de ce que serait la clef de la réussite Allemande. Enfin,
tout ce qui permettra d’améliorer l’efficacité de la dépense publique, tout en
redonnant un peu de clarté et de sens aux politiques locales, ira dans le bon
sens. Il faudra savoir s’en contenter plutôt que de toujours réclamer mieux.
Mais je n’ai pas l’impression que la réforme dont on parle puisse apporter une
quelconque amélioration à ces niveaux..
Quelques liens sur la décentralisation :
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