Billet invité de l’œil de Brutus.
Le leveraged buy-out,
abrégé en LBO, terme anglais pour acquisition avec effet de levier,
ou encore acquisition par emprunt ou rachat d'entreprise par
endettement1,
est une technique financière parfois utilisée pour acheter une entreprise. Le
« LBO » consiste à financer une fraction du rachat d'une entreprise
en ayant recours à l'endettement bancaire ou obligataire, ce qui permet
d'augmenter la rentabilité des capitaux propres. La dette d'acquisition, bancaire ou non, est remboursée par une
ponction plus importante sur les flux de trésorerie de la société achetée[i].
L’ensemble des faits relatés ci-après sont extraits de La Caste
cannibale de Sophie Coignard
et Romain Gubert (Albin Michel 2013).
Les victimes …
En 2006, Novasep, une société lorraine en pointe dans la chimie fine, est
rachetée par un fonds néerlandais. 5 ans plus tard, l’entreprise est en
difficulté … L’Etat s’en mêle et vient à son secours par le biais du FSI qui y
injecte 30M€ tout en laissant les hedge
funds américains qui avaient prêtés l’argent de l’acquisition prendre le
contrôle de Novasep. Pourtant Minafin,
un autre spécialiste français de la chimie, avait un projet de reprise. Mais le
FSI lui a préféré les Américains !
Pages Jaunes représentait un fleuron de l’internet français et
dégageait de forts bénéfices. Jusqu’à ce que Goldmans Sachs et KKR s’en empare par le biais d’un LBO. Complètement vampirisées par ce système qui l’a contraint à
rembourser le coût de l’investissement de ses nouveaux actionnaires, Pages
Jaunes est tombé au plus bas et ne s’en est jamais remis.
Le LBO a eu ses précurseurs en
France : Les frères Willot avaient
fait de même dans les années 1970 pour créer un empire qui sera par la suite
repris par Bernard Arnault pour
devenir LVMH. Saut qu’à l’époque ces
pratiques étaient illégales et que les quatre frères ont fini en prison (pages
278-279) !
Le système des LBO est d’autant plus aisé que les
cadres dirigeants de la proie sont complices, ce qui peut aisément s’arranger
en les intéressant à l’opération par le biais de carried interest. Et c’est parfaitement légal !
Les prédateurs …
- Ancien
inspecteur des Finances passé par la Commission des opérations de bourse
(COB), proche de René Monory auprès
de qui il a travaillé à la présidence du Sénat, Hervé Gastinel a monté un LBO sur Terreal et a œuvré pour
Saint-Gobain ;
- Robert Daussun (ancien des cabinets de Michel Charasse, Michel Sapin et Martin Malvy) est un pro de l’effet de levier, ce qui lui
a permis de se bâtir la 370e fortune française (selon Challenges).
- Ancienne
du Cabinet Fabius, passée par Mc
Kinsey et le FMI, Hélène Ploix s’est
associée à Jean Gore (un de
donateurs du « Premier cercle » de Nicolas Sarkozy) pour monter une alliance avec Jean-Daniel Camus (ancien conseiller de VGE à l’Elysée et patron du
fond de LBO Orium) pour s’emparer des slips Eminence.
Toutefois, la liste des
entreprises malades des opérations de vampirisation des LBO a tout de même
finit par émouvoir quelques politiques. Jérôme
Chartier (UMP) a ainsi voulu faire un rapport parlementaire sur le sujet.
Il a été confronté à l’interposition nette de Valérie Pécresse et de Philippe
Marini. Celui-ci s’est également opposé au projet de la majorité PS de
plafonner la déductibilité des intérêts d’emprunts des LBO (aussi
invraisemblable que cela puisse paraître les fonds de LBO bénéficient de
ristournes fiscales pour leurs pratiques !). Mais il ne faut pas oublier
que Philippe Marini a longtemps
siégé au Conseil de surveillance de Gimar
(banque conseil en fusions-acquisitions) et à celui de CIPM (holding d’investissements et de placements mobiliers). Il n’a
toutefois pas eu besoin de s’opposer trop vertement aux projets du
gouvernement : une fois élu, François
Hollande s’est vite endormi sur sa promesse de campagne de supprimer les
avantages fiscaux des LBO (tout juste la déductibilité des intérêts d’emprunt
est-elle passée de 100 à 75%).
Pour retrouver les
autres articles sur La Caste cannibale :
A lire également, la
série d’article sur L’Oligarchie des incapables.
Merci pour ce texte. Tout le problème économique de l'occident est dans sa financiarisation et pas dans un quelconque privilège des cheminots ou même des employés de la SNCM c'est ridicule...
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