C’est le genre de papier qui montre tout
l’intérêt qu’il y a à lire The Economist. Outre le fait d’être une fenêtre sur la
pensée des élites globalisées sous influence anglo-saxonne, on y trouve aussi des
pépites qui démontrent tous les failles du système que le journal promeut.
Le grand bond en avant de la finance
Le graphique d’illustration de ce papier synthétise en quelques courbes une partie
non négligeable des problèmes de notre système économique. Il se base sur une étude de Guillaume Bazot,
de l’Ecole d’Economie de Paris, qui propose une nouvelle méthode pour évaluer le poids de la
finance dans le PIB. Alors qu’habituellement n’est pris en compte que la valeur
ajoutée, basée sur les frais et les marges des établissements financiers,
l’économiste y ajoute les gains en capital, en intérêts et en dividendes, qui représentent
une part grandissante de leurs revenus. Les résultats sont frappants puisque le
poids de la finance dans le PIB des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne, de
l’Allemagne et la France est passé de 2 à 3,5% du PIB en 1952 à 6 à 12,5% en
2007 !
The
Economist commence par
défendre la finance
en soulignant que les coûts de transaction ont plutôt baissé mais rappelle que
cette règle générale souffre de nombreuses exceptions (avec les fonds
d’investissement). Pire, l’étude calcule un coût de la finance par rapport au
montant des actifs financiers. Et là, le coût a tendance à augmenter (sauf en
France), malgré les faibles taux d’intérêt. The
Economist en vient à se demander « Qu’est-ce
qui justifie les hauts revenus des banquiers et des gestionnaires de
fonds ? On pourrait répondre qu’ils ont fait baisser le coût du capital
pour les entreprises avec de faibles taux et une forte évaluation des actions.
Mais c’est difficile à soutenir : les faibles taux sont davantage la
conséquence de la politique de la banque centrale et de la faible inflation ».
Les vautours de la mondialisation
Mais, comme souvent avec The
Economist, on s’arrête au simple constat. L’hebdomadaire néolibéral ne
pointe pas le
rôle du mécanisme de création de la monnaie (aujourd’hui confiée aux banques)
et refuse généralement toutes les demandes de régulation du secteur, comme
la dérisoire et minimale taxe sur les transactions financières qui doit être
mise en place en Europe. Mais il apporte de l’eau au moulin de ceux qui
soulignent à quel point le système actuel est dysfonctionnel et profite de
manière disproportionnée à une petite minorité. Voici un papier qui démontre de
manière éclatante que la finance est au premier rang de cette petite minorité.
Qui peut croire qu’il y a eu le moindre intérêt collectif à ce que la finance
triple ou quadruple son poids dans le PIB, si ce n’est celui des quelques
professionnels du secteur qui ont vu leurs revenus et leur richesse s’envoler
depuis 30 à 40 ans.
Merci
à The Economist de savoir se faire
parfois le relais d’études qui remettent pourtant tellement en cause le modèle
qu’ils défendent. Ce faisant, malgré un dogmatisme de principe effarant,
ils ont l’audace, si démocratique, de faire vivre le débat d’idées, au sein
même de leur journal.
Ca ne favorise plus autant l'innovation
RépondreSupprimerL'Etat fédéral tente de le faire. L'administration Obama finance des « Manufacturing innovation institutes », le premier créé l'a été dans le domaine des imprimantes 3D. Les industriels hésitaient à investir dans cette technologie, dont les débouchés sont encore incertains, l'Etat a donc pris le relais. Plus que jamais, il joue donc un rôle majeur, mais il risque d'être insuffisant.
http://www.latribune.fr/opinions/tribunes/20140707trib000838832/suzanne-berger-aux-etats-unis-le-processus-de-recherche-innovation-est-bloque.html
Le plus étrange pour qui croirait en la rationalité du système c'est que la finance ne sert à rien, ou plus exactement que ses usages utiles seraient assurables de manière bien plus robuste par des institutions sécurisées : banques, assurances, etc. Un marché conforme au modèle de concurrence pure et parfaite remplirait certes mieux ces fonctions mais ce n'est pas un scoop d'annoncer que le marché n'est non seulement pas réalisé, mais surtout non réalisable compte tenu des hypothèses intenables du modèle.
RépondreSupprimerDans les marchés "imparfaits"" de ce bas monde, le fonctionnement de la plupart suppose qu'ils soient stabilisés du dehors par la régulation de la demande et du financement, qui est de la responsabilité directe de la puissance publique. En particulier les banques doivent être radicalement déconnectées des marchés financiers et consacrées exclusivement au financement des entreprises et des ménages ; quant à l'Etat il doit de financer exclusivement auprès de la banque centrale ou subsidiairement du système bancaire national. Les compagnies d'assurances ou assimilées devront placer leurs liquidités auprès du système bancaire au lieu de titres financier.
Un tel système serait beaucoup moins "efficace" au sens néoclassique du terme, mais en réalité beaucoup plus puisqu'une éventuelle inefficience dans la répartition des ressources pourrait être compensée par des politiques monétaires et budgétaires plus actives et performantes.
Le marché financier n'est qu'une usine à gaz pour concentrer richesses et pouvoir entre les mains des "1%". E quand nous en reprendrons le contrôle, le vrai marché (des biens et services) ne s'en portera que mieux !
Concernant de Gaulle et la dette :
RépondreSupprimerD’abord, il est pour le moins piquant de voir de prétendus gaullistes dénoncer ce complot chimérique alors que s’il y a eu complot, le comploteur en chef c’était de Gaulle lui-même. Dès son retour au pouvoir en 1958, la position du général était on ne peut plus clair : rembourser la dette, mettre fin aux politiques inflationnistes et créer un franc fort (le nouveau franc) pour acter le tout. En effet, si la Banque de France finançait environ 28% de la dette publique au cours des années 1950, ce chiffre chute à 16% entre 1960 et 1973 [9] : c’est donc bien Charles de Gaulle qui a poussé le Trésor à s’endetter sur les marchés.
http://ordrespontane.blogspot.fr/2014/07/la-loi-de-1973.html
"c’est donc bien Charles de Gaulle qui a poussé le Trésor à s’endetter sur les marchés"
RépondreSupprimerJusqu'en 1986 le Trésor s'endettait principalement sur le système bancaire national, et en grande partie nationalisé. De Gaulle n'a pas été confronté aux marchés dérégulés et hypertrophiés que nous connaissons aujourd'hui.
Il n'en reste pas moins que ce n'est pas en matière économique que le Général mérite d’être pris pour référence, mais pour son courage, son intransigeance politique et son cap constant en faveur de l'indépendance nationale (qui l'aurait vraisemblablement amené à récuser le recours aujourd'hui aux marchés financiers).
Sans oublier que de Gaulle était partisan du retour à l'étalon-or (Cf conference de presse 1965) ce qui représente l'horreur absolue pour l'oligarchie financiére qui faisait tout pour décrocher le dollar de l'or. De 1962 à 1966, de Gaulle à fait revenir environ 900 tonnes d'or en France qui provenaient de la FED.
RépondreSupprimerCliquet vous êtes à coté de la plaque, la chute de l'étalon or s'explique par le fait que les USA ne pouvait plus tenir un dollar fort. Ca ne les a pas empêché de vivre par la suite...
RépondreSupprimerL'oligarchie rentière adore l'étalon or et les monnaies fortes, ça les protèges et participe à la financiarisation.
RépondreSupprimer@ Gilco56
Je vous ai prévenu plusieurs fois. Mon blog n’est pas un panneau publicitaire où vous pouvez afficher ce que bon vous semble. Cela perturbe les débats et fait perdre du temps. Je supprime donc vos messages sans aucun rapport explicite avec le papier.
@ Anonymes
La finance agit pour elle même aujourd’hui
Sur le Général, votre commentaire est ridicule. Certes, il était rigoureux, mais cela correspondait au contexte de l’époque (forte croissance et inflation plus importante), permis par sa politique. Il n’a rien fait allant dans ce sens (pas d’indépendance, pas de nouveau texte verrouillant cela).
@ J Halpern
Bien d’accord. Merci pour les réponses à l’anonyme
@ Cliquet
Juste. Un point avec lequel je ne suis pas en accord