Billet invité de l’œil de Brutus.
M. Jean Massot publiait il y a
peu une tribune sur le site du Monde pour défendre le système de mandat à 5 ans
du président de la République (Le quinquennat n'a pas à être le bouc
émissaire de la désaffection à l'égard du politique).
Il faut bien l’avouer : une
bonne partie de ses arguments en eux-mêmes sont justes.
Ainsi, l’hyper-présidentialisation
et la personnalisation du combat politique ne sont pas des tares spécifiques au
quinquennat. La médiatisation et la « people-isation » du politique y
sont bien plus pour quelque chose. De même, la bipolarisation politique de
notre pays est bien antérieure à l’instauration du quinquennat.
Au-delà des jeux politiciens, le
septennat avait donc l’immense avantage de faire décoller le chef de l’exécutif
du temps électoral et donc de l’engager sur le long terme et potentiellement
dans les réformes supposées impopulaires. « Ce
qui est salutaire à la nation ne va pas sans blâmes dans l’opinion, ni sans
pertes dans l’élection » affirmait le général de Gaulle. Or, justement,
avec le septennat qu’il avait si bien pensé, le président de la République
pouvait s’attacher au salutaire de la nation sans craindre les pertes de
l’élection suivante. Ce n’est aussi pas pour rien que la politique étrangère et
la défense sont naturellement devenues des « domaines réservés » de
l’hôte de l’Elysée : ce sont deux axes politiques qui s’apprécient sur le
long terme, voire sur le très long terme. Or, force est de constater que depuis
l’instauration du quinquennat, ces deux domaines sont beaucoup moins
« réservés » qu’ils ne l’étaient, devenant ainsi des variables
d’ajustement du court terme, ce que nous risquons fort de payer très cher un
jour.
Par ailleurs, comme je le disais
déjà précédemment[iii], en
calquant, le temps présidentiel sur le temps parlementaire, le quinquennat
empêche le Président de tenir son rôle d’arbitre national. Ce faisant, il
s’enterre dans les basses préoccupations politiciennes du quotidien. Soumis à
la même échéance électorale que les députés, il travaille à sa réélection et
n’a plus cette approche à long terme. Il devient chef de parti, pour ne pas
dire de clan, et perd donc son rôle d’arbitre. Englué dans les questions de
politiques intérieures, il est moins audible sur les questions de politique
internationale. Alors qu’avec le septennat, le Président se consacrait
naturellement au temps long et le 1er Ministre au temps court, l’un et l’autre
se marchent désormais dessus et personne ne projette la France dans l’avenir.
En pratique, et contrairement à nombre de commentaires journalistiques, le
quinquennat n’a pas transformé le Président en « hyper-président », mais plutôt
un « hypo-président », sorte de 1er ministre bis, reléguant l’hôte de Matignon
au rang de simple « collaborateur », pour reprendre une certaine expression
désormais bien connue.
C’est ainsi qu’abâtardie, notre
République n’a plus grand-chose de présidentielle puisqu’elle confie
l’essentiel des pouvoirs à un chef de clan, ce clan étant, par la force de
l’organisation quasi-conjointe des élections présidentielles et législatives
(et peu importe l’ordre dans lequel ces deux élections se déroulent), celui qui
est le mieux représenté au Palais Bourbon.
Certes, il ne s’agit pas de faire
du quinquennat un bouc émissaire facile car le fond de notre dégénérescence
institutionnelle réside ailleurs : la professionnalisation progressive de
la politique depuis les années 1980 a accouché d’un régime
présidentialo-parlementaire – ou plutôt « clano-parlementaire » - dans lequel
le chef du parti majoritaire à l’Assemblée est aussi chef du gouvernement et de
l’Etat. C’est plus de l’hyper-parlementarisme que du présidentialisme ! Tout
juste, par rapport aux régimes antérieurs des 3e et 4e Républiques, consent-on
à ce que le chef de clan ne soit pas renversé par une nouvelle majorité tous
les quatre matins. La stabilité dans la médiocrité. Le mal est donc bien
là : professionnalisation de la politique. Son origine est profonde. D’une part, il est propre à toute
évolution « naturelle » de tout régime politique qui tend, progressivement
et dans le temps, à favoriser l’accaparement du pouvoir par un groupe de plus
en plus restreint. Mais d’autre part, il a aussi connu une fantastique impulsion
depuis l’arrivée au pouvoir du PS en 1981. Lorsque François Mitterrand s’empare
de l’Elysée en 1981, les nouveaux impétrants du pouvoir ne cachent leur
méfiance à l’égard d’une haute fonction publique qu’ils supposent idéologisée
par plusieurs décennies de pouvoir concentré dans les mains de la droite. Pour contrebalancer
ces hauts fonctionnaires, la gauche va alors confier de plus en plus de
prérogatives aux cabinets ministériels qui, d’autrefois simples gestionnaires
de l’emploi du temps du ministre, vont devenir de véritables organes politiques
chargés à la fois de mettre au pas les fonctionnaires et de surveiller les
agissements du ministre pour ne pas qu’il s’écarte de la ligne fixée par le
sommet de l’exécutif ou … les membres non élus de l’oligarchie[iv].
C’est alors à un véritable démantèlement de la haute fonction publique que l’on
assiste[v].
Le mouvement se poursuit au niveau local avec les différentes étapes de la
décentralisation. Celle-ci accorde à l’élu qui veut se muer en potentat local
des pouvoirs non négligeables, à commencer par celui de recruter librement
leurs propres collaborateurs[vi]. Communes,
communauté de communes, conseils départementaux et régionaux, ministères :
tous ont ainsi leurs propres cabinets dont les membres sont contractuellement
recrutés et ont quasiment droit de vie et de mort sur l’administration qui dans
les faits s’en trouve placée sous leur tutelle. C’est là une formidable usine à
clientélisme et népotisme qui s’est instituée. Une fois revenue au pouvoir en
1986, puis ultérieurement, la droite n’y a bien sûr rien trouvé à redire, bien
au contraire … Et qui retrouve-t-on dans cet univers de « prébendes et petits plaçous » que
forme les cabinets ? Les élus de demain. C’est là que trouve sa naissance la
véritable professionnalisation de la politique et la dégénérescence de notre
République. Un simple coup d’œil sur les fiches Wikipédia des ministres du gouvernement
actuel comme des précédents suffit à le confirmer : ils ont tous, ou
presque, commencé leur « carrière » politique dans ces cabinets (au
passage sans jamais avoir réellement travaillé[vii])
plus ou moins obscures avant d’un gravir les échelons en tissant leurs
réseaux. C’est contre cela qu’il
faut agir. Le quinquennat n’est certes pas le « bouc émissaire » mais
il contribue amplement à cette clientélisation professionnelle de la politique.
Et pour sortir de cette ornière, les leviers ne manquent pas : interdiction du
cumul des mandats, limitation du nombre de mandats consécutifs, diminution
drastique du nombre de poste d’élus (notamment par une vaste réforme
territoriale et non le grand-guignolisme institutionnel actuellement proposé),
limitation du rôle des cabinets, mise en place d’âge plancher (par exemple 35
ans) et plafond (par exemple 67 ans) pour accéder à une fonction élective
rémunérée, etc.[viii]
[i] Jacques
Attali, Verbatim, Fayard 1993.
[ii] Mais à y
regarder le comportement oligarchique, la soumission éhontée à la finance et
l’imposition au peuple français de traités dont il ne veut pas, le PS – comme
l’UMP – ne sont finalement guère plus républicains que le FN, celui-ci
conservant par ailleurs, comme le soulignent très bien Laurent
Pinsolle et Natacha
Polony, toutes les caractéristiques du démagogisme extrémiste.
[iii] Bonapartisme
ET constituante, ainsi que Projet
de Constitution.
[iv] On relèvera
ainsi l’omniprésence des représentants du monde de la finance dans les cabinets
ministériels. Cf. notamment Le
PS et ses « ennemis » de la finance.
[v] Lire sous la
direction de Laurent Bonelli et Willy Pelletier, L’Etat démantelé, La
Découverte 2010.
[vi] Ces travers
sont magistralement décrits par Zoé Shépard dans Absolument
débordée, ou le paradoxe du fonctionnaire, Points 2011.
[vii] On
remarquera que le reproche récurrent qui est fait à la surreprésentation de
fonctionnaires à l’Assemblée nationale et au Sénat ne va pas jusqu’au bout de
la logique : si effectivement nombre d’élus bénéficie du statut de fonctionnaires,
une analyse un peu plus poussée des CV des élus démontre qu’ils n’ont bien
souvent jamais, ou presque, exercé réellement dans la fonction publique. En
prenant l’exemple du premier d’entre eux, notre président de la République, on
pourra constater que sorti de l’ENA en 1980 – donc à ce titre
« fonctionnaire » - François Hollande était dès 1981 « chargé de
mission » auprès de François Mitterrand à l’Elysée …
[viii] Lire
également L’œil de Brutus, Propositions
citoyennes pour la France, 01/02/2012.
Et pour sortir de cette ornière, les leviers ne manquent pas :....
RépondreSupprimerBien d'accord avec vous . Qui et comment pour actionner sérieusement ces leviers? le contexte se prête-t-il à une Constituante ? Composée comment ?Avec quels fondamentaux d'un renouvellement effectif de la démocratie ,pas seulement "la représentative" mais aussi la... sociale, sanitaire, environnementale...
Félicitations et bon courage
Il n'est jamais inutile de rappeler que ce sont aussi les présumés héritiers du Général ( Chirac et tout le RPR ) qui, par le quinquennat, ont détruit une souplesse d'interprétation de la constitution de la Vè à la fois parlementaire et présidentielle. Un mandat présidentiel de 7 ans et une législature de 5 ans permettait au président d'être autre chose que le simple chef de la majorité parlementaire ce que pouvait être le premier ministre. Les 2 fonctions ont été rabaissées et nous sommes de plus en plus dans le règne du court-termisme puisqu'il est déjà largement question de la présidentielle de 2017. Un président aussi dévalué qu' Hollande pourra-t-il tenir jusque-là d'autant plus si sa majorité prend une troisième raclée électorale lors des régionales de 2015 ? Une dissolution suivie d'une cohabitation peut seule lui sauver la mise, en lui évitant une élimination dès le 1er tour. L'instillation d'une dose de proportionnalité, comme en 1986 et supprimée à tort par la droite, peut aussi lui éviter un scénario catastrophe.
RépondreSupprimerNous sommes bien loin de la monarchie élective instaurée par la Général De Gaulle! Le discrédit de la classe dirigeante pourrait entrainer une crise de régime notamment dans le cas où la gauche incapable de s'en prendre à la politique de Valls-Hollande s'en prendrait avec efficacité au régime pour instaurer une VIè République. C'est un travers bien français que de penser qu'il suffit de changer de constitution pour résoudre nos problèmes. Cependant Il est plus probable qu'elle sera éliminée du jeu politique pendant une à deux décennie comme entre 1958 et 1981!
Nous sommes bien loin de la monarchie élective et plus proche du temps que De Gaulle prophétisait en disant qu' après lui tout sera détruit et donc à reconstruire. La vanité de De Gaulle, de se croire indispensable, l'a conduit à se représenter en 1965 et donc à être prisonnier de la droite conservatrice Pompidou, Giscard ( mode de scrutin oblige ) puis à être rejeté 3 ans plus tard par les Français en 1968 "dix ans, ça suffit"! S'il avait été jusqu'au bout de la logique monarchique des institutions qu'il avait mis en place il aurait contribué à faire du Comte de Paris son successeur nous aurions une monarchie constitutionnelle, démocratique et parlementaire un peu comme l'Espagne actuelle et nous ne nous en porterions pas plus mal politiquement parlant. Il avait une légitimité politique forte pour le faire! Un peu plus d'audace lui aurait bien convenu!
Le levier le plus puissant est le choix des candidats. Il ne faut plus qu’ils soient choisis par des appareils politiques, qui n’existent que pour eux-mêmes et la promotion de leurs propres intérêts.
RépondreSupprimerLes français ont voté plusieurs fois pour la cohabitation parce qu'elle leur donne un ersatz de séparation des pouvoirs.
RépondreSupprimerLa plus grande faute politique de Jospin fut de trafiquer le calendrier électoral pour éviter tout risque de cohabitation, cette situation étant désignée comme un mal qu'il faut éviter à tout prix. Une fois perdues les présidentielles les socialistes n'avaient plus aucune légitimité à faire campagne pour les législatives puisque cela revenait à faire campagne pour la cohabitation juste après en avoir dit pis que pendre.
J'observe que généralement ceux qui trafiquent le calendrier électoral récoltent ensuite dans les urnes la punition qu'ils méritent et j'attends avec impatience les prochains scrutins départementaux et régionaux sans cesse repoussés par les élus nationaux (et territoriaux, cumul des mandats oblige) en place.
Pour en revenir au sujet je ne crois pas qu'on puisse dissocier la question de la durée du mandat présidentiel de celle de la cohabitation. Si on est pour le septennat il faut avoir le courage d'en tirer les conséquences et d'admettre que la cohabitation fait partie du fonctionnement normal des institutions de la Vème République. Et que si on ferme toute possibilité de cohabitation on ne peut plus prétendre sérieusement que notre constitution assure la séparation des pouvoirs.
Ivan
Lionel Jospin en inversant le calendrier électoral mis à mal par la malencontreuse dissolution de 1997 par Chirac a bien respecté la logique institutionnelle de la Vè qui prévoit la prééminence du Président sur le Parlement.
SupprimerEn tant que partisan du septennat je pense que la cohabitation est un scénario politique possible de la Vè qui d'ailleurs permet aussi une répartition des rôles entre président et premier ministre. C'est toute la souplesse de la Vè, un avantage!
Pour moi la séparation des pouvoirs est un leurre dès lors que le même parti politique occupe l’exécutif et le législatif.
SupprimerGilbert Perrin
RépondreSupprimerÀ l’instant ·
découpage de la FRANCE ?
Dans quel but ? Quels sont les critères de choix ? POURQUOI des régions à 4 départements et d'autres à 10 etc.....etc.....
Une fois de plus la pauvre FRANCE est bien mal partie. Les français ne sont pas informés, ils ne le seront pasm ils ne sont pas consultés. UNE FOIS de PLUS, ils vont être mis devant le FAIT ACCOMPLI, d'un charcutage HONTEUX, se fichant de la population pour la seule défense des ELITES....
ADMETTEZ que le peuple français est devenu minable !!! Un travail en profondeur de ce niveau doit se faire POUR le PEUPLE, AVEC le PEUPLE et, PAR LE PEUPLE, si on veut que ce soit une REFORME DEMOCRATIQUE ? ETRE sanctionne par REFERENDUM
IL n'en sera rien ! ce charcutage se passe à PARIS par des fonctionnaires, sur le dos du peuple pour ne pas changer....
LE PIRE, c'est que les ELUS n'en informent pas leur population MAIS, soyez en certains ils s'informent et se battent TOUS pour conserver LEURS : MANNE leur part du GATEAU
INUTILE de DIRE que dans ces conditions nous ne devons surtout pas rever le GAIN annonce ne sera pas au rendez vous
CITOYENS AGISSONS RECLAMONS NOTRE DROIT A INFORMATION
CESSONS de nous comporter en MARIONNETTES
Gilbert Perrin