mardi 19 août 2014

Le sens des jérémiades de Michel Sapin


La tribune du ministre des finances dans le Monde, « Pourquoi il faut réorienter les politiques économiques européennes », publiée en même temps que l’annonce des mauvais résultats de croissance n’a pas été bien saisie. En effet, elle est parfaitement cohérente avec le discours du Premier Ministre.



Outil de négociation européenne

Cet outil dans le dispositif de communication gouvernementale autour du mauvais résultat de la croissance au second trimestre sert un double objectif. Le premier est d’adapter le discours à l’égard des Français. Je vais y revenir. Mais le second, plus important encore sans doute, est à destination de l’Europe. En effet, la conjugaison d’une moindre croissance et d’une inflation plus faible va peser sur le déficit budgétaire. Alors qu’il était sensé atteindre 3% en 2013, objectif renvoyé à 2015 l’an dernier, il « sera donc supérieur à 4% du PIB en 2014 » pour reprendre les mots du ministre. Mais celui-ci précise aussi que « nombre de nos voisins européens n’atteindront pas non plus les objectifs qu’ils s’étaient fixés », après une litanie indigeste qui décrit la situation économique, davantage digne d’un journaliste que d’un ministre.

A première vue, après les déclarations de François Hollande sur une réorientation politique en Allemagne, et qui s’est logiquement fait recadrer par le porte-parole d’Angela Merkel, on pourrait croire que la majorité s’est fixée comme objectif une réorientation des poltiques européennes. Mais, la tribune de Michel Sapin est finalement très légère sur cette réorientation. En conclusion, il dit «  l’Europe doit agir fermement, clairement, en adaptant profondément ses décisions à la situation particulière et exceptionnelle que connaît notre continent ». En clair, la seule chose que demande la France, c’est un nouveau report de ses objectifs de réducation du déficit budgétaire. Bref, alors que les politiques menées ne donnent aucun résultat, Michel Sapin demande d’assouplir les objectifs au lieu de changer de politique !

Faux parler-vrai

On a beaucoup retenu l’introduction de sa tribune « mieux vaut assumer ce qui est, plutôt que d’espérer ce qui ne sera pas », qui serait une forme de critique du discours du président de la République, sans qu’il soit clair si l’Elysée assumait de telles lignes. Mais ce faisant, Michel Sapin continue à se placer dans la ligne de François Hollande, pour qui la conjoncture économique semble tombée du ciel, presque indépendante de la politique menée dans notre pays. Pour ce faire, il met en avant la baisse du PIB allemand, mais il oublie de préciser qu’il avait monté de 0,7% au premier trimestre, au contraire de la France, qui stagne depuis deux trimestres. Finalement, cette tribune est un exercice effarant qui consiste à s’exonérer de la responsabilité de la conjoncture économique actuelle après deux années de pouvoir !

Encore plus effarant, c’est l’annonce du maintien de la politique actuelle. Si les socialistes admettent le côté improductif des hausses d’impôt, ils rappellent qu’elles n’ont fait que prolonger celles décidées par Nicolas Sarkozy avant eux. Bref, le Parti Socialiste mise tout sur le plan d’économie de 50 milliards, dont on ne voit pas comment il ne pourrait pas ne pas avoir le même effet désastreux que les hausses d’impôts de 2012 et 2013 sur la croissance. Au final, Michel Sapin défend exactement la même ligne eurolibérale que développe François Hollande depuis le début d’année. Il y a quelque chose d’extravagant à voir une majorité qui se dit de gauche faire tapi sur une baisse du coût du travail…

En clair, il ne faut pas voir dans cette tribune une quelconque remise en cause des politiques européennes. Il s’agit juste d’une confirmation du cap clairement affiché depuis le début d’année, tout au plus une annonce que les objectifs initiaux de réduction des déficits devront être une seconde fois repoussés.

8 commentaires:

  1. Et pourtant ce serait le moment de faire une relance keynésienne en donnant du pouvoir d'achat à de nombreuses catégories de population.
    Comment ? Simple: alors que les taux d'intérêts du 10 ans sont à moins de 1,4%, qu'il y a profusion d'argent sur le marché, il faut emprunter au moins 5% du PIB soit 100 milliards supplémentaires !
    De toute façon aucun pays ne remboursera jamais sa dette publique, si ce n'est à la marge ... quelle importance, ce sont les plus riches et les banques qui devront subir la perte , comme s'ils subissaient un peu d’imposition supplémentaire.

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    1. "De toute façon aucun pays ne remboursera jamais sa dette publique, si ce n'est à la marge ... quelle importance, ce sont les plus riches et les banques qui devront subir la perte , comme s'ils subissaient un peu d’imposition supplémentaire."

      L'intérêt des riches et des banques n'est pas que les États remboursent leurs dettes mais qu'ils la fassent rouler!

      C'est d'ailleurs ce que s'emploient à faire tous les gouvernements de la zone euro.
      Réussir à réduire le déficit tout en continuant à trouver les milliards d'euros nécessaires à refinancer la dette chaque année.
      Le contribuable français permettant ainsi d'augmenter les patrimoines financiers.
      Elle est pas belle la vie de rentier?

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    2. C'est bien la raison pour laquelle je pense (comme Laurent) que la seule porte de sortie est la monétisation directe par la Banque de France ... encore faut-il avoir quitté l'UE.

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  2. Attali dit qu'il faut profiter de la déflation pour augmenter la TVA de 3 points...
    http://bfmbusiness.bfmtv.com/france/jacques-attali-c-est-le-moment-828633.html

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  3. Bonjour à tous

    on voit qu' Attali n'a pas de problèmes de fin de mois pour proposer une augmentation de 3 points de la TVA!

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  4. Ces déclarations gouvernementales ont au moins l'avantage de faire ressortir que la politique européenne, imposée par les traités, nous entraîne dans l'impasse de la déflation et de l'augmentation des déficits. Si ça pouvait faire avancer l'idée que la seule issue, c'est la sortie de l'UE, ça ne serait pas inutile!

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  5. "Les politiques menées ne donnent aucun résultat." Comment ça aucun résultat ? Au contraire, elles provoquent une catastrophe, qui ne fait qu'accentuer ses effets avec le temps, qui passe.

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  6. Le plus extravagant dans cette affaire, c'est que les libéraux sociaux massacrent nombre d'entre nous avec les impôts et les taxes, qu'ils multiplient les cadeaux aux grandes entreprises alors que, dans le même temps, ils s'apprêtent à faire des cadeaux fiscaux à certains autres à hauteur de plusieurs milliards d'euros. Un bel exemple de cohérence.

    Demos

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