mardi 5 août 2014

L’inversion : la nouvelle désertion fiscale créé un débat aux Etats-Unis





Combattre les idées reçues

En effet, l’idée que des multinationales étasuniennes puissent vouloir échapper à la taxation élevée de l’Oncle Sam bouscule quelque peu les idées reçues. Si la France n’est pas loin du sommet, ce sont les Etats-Unis qui taxent le plus leurs entreprises en Impôt sur les Sociétés selon l’OCDE ! Certes, comme en France, il existe d’innombrables exemptions, qui coûtent chaque année plus de 150 milliards de dollars, plus de 50% du produit total de l’IS selon The Economist. Mais ce n’est pas tout : l’Oncle Sam impose les entreprises sur l’ensemble de leurs bénéfices, y compris quand ils sont réalisés à l’étranger, contrairement aux autres pays, ce qui fait que les multinationales locales tendent à conserver les profits réalisés à l’étranger, à l’étranger pour échapper au fisc de leur pays d’origine. On estime qu’elles détiendraient pas moins de 2 000 milliards de dollars de profits sous cette forme !

L’ingéniosité du monde des affaires a trouvé une nouvelle solution, appelée l’inversion, qui consiste à fusionner avec une entreprise d’un pays à la fiscalité plus clémente (souvent la Grande-Bretagne ou l’Irlande) pour y établir le siège social de la nouvelle entité. C’est pour cette raison que Pfizer voulait acheter AstraZeneca ou que AbbVie a racheté Shire pour 55 milliards de dollars, qui pourraient lui rapporter la bagatelle de 8 milliards d’impôts. Le nombre de ces opérations a déclenché un vrai débat politique outre-Atlantique. Les attaques viennent des néolibéraux, qui y voient la preuve que le niveau de l’imposition serait trop élevé, et réclament sa baisse (de 35 à 25% pour les Républicains) et des étatistes qui proposent purement et simplement l’interdiction si l’entreprise visée est plus petite, alors que la loi ne les interdit que pour des rachats d’entreprise plus de 4 fois plus petites.

Un débat extrêment révélateur

Ce sujet est intéressant à plusieurs titres. De manière plus anecdotique, mais pas moins significative, il n’est pas inintéressant de noter que les Etats-Unis sont un des seuls pays à imposer les bénéfices réalisés à l’étranger dans une nouvelle illustration du caractère extra-territorial (et donc impéraliste) de la législation du pays, dans un écho de l’affaire BNP-Paribas. De manière plus proche, cela montre à nouveau comment les multinationales disposent aujourd’hui de nombreuses astuces légales pour réduire drastiquement les impôts qu’elles paient, d’où la situation effarante en France où le CAC 40 paie proportionnellement trois fois moins d’IS que les petites entreprises ! Même les tout-puissants Etats-Unis sont un peu victimes de cette évolution, même s’ils gagnent en taxant les profits réalisés à l’étranger.

Tout ceci montre aussi que dans la loi de la jungle économique actuelle, les plus forts peuvent faire un peu ce qu’ils veulent. Cela montre aussi le détachement progressif des entreprises d’avec le territoire qui les a vu naître (l’un des exemples les plus significatifs étant le fait que Fiat profite du rachat de Chrysler pour mettre son siège social à Londres). D’un point de vue plus libéral, cela montre aussi que la complexité du droit sert finalement les plus riches et les plus puissants, qui ont les moyens d’utiliser les failles ainsi offertes, ce qui n’est pas le cas de tout le monde. Mais le plus inquiétant est en fait l’évolution du rapport de force entre les Etats et les multinationales, qui semble toujours aller dans le sens de ces dernières, malgré BNP-Paribas, et ce que le traité transatlantique pourrait renforcer avec les RDIE.

Le niveau d’imposition des plus riches et des plus fortunés est de plus en plus sous leur pression du fait de la libre-circulation des capitaux et de l’effacement des Etats, de la politique et de la démocratie devant le marché et un droit très contraignant conçu sous l’influence des milieux d’affaires.

4 commentaires:

  1. J'ai commencé à lire le livre de G.Zucman "La richesse cachée des Nations". Il affirme y donner des solutions crédibles pour enrayer l'évasion fiscale. Il propose comme point central un cadastre international des titres financiers. J'ai du mal à croire qu'une tel travail coopératif soit possible. J'ai tendance à penser que toute solution qui nécessite un large accord mondial est une chimère que l'on peut toujours caresser en vain.

    Quand on voit ce que les négociations sur le réchauffement climatique donnent alors que tout le monde aurait intérêt à changer...

    G.Zucman comme beaucoup d'autres (les Verts fédéralistes) semble accréditer le fait que seule, la France est impuissante à reconquérir sa souveraineté populaire contre l'oligarchie.

    Cette voie me semble vouée à une longue série de désillusions. Trouvons les moyens de restaurer notre souveraineté par nous-mêmes!

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  2. Il est complètement absurde de dire que la France ne peut rien quand on voit ce qu'ont pu faire l'Argentine ou la Malaisie. C'est absurde. Et la recherche de solutions globales semblent presque toujours favoriser les abus...

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  3. Et puis on peut toujours trouver des alliés qui ont les mêmes besoins que nous sans pour autant créer un gouvernement mondial, et pas forcement en Europe.
    Les BRICS commencent à sortir du dollar alors que presque tous on un PIB inférieur à celui de la France.

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  4. Les techniques d'optimisation fiscales sont l'apanage de toutes les multinationales qu'elles soient Europeennes ,Américaines ou Asiatiques,simplement il y'a une pyramide qui place les États Unis et l'Asie au sommet ,puis l'Europe ensuite l'Amérique Latine.
    La vraie question est de savoir à qui cela profite réellement quand on sais par exemple rien qu'en France le premier investisseur étranger c'est la France(les filiales Françaises situées dans les paradis fiscaux)

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