Hier, Mario
Draghi a annoncé une nouvelle baisse des taux et un programme de rachats
d’actifs. Certains
ont accueilli avec emphase ces mesures, « l’artillerie
lourde » pour lutter contre la
déflation qui menace de ronger la zone euro. Mais dans la réalité, ces
mesures sont totalement insuffisantes.
Trop
faible, trop tard dans le cadre des traités
Bien sûr,
les annonces de la BCE sont spectaculaires, avec
un taux directeur qui tombe à 0,05%, et même le taux de dépôt qui tombe à -0,2%
(en clair, les banques qui déposeront leur argent à la BCE ne seront pas
rémunérées, mais devront payer). L’objectif est de limiter le gel des
liquidités, pour pousser l’argent dans le circuit économique. Enfin, Mario
Draghi annoncé un programme de rachat d’actifs, comparable
aux actions des banques centrales étasunienne, britannique ou japonaise.
Dans la foulée, l’euro a un peu baissé. Il est environ 5% moins cher que lors
de la précédente baisse des taux en juin, même s’il reste encore au-dessus
de son point d’équilibre, du
fait des excédents commerciaux de la zone.
Même si ces
mesures sont positives, elles ne rendront la situation que très marginalement
moins mauvaise, comme on le voit depuis plus de quatre ans. D’abord, elles
viennent tard, d’autant
plus que, seule contre le monde, la BCE avait bêtement monté ses taux en 2011.
Ensuite, les taux à 0,05% n’ont rien d’exceptionnel aujourd’hui et, cela n’a
pas sorti le Japon de la déflation. En effet, il faudrait aller beaucoup plus
loin, même dans le cadre du mandat qu’a la BCE. Mario Draghi pourrait prendre exemple
sur son homologue japonais en disant clairement qu’il combattra résolument
la déflation, en fixant, par exemple, un plancher au niveau de l’inflation (à 1
ou 1,5%), outre le plafond. Et il pourrait aller plus loin dans
l’assouplissement quantitatif : au
Japon, la banque centrale rachète pour 10% du PIB de dette publique par an.
Et un
problème structurel et insoluble
En effet,
les problèmes sont plus structurels. D’abord, il y a les statuts de la BCE et
le biais allemand, qui mettent l’inflation avant l’emploi, contrairement aux
Etats-Unis. Il serait impossible de changer cela car
les Allemands préfereraient sans doute quitter la monnaie unique plutôt que
d’accepter une réforme radicale des statuts de la BCE. Pire encore, la
monnaie unique est une machine infernale déflationniste : en effet,
plus les salaires sont bas (compétitif, dans la langue néolibérale), plus un
pays est compétitif par rapport à ses voisins et donc équilibre son commerce.
Avant, on ajustait la valeur de la monnaie. Aujourd’hui, on joue sur les
salaires, et
cela pousse donc les pays dans la déflation.
Si
Mario Draghi semble aujourd’hui défier Angela Merkel pour assouplir la
politique monétaire de la BCE, il ne faut pas se leurrer. Non seulement ces
mesures restent bien légères et superficielles. Mais en outre, il ne cherche
qu’à sauver l’euro et son poste. Les européens ne verront pas la couleur de ces
mesures.
Ou bien la BCE rachète directement de la dette publique, ou bien elle distribue de la monnaie directement aux Etats (en imposant le cadre de son utilisation = développement infrastructures, recherche et développement, économie d'énergie, transition écologique, nouvelles énergies).
RépondreSupprimerOffrir des liquidités aux banques , même a taux très bas ne sert à rien , il n'y a pas de demande !
Tout l'argumentation de cet article s'écroule quand on regarde les résultats de l'action de Abe au Japon, vantée ici : le pays s'effondre.
RépondreSupprimerLa croissance japonaise était de 0% en rythme annuel au 2e trimestre (comme la France) selon l'OCDE. Ce n'est pas brillant mais parler d'"effondrement" est un peu excessif.
SupprimerLes "abenomics" n'ont qu'un an, laissons leur un peu de temps avant de porter un jugement définitif.
Ceci dit, on a déjà souligné les faiblesses du dispositif : contrôle insuffisant de la finance qui détourne les flux monétaires vers la spéculation, insuffisance de l'impulsion budgétaire qui agirait directement sur la production, insuffisance des hausses de salaires...
L'erreur d'Abe est d'avoir augmenté la TVA au lieu de verser des aides sociales, des salaires et des retraites.
SupprimerL'inflation obtenue par la hausse de la TVA est une mauvaise inflation.
La seule bonne inflation est celle qui résulte d'une augmentation du pouvoir d'achat des classes moyennes et populaires. Elle stimule l'activité et l'emploi. Au contraire l'augmentation de la TVA diminue le pouvoir d'achat du peuple et déprime la demande donc l'activité.
Abe est un néolibéral pur jus. Le fait qu'il n'appartienne pas à la même secte monétariste que nos néolibéraux français ne change rien au fond du problème : il faut augmenter le pouvoir d'achat du peuple, en commençant par les plus pauvres si on veut relancer la croissance et ce n'est certainement pas en augmentant la TVA pour pouvoir faire toujours plus de cadeaux aux banques et aux riches qu'on y parviendra.
Ivan
@Ivan
SupprimerAssez d'accord avec vous, mais augmenter le pouvoir d'achat général augmente les flux d'importation et donc le déficit commercial; il faut donc taxer les importations (TVAS ou droits de douane ou mise aux enchères du % de production, ce que proposait Allais)
Mais au delà de ça, j'ai de plus en plus de doutes sur les simples possibilités de croissance des pays non producteurs d'énergie ( cf Jancovici https://www.youtube.com/watch?v=xxbjx6K4xNw )
Draghi ne fait qu'entamer intentionnellement la première étape d'une confrontation politique avec l'Allemagne pour modifier le mandat de la BCE, il n'a pas eu l'unanimité des gouverneurs et la droite conservatrice allemande met Merkel en position de fragilité. L'affrontement approche...
RépondreSupprimerJe pense que le seul effet et le seul but en fait des politiques de QE sont de conserver le statu quo, c'est-à-dire de faire en sorte que le monde fonctionne comme avant, sans bouleversement de la hiérarchie sociale. C'est très bien expliqué dans le blog de Charles Hugh Smith, par exemple cet article
RépondreSupprimerhttp://www.oftwominds.com/blogsept14/QE-reform9-14.html
En tous cas les faits sont là, le seul effet à présent est l'enrichissement des fameux 1% à un niveau inégalé.
De toutes façons la politique monétaire, même souple, doit avoir un sens. Par exemple que cette politique soit secondée par une politique d'investissement ou de hausse des salaires, ou les deux.
RépondreSupprimerSi son seul sens c'est la survie du système alors elle ne sert que l’austérité en lissant l'effet des mauvaises politiques sur le temps. Si au moins on laissait leur dette augmenter, ces pays seront obligés de d’intégrer que l’austérité les mène nulle part, même pas vers l'équilibre des comptes.
Il n'y avait pas de structure "supra-étatique" au dessus de l'Argentine ou de l'Islande pour déresponsabiliser leurs dirigeants.
Japon. UE. Zone d'influence USA.
RépondreSupprimerPinsolle refait également du Mitterrand 20 ans après.
« La France ne le sait pas, mais nous sommes en guerre avec l’Amérique. Oui, une guerre permanente, une guerre vitale, une guerre économique, une guerre sans mort…apparemment. Oui, ils sont très durs les Américains, ils sont voraces, ils veulent un pouvoir sans partage sur le monde… C’est une guerre inconnue, une guerre permanente, sans mort apparemment et pourtant une guerre à mort ! »
F. Mitterrand
@ A-J H
RépondreSupprimerCe serait mieux mais cela ne retirerait pas le caractère intrinsèquement déflationniste de la monnaie unique, que j’avais déjà pointé début 1997…
Il est juste que ces mesures doivent être équilibrées par du protectionnisme pour protéger la balance commerciale.
@ Toutatis
Le Japon ne s’effondre pas. Même si je ne suis pas d’accord avec toute la politique menée par Abe, vous ne considérez que la croissance du 2ème trimestre, logiquement en forte baisse puisqu’il y a eu une hausse de la TVA. Mais si on regarde sur un an, la situation s’améliore grandement avec plus de croissance que dans la zone euro (en outre, si on regarde en PIB / habitant, la situation est sans doute encore meilleure) et des signes montrant que le pays sort de la déflation.
D’accord en revanche sur les politiques de QE, qui ne servent que le statut quo. Après, malheureusement, le statut quo vaut mieux, à court terme, qu’un effondrement financier général.
@ J Halpern
Bien d’accord
@ Ivan
La hausse de la TVA, si elle faisait partie d’un dispositif global permettant de réduire, ou, au pire, d’éviter toute augmentation des inégalités, n’est pas forcément mauvaise. Mais je suis d’accord sur le fond qu’Abe est un libéral. Après, il faut noter qu’il a appelé à une augmentation des salaires, ce qui montre peut-être qu’il n’est pas un néolibéral mais seulement un libéral. Les néolibéraux souhaitent que les salaires baissent dans les pays dits développés.
@ Anonyme
Draghi cherche juste à infléchir de quelques degrés la politique suivie, pas à faire un 180°.
L’Allemagne n’a que faire d’être isolée. Elle dispose de l’arme atomique : brandir la sortie de l’euro. En 2012, à un moment où la pression montait, des bruits ont circulé et les mesures hétérodoxes n’ont plus été évoquées…
@ TeoNeo
Très juste
@ Wilfrid
Je ne comprends pas du tout votre commentaire
L'Euro a été imposé par le gouvernement français à l'Allemagne car le système antérieur à l'Euro était considéré comme pire par la France :
RépondreSupprimerLes Français souffraient tout particulièrement du dispositif monétaire en vigueur qu’ils percevaient comme un système à deux vitesses jouant en leur défaveur. "Ce que la bombe atomique est à la France, le deutsche mark l’est à l’Allemagne", disait-on dans les couloirs de l’Elysée.
http://www.voxeurop.eu/fr/content/article/350851-la-reunification-contre-l-euro
Reporter les charges sociales des entreprises sur la CSG peut avoir le même effet que l'augmentation de la TVA. Une chose est sûre, les charges sociales des entreprises défavorisent les exportations.
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