Le rêve fou des entreprises sans usines (billet invité)

Billet invité de L’œil de Brutus

L’ensemble des faits relatés ci-après sont extraits de La Caste cannibale de Sophie Coignard et Romain Gubert (Albin Michel 2013).

Serge Tchuruk est parti d’Alcatel-Lucent en 2008 avec un confortable chèque de 5,6 M€ et une retraite de près de 1M€ annuel, tout en laissant derrière lui 3,5Mds€ de pertes, 15 000 suppressions d’emploi et une action dont le cours oscille entre 1 et 3 euros[i].

Tout a commencé lorsque, en 2001, il a voulu transformer Alcatel en une entreprise « fabless », une entreprise sans usine. Il annonce alors qu’il va fermer la centaine de sites industriels d’Alcatel pour que le groupe n’emploie plus que des chercheurs et des commerciaux afin de ne produire qu’une chose : des brevets. Cette stratégie, outre les multiples destructions d’emplois industriels en France et ailleurs, a été un échec patent pour le groupe.

Pierre Blayau a fait de même lorsqu’il était à la tête de Moulinex dans les années 1990. En 1996, il fait supprimer 2600 emplois. 2000 autres suivent 4 ans plus tard. 1 an avant la liquidation de l’entreprise, il part avec un chèque de 1 M€ pour rebondir à la SNCF ! Et en 2012, son « ami de trente ans », François Hollande, le fait nommer président du conseil de surveillance d’Areva.

Steve Jobs est probablement celui qui a poussé le plus loin le principe du fabless. Ce champion de la communication n’a pourtant jamais évoqué Foxconn, son principal fournisseur qui réalise 40% des produits électronique du monde (non seulement l’Iphone mais aussi le Kindle d’Amazon ou encore la Playstation, la Wii) et dont les conditions de travail à la limite de l’esclavagisme ont conduit aux suicides à répétition[ii].

Autre disciple du fabless : Camaïeu qui par le biais des cascade de sous-traitants faisait produire ses vêtements au Rana Plaza, cet immeuble de Dacca (Bangladesh) qui s’est effondré en laissant un millier de morts sous les décombres. Camaïeu avait pourtant bien fait signer une « charte éthique » à ses sous-traitants …

Les politiques ne sont pas en restent : le président (PS) de l’Ile-de-France, Jean-Paul Huchon, a ainsi confié le marché du centre d’appels chargé de renseigner les bénéficiaires du RSA sur leurs droits en matière de transport à une société implantée au Maroc au lieu de la mosellane Webhelp. Les titulaires du RSA à la recherche désespérée d’un emploi apprécieront …

Pour retrouver les autres articles sur La Caste cannibale :

·       Finance, banques, paradis fiscaux, hedge funds, Goldman Sachs : les petites conférences entre amis de Nicolas Sarkozy.

·       PS et ses meilleurs « ennemis » de la finance.

·       La pieuvre financière.

·       PS, UMP et LBO.

·       Carlos Gohn, ce « cher » patron.

·       Dexia et l’économie-casino au (dé)service des collectivités locales.

·       Pierre Richard : on se relève de tout même de Dexia.

·       Le privé c’est vraiment toujours mieux ?

A lire également, la série d’article sur L’Oligarchie des incapables.

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[i] En 2000, l’action Alcatel-Lucent avait atteint son sommet de 97,2 euros et versait 3,3 euros de dividendes annuels. Depuis 2002, en tout et pour tout, les actionnaires (dont l’Etat par le biais de la Caisse des dépôts et consignations à hauteur de 5,2%) se sont vus versés 32 centimes de dividendes …

[ii] Sur le sujet, lire En Chine, la vie selon Apple, Jordan Pouille, Le Monde diplomatique, juin-12 ; ainsi que Apple : le ver est dans la pomme, Léa Ducré, Marianne, 30-juil-13.