La semaine
dernière, Michel
Sapin a annoncé que le déficit budgétaire pour l’année 2014 sera à 4,4% du PIB,
contre 3,8% prévu, plus qu’en 2013, du fait de l’absence de croissance et
de la très faible inflation. Il a aussi annoncé vouloir repousser l’objectif
d’atteinte des 3% de 2015 à 2017.
L’incroyable
révision des objectifs
Le
psychodrame budgétaire de la dernière semaine est absolument effarant. En
2012, lors de la campagne présidentielle, François Hollande, comme Nicolas
Sarkozy, avait annoncé l’objectif de réduire le déficit à 3% du PIB en 2013.
Les deux finalistes ne se distinguaient que par l’horizon auquel ils pensaient
pouvoir atteindre un déficit nul, 2016 pour l’un, 2017 pour l’autre. Du coup,
assez logiquement, François
Hollande a mené une politique budgétaire assez proche de celle de son
adversaire, à base de hausses d’impôt (près de 30 milliards en 2012, comme en
2011) et de coupes dans les dépenses. Malheureusement, PS comme UMP ont
négligé les
leçons désormais même admises par le FMI.
En effet, la
réduction des déficits, qu’elle passe par des hausses d’impôts ou coupes de
dépenses, pèse fort sur la croissance, au point de compromettre la
réduction des déficits, comme
l’avait anticipé Jacques Sapir à l’automne 2012. Résultat, en mai 2013,
devant l’évidence, Pierre
Moscovici avait été contraint de négocier avec nos partenaires européens un
report de l’objectif d’un déficit à 3% du PIB de 2013 à 2015. En réalité,
le déficit atteint alors 4,3%, ce qui en dit long sur l’échec de la politique
menée. Il est donc totalement effarant de constater qu’à peine 16 mois plus
tard, le gouvernement constate à nouveau l’échec de sa politique et se retrouve
contraint de demander un nouveau report de deux ans.
Ce que
cela dit du gouvernement
Quelle
confiance donner à ces amateurs de la gestion du budget, qui
découvrent en mai 2013 que l’objectif pour l’année ne sera pas tenu, et pas à
la marge, puisque le déficit a été 40% supérieur à la prévision ! Et à
peine 16 mois plus tard, ces mêmes amateurs repoussent à nouveau de deux ans
l’objectif de 3%. Ce qu’ils étaient censés atteindre en 2013 le serait en
2017 !!! Encore plus effarant, Pierre
Moscovici, ministre de l’économie de 2012 à 2014 est promu au même poste dans
la Commission Européenne ! Et que dire de ces chiffons de papiers
qu’on appelle traités européens, sans cesse foulés aux pieds par des dirigeants
dont le moins que l’on puisse dire est qu’ils semblent totalement
irresponsables.
Comment
croire en 2014 un gouvernement qui dit qu’il tiendra en 2017 ce qu’il disait tenir
en 2013 il y a 18 mois ? L’impasse, décrite par Patrick Artus,
démontre la faillite complète de Hollande. Et elle pourrait avoir des
conséquences sur la teneur du débat politique à venir, pas forcément positives.
Ne faudrait-il pas carrément laisser filer les déficits pendant un an ou deux pour relancer la machine économique ? C’est ce qu’on fait les autres pays hors zone euro. En dérapant toujours un peu mais sans se donner de la marge, on fait durer la stagnation économique sans pour autant atteindre les objectifs de réduction du déficit. On perd sur les deux tableaux.
RépondreSupprimerReporter les déficits d'année en année n'a de sens que si l'on espère que la croissance va revenir un jour de l'extérieur. Mais si elle ne revient jamais, on se met dans une impasse. La question est : comment ce gouvernement ou celui qui lui succédera pourra en sortir.
RépondreSupprimerOn pourrait penser que reporter les déficits n'a pas de sens, mais cela n'en a pas si l'idée est des réduire rapidement. Or, le projet de l'UE et des libéraux est tout autre : il s'agit de casser les normes sociales (les "freins" à la croissance) en se servant de cet objectif pour "tordre le bras" de nos dirigeants, en faisant monter la pression. L'UE et ses guignols se moquent comme d'une guigne que les déficits soient de 3,2%, de 2,8% ou de 4,5% d'autant que cela enrichit les banksters, comme ils se fichent du chômage (ouh, la, la, c'est pas vrai ?).
SupprimerDans tous les cas, ils utilisent des leviers pour arriver à leurs fins avec une communication aussi rôdée que compatissante et pleine de bonne volonté. A sortir son mouchoir, je vous l'accorde. Comme le Medef, qui veut supprimer le smic, les 35 heures et les jours fériés.
Je vais vous dire un truc, mais juste entre nous. Le chômage ne va pas baisser et s'il baisse, ce sera dans des proportions insuffisantes. Pourquoi ? Parce qu'il est provoqué par la cessation des activités productives, même lorsqu'elles restent rentables (cf. Florange), parce que le chômage se développe grâce aux délocalisations, parce qu'il progresse inévitablement avec l'automatisation, l'externalisation (les machines et les clients font le travail à la place des salariés).
La question du chômage doit nous conduire à changer de paradigme dans un système économique pervers, qui fait baisser les prix en même temps que les salaires tout en enrichissant une minorité de multinationales industrielles ou commerciales. Celles-ci sont les grandes gagnantes dans l'affaire au détriment des Etats et des salariés.
Pour nous, ici, quel intérêt y a-t-il à voir baisser les prix si une majorité de salariés se trouvent au chômage ou sous-payés ? Je ne parle même pas de l'exploitation éhontée des ressources naturelles, de leur pillage dans une logique de court-terme. Nous sommes dirigés par des gens cupides sans courage et sans vision. Il est temps que cela change. Et vite.
Demos
*On pourrait penser que reporter les déficits n'a pas de sens ET cela n'en a pas ...
SupprimerLa règle de 2% d'inflation moyenne en zone Euro qui est la base de départ de la BCE n'est pas respectée, en vertu de quoi en revanche il faudrait respecter la règle sur le déficit. Qu'on rétablisse une inflation moyenne à 2% et on verra ensuite pour les déficits.
RépondreSupprimer1)Les gouvernements, notamment le gouvernement français, avaient sous-estimé le caractère handicapant du cadre institutionnel de l’euro en terme de croissance et de possibilité à réduire les déficits, dû notamment au fait que tous les pays de la zone euro doivent faire, en même temps, des efforts de compétitivité et de réduction des déficits et avec une monnaie surévaluée pour la majorité d’entre eux.
RépondreSupprimer2) Pour le moment les marchés financiers et grâce à la BCE jouent le jeu en accompagnant les baisses de taux de la BCE. Ce qui rend possible le report des objectifs de déficits.
3) Tôt ou tard viendra néanmoins le moment où il leur faudra considérer des États de la zone euro dont les ressources n’augmentent plus et dont l’endettement croit tout le temps pour ce qu’ils sont, c’est-à-dire des États en faillite qui auront besoin d’une restructuration de la dette. À moins que leur croissance soit miraculeusement revenue d’ici là. On n’en prend pas le chemin.
Saul
Mosco, hier : "Je remplace 2 commissaires, comme j'ai été remplacé par 2 ministres en France"
RépondreSupprimerMôssieur ne se prend pas pour n'importe quoi... un champion.
Misère...
Le futur commissaire européen Moscovicci, a changé de casquette. Jugé peu crédible dans sa lutte contre les déficits, il s'est dépêché de donner des gages à ses employeurs : il a indiqué qu'il ne donnerait aucune dérogation à Paris sur les règles de redressement de ses finances publiques ...l'hypocrite !
RépondreSupprimerhttp://www.lopinion.fr/13-septembre-2014/pierre-moscovici-juge-deficit-francais-serieux-16286
DE REPORT en REPORT, l'EUROPE enfonce la FRANCE ....
RépondreSupprimerUne véritable politique de gribouilles, d'incompétents, qui n'ont aucun sens de la GESTION, qui ne font que du coup par coup.... pour servir "LEURS INTERETS" sur le dos de leur peuple !!!!
la solution est simple : sortir de ce machin .....
Je ne crois pas à la théorie du multiplicateur unique de la dépense publique. Je crois au contraire que chaque dépense publique et chaque impôt particulier a son propre multiplicateur.
RépondreSupprimerD'ailleurs dans le cas des dépenses privées, personne n'imagine que la nature de la dépense n'aurait aucune importance pour l'ensemble de l'économie. Pourquoi en irait-il autrement pour les dépenses publiques ?
Quand le FMI a révisé drastiquement à la hausse son coefficient multiplicateur pour la Grèce il a en réalité comparé des choux et des carottes. Avant le programme d'austérité la politique économique de la Grèce consistait à faire des cadaux aux riches. Le FMI a donc calculé un multiplicateur très bas, car ce type de politique est notoirement inefficace.
Fort de ce multiplicateur très bas le FMI a alors recommandé un féroce programme d'austérité contre les travailleurs, les retraités et les chômeurs. Et ensuite il s'étonne que son multiplicateur à triplé entretemps !
Conclusion : le multiplicateur dépendrait de la conjoncture et ne serait pas le même en période en période de récession. Je n'en crois pas un mot. Jeter l'argent par les fenêtres n'a jamais eu beaucoup d'effets positifs sur l'économie. Inversement donner à manger aux pauvres, les soigner, éduquer leurs enfants, indemniser les chômeurs, etc a toujours eu d'excellents effets sur l'ensemble de l'économie.
Mais le FMI ne veut pas l'avouer, voilà tout.
Même chose pour les impôts. 1 milliards de TVA ou de taxe sur les tabacs en + ou en - n'a pas du tout le même effet qu'1 milliard d'IRPP ou d'impôts sur les sociétés en + ou en -.
Mais je suppose que c'est tabou également.
Ivan
Je conteste aussi la notion même de multiplicateur de la dépense publique en tant qu'idée selon laquelle une dépense de même nature et de même montant produirait des effets différents selon qu'elle est engagée par une personne publique ou privée.
RépondreSupprimerIvan
Mais qui défendrait cette idée étrange ("une dépense de même nature et de même montant produirait des effets différents selon qu'elle est engagée par une personne publique ou privée") ?
SupprimerLa justification du multiplicateur de dépenses publiques est qu'à certaines périodes l'Etat doit engager les dépenses que NE FAIT PAS le secteur privé...
D'accord avec vous pour dire que le multiplicateur varie selon la nature des dépenses engagées et la conjoncture. C'est précisément pour cela que les projections macroéconomiques du modèle MESANGE se sont plantées.
Ivan
RépondreSupprimerProblème de ciblage fiscal, CICE et CIR, ne pas arroser partout mais là où c'est utile :
Ainsi, de nombreuses entreprises qui n’en ont nul besoin vont bénéficier de cet effet d’aubaine qui ne va pas changer d’un iota leur politique.
C’est le grand défaut du CICE et du pacte de responsabilité que d’arroser trop large et de ne pas cibler les entreprises qui en ont vraiment besoin et qui sont potentiellement créatrices d’emploi, à savoir les petites et moyennes entreprises , les ETI de taille moyenne et prioritairement celles qui sont sur le marché concurrentiel international.
http://alternatives-economiques.fr/blogs/godard/2014/08/28/entreprises-la-grande-confusion%E2%80%A6/
@ Pinsolle
RépondreSupprimerHS très beau papier critique sur la politique arabe gaulliste :
http://www.causeur.fr/la-politique-arabe-de-la-france-une-somme-d%E2%80%99echecs-et-de-turpitudes-29244.html
L'OCDE s'alarme de la croissance anémique en zone euro :
RépondreSupprimerhttp://www.challenges.fr/europe/20140915.CHA7710/l-ocde-s-alarme-de-la-croissance-anemique-en-zone-euro.html
@ Moi
RépondreSupprimerBien d’accord
@ Démos
Je crois que c’est plus compliqué. Les élites ne mènent pas totalement consciemment une politique qui les favorise parce qu’ils pensent sincèrement que l’on ne peut pas faire autrement. D’accord sur tout le reste
@ Alain34
Effarant !
@ Ivan
Le FMI a admis il me semble que le multiplicateur pouvait dépasser les 2 récemment