Mes
papiers critiquant l’accord entre BNP Paribas et la justice étasunienne, impérialiste
et manquant de mesure, avaient déclenché des débats passionnés. Malgré
des désaccords sur cette affaire, The
Economist apporte de l’eau à mon moulin dans
une charge virulente contre la justice de l’Oncle Sam.
« Extorsion
de fonds et racket »
La sévérité
du jugement de la bible des élites globalisées est assez stupéfiante, car The Economist a parfois soutenu des
actions unilatérales de Washington. Il soutient que « les
entreprises doivent être punies quand elles tournent mal, mais le système légal
s’est transformé en racket et extorsion de fonds ». Très dur, il
demande : « Qui
dirige l’organisation d’extorsion la plus profitable du monde ? La mafia
sicilienne ? L’armée de libération du peuple en Chine ? La
kléptocratie au Kremlin ? Si vous êtes une grande entreprise, toutes
celles-ci sont moins cupide que le système réglementaire étasunien ».
Pour The Economist, « dans
plusieurs cas, les entreprises méritaient une forme de punition : BNP
Paribas a encouragé de manière écœurante un génocide, les banques étasuniennes
ont ranconné leurs clients avec des investissements toxiques et BP a abîmé le
Golf du Mexique. Mais la justice ne devrait pas être basée sur une extorsion
derrière des portes closes ». The
Economist critique le manque de transparence du mode de fonctionnement
actuel, son côté arbitraire, mais aussi les conflits d’intérêt patents (le
gouverneur de New York ayant obtenu un milliard dans le cas BNP Paribas), dans
un long papier bien documenté et passionnant où l’hebdomadaire critique la
remise en cause de l’état de droit.
Etat,
mesure et démocratie
Et c’en est
une autre de le faire de manière arbitraire, sans mesure, et pas vraiment de façon
désintéressée. Ici, la
critique de The Economist porte,
même s’il est vrai que l’on peut supposer qu’il est un peu influencé par son
biais naturel pro-entreprises et anti-Etat. Ce faisant, l’hebdomadaire porte
une critique du système judiciaire étasunien proche de sa critique du régime de
Poutine en Russie ou de Chavez au Vénézuela, ce qui n’est pas peu piquant… Si
je refuse les jugements en noir et blanc sur ces régimes, je n’en fais pas
non plus des exemples indépassables dans tous les domaines et je pense également
que la démocratie impose un plus grand respect de tous les membres de la
société.
Pour une
fois, je partage globalement le point de vue de The Economist (même
si je ne suis pas tout à fait d’accord sur BNP Paribas). Le refus du
néolibéralisme et des abus d’une partie du monde des affaires ne doit pas
justifier un comportement trop abitraire et totalement démesuré.
" Le refus du néolibéralisme et des abus d’une partie du monde des affaires ne doit pas justifier un comportement trop arbitraire et totalement démesuré."
RépondreSupprimerAbsolument ! La justification de l'arbitraire dans des cas d'espèce (par exemple l'aide au régime soudanais par la BNP) ne justifie en rien de ordre les règles de droit pour justifier la sanction. Autant il est justifier d'édicter de d'appliquer des lois sévères contre la finance (et il y aurait matière à cela !) autant le "fait du prince" est condamnable - parce qu'il créée l'insécurité juridique, et aussi parce qu'il constitue une arme contre la démocratie, en permettant d'appliquer des lois que personne n'a voté ou en sanctionnant un conflit politique.
Dans les commentaires d'un papier précédent, un troll eurobéat soutenait que les tribunaux pourraient condamner la conversion de la dette publique d'euros en francs, les tribunaux étant selon ce personnage libres de leur décision. Je lui ai répondu que sur le principe, la règle de droit était que la dette était libellé dans la devise du pays ou elle avait été conclue, sauf mention contraire. Mais je dois dire que ce troll avait un peu raison, puisque les exemples comme celui du racket de la BNP ou de l'Argentine montrent un rapport distancié, pour le moins, de la justice américaine avec le droit.
Les exemples sont multiples d'un "droit" à géométrie si variable qu'il ne distingue plus du pure arbitraire - voire par exemple comment les médias et les gouvernements occidentaux se drapent dans le "droit" pour justifier leur appui au sinistre régime de Kiev.
Le fond de l'affaire est que l'autonomie du droit suppose l'existence d'un équilibre les pouvoirs obligeant les juges à s'en tenir à peu près à la loi. Or dans les matières qui nous occupent la "justice internationale" est 100% sous l'influence des Etats-Unis et de leurs satellites. Ce sont les tribunaux américains qui jugent des opérations d'une banque française au Soudan sans rétorsion possible...
En fait l'existence d'un "droit international" supposerait qu'il s'appuie sur une institution neutre, comme l'ONU, ou tout au moins sur un équilibre des forces garantissant que les décisions s'appuient sur un certain consensus formalisé dans des règles connues de tous.
Nous en sommes loin, et nombre de décisions de "justice" internationale sont et seront des actes politiques (mal) camouflés.
J. Halpern
RépondreSupprimerCommencer à argumenter en qualifiant de troll celui qui présente un autre point de vue bien différent du votre, et toute votre argumentation, déjà très faiblarde, se casse d'emblée la figure avant même d'avoir commencé.
Le problème est que sur cette affaire BNP, même Lordon, mais aussi bien d'autres sont d'un avis opposé à celui de Pinsolle, sont ils aussi des trolls ? On sent que vous avez tellement pas d'arguments convaincants qu'il ne vous reste plus que le mot troll à la bouche.
Votre ton et vos propos suffisent à vous qualifier.
SupprimerQuand vous avancerez UN argument, je vous répondrai volontiers. A défaut : fin de la discussion.
J. Halpern8 septembre 2014 11:11
RépondreSupprimerRidicule ce petit ton professoral, il y a foison d'arguments et vous le savez très bien... pas la peine de vous mettre la tête dans le sable comme un gamin.
"For financial firms especially, there are now so many laws, and they are so complex (witness the thousands of pages of new rules resulting from the Dodd-Frank reforms), that enforcing them is becoming discretionary.
RépondreSupprimerThis undermines the predictability and clarity that serve as the foundations for the rule of law, and risks the prospect of a selective—and potentially corrupt—system of justice in which everybody is guilty of something and punishment is determined by political deals"
Pour le simple citoyen, rien de nouveau.
"Un pays qui a quarante mille lois n'a pas de loi" écrivait Balzac.
Mais tout à coup si cela coûte des milliards aux entreprises, cela devient un scandale.
Ivan
Proposition de traduction :
RépondreSupprimerPour les sociétés financières en particulier, il y a maintenant tellement de lois, et elles sont si complexes (comme en témoignent les milliers de pages de nouvelles règles résultant des réformes Dodd-Frank), que l'application en est de plus en plus discrétionnaire.
Cela sape la prévisibilité et la clarté qui fondent le règne de la Loi, et cause le risque d’une justice sélective et potentiellement corrompue pour laquelle tout le monde est coupable de quelque chose et où la sentence est déterminée par des arrangements politiques.
Ivan
Pourquoi n’y–a-t-il plus de programmes politiques ou pourquoi sont-ils, quand ils existent, oubliés dans la semaine qui suit l’élection ? Descartes y consacre un article sérieux et instructif sur son blog sous le titre : « arrêtons de fantasmer, Valls n’est pas libéral ». La politique d’Hollande devient beaucoup plus clair à la lecture de cette courte analyse.
RépondreSupprimerDemos
Ivan
RépondreSupprimerVous démontrez très bien que la prévisibilité des décisions de justice est faible, et ce dans beaucoup de pays, ce que Halpern ou Sapir n'admettent pas dans le cas d'une re-négociation de dette Euro dans une autre monnaie. Chez eux, il n'y aucun aléa juridique, tout est écrit comme sur du papier à musique dans le monde du manège enchanté, c'est dire combien ils sont à côté de leurs baskets. Je ne parle même pas de l'aspect économique de l'opération.
Quand on est passé du Franc à l'Euro toutes les dettes ont été converties dans la nouvelle monnaie sans problème.
SupprimerJe ne vois pas pourquoi ce serait plus compliqué dans l'autre sens.
Ivan
Ivan
RépondreSupprimerEn synthèse ça s'appelle l'hystérèse, le chemin aller n'est pas le même que celui du retour qui ne ramène d'ailleurs jamais au point d'arrivée. Des accords, prêts, emprunts, intérêts ont été formés depuis, on ne renverse pas la vapeur si simplement...
@ Laurent
RépondreSupprimerDe mémoire, savez-vous si The Economist s'est ému par le passé du sort des citoyens étasuniens face à leur propre système judiciaire, et notamment après la catastrophe des recouvrements liés à la crise des subprime ?
Olivier
@ Anonyme 22:49
Supprimer"En synthèse ça s'appelle l'hystérèse"
Je suppose que vous parlez de chimie.
Ce phénomène a certainement un équivalent en économie, mais pas en technique juridique. Il ne posera pas de problème à l'étape de la conversion des dettes, mais il faudra peut-être y penser dans le pilotage de la politique économique qui suivra.
Ivan
Oups !
SupprimerCe n'est pas à vous que je m'adressais, Olivier.
Ivan