Billet
invité de l’œil de Brutus
Il y a de
cela déjà presque quatre ans je publiais un billet sur la corruption politique. C’était à
l’époque dans le contexte de l’affaire Bettencourt et des petits cadeaux du
clan Ben Ali à certains membres du gouvernement en place.
Force est de
constater que depuis les choses ne se sont pas améliorées. Le PS[i]
de M. Hollande est à peine moins « irréprochable » qu’une UMP
complètement gangrénée par les affaires. Cahuzac, Thevenou, Fillon-Jouyet,
Bygmalion, Tapie, les arrangements minables pour préserver le fauteuil du
suppléant de M. Moscovici[ii], le
financement de l’UMP par le tristement célèbre premier cercle[iii],
les soupçons d’emploi fictif de la sœur du secrétaire d’Etat Pascal Boistard[iv],
les petites subventions entre amis du conseil régional de l’Ile-de-France[v],
les financements douteux du Musée du Luxembourg par le Sénat[vi],
les sombres liens entre le Qatar et Nicolas Sarkozy[vii],
les lamentables conférences de ce dernier subventionnées par la finance
internationale[viii] et ses
liens opaques avec le non-regretté Mouammar Kadhafi[ix],
les magouilles de l’empire Besson[x], des
parlementaires qui tentent, tout simplement, de légaliser les prises illégales
d’intérêts[xi],
les achats de voix présumés du sénateur Dassault[xii],
quelques grands patrons qui mènent à la baguette tout le gotha[xiii],
le trésorier de campagne du président en exercice qui conserve des comptes
offshore aux îles Caïmans[xiv], l’inamovible
couple Balkany, La député Andrieux (PS) condamnée pour détournement de fonds[xv],
l’adjointe (EELV) au maire du XIIIe arrondissement de Paris qui blanchirait ses
fraudes fiscales par le trafic de drogue[xvi],
etc. J’en oublie certainement[xvii] …
Corrompre : engager une personne investie d’une autorité à agir contre
les devoirs de sa charge, soudoyer. (Petit Larousse 2005).
« Il n’y a que deux
péchés en politique : ne défendre aucune cause et n’avoir pas le sentiment de
responsabilité. »
Max Weber.
Appelons un chat un chat : un élu qui accepte des
avantages en nature ou qui consent à occuper des responsabilités manifestement
incompatibles avec son mandat est un élu corrompu, rien d’autre. Ne nous
focalisons pas que sur les lampistes de service. Des pratiques se sont
généralisées : des échanges d’amabilités, des facilités, les petits cadeaux ne
sont pas de l’argent sonnant et trébuchant, mais il en revient au même :
adoucir la volonté de l’interlocuteur et le compromettre pour en jouer le
moment voulu. In fine le corrompre. La République des « prébendes et des petits
plaçous » en somme.
C’est donc toute une éthique de responsabilité du
gouvernant qui doit être redéfinie[xviii]. Et
cette éthique ne va pas forcément de soi. Croire qu’un renouvellement complet
de cette élite suffise à régénérer cette éthique est une utopie : que l’on se
rappelle de la corruption rampante de Thermidor et du directoire.
Individuellement, les hommes sont ce qu’ils sont et l’incorruptible immaculé
n’est pas la norme, loin de là. Et quand bien même : la parfaite vertu peut
être la marque d’autres excès : qu’on l’on se souvienne Robespierre et
Saint-Just. « Qui fait l’ange fait
la bête »[xix].
Notre système d’élite est en crise. Non pas que
l’existence même d’une élite dusse être remise en cause. Cela aussi serait
purement utopique[xx]. Mais
l’élite française d’aujourd’hui – politique, économique comme culturelle – est
majoritairement issue de celle qui s’est mise en place en 1944 à la Libération.
Depuis, elle s’auto-entretient, s’endogamise et vire à une consanguinité dégénérative[xxi].
Il ne s’agit pas de virer à une autre extrême et d’accrocher à la lanterne tous
les « fils de » en leur interdisant l’accès aux hautes responsabilités. Il
s’agit de refonder une démocratie véritablement méritocratique qui seule
permettra de valoriser l’éthique de responsabilité et donc de bannir la
corruption et autres conflits d’intérêts. Une démocratie de l’Orque.
Or, deux plaies purulentes, liées entre elles,
pourrissent notre démocratie : le cumul des mandats[xxii]
et la professionnalisation de la politique. La première doit être purement et
simplement interdite et la seconde, outre un éventuel volet législatif, doit
faire l’objet d’une véritable réflexion citoyenne : sans virer au populisme
démagogue, comment estimer qu’une personne qui a passé sa vie de mandats
électifs en postes d’attente pistonnés, sans véritablement travailler à
l’intérieur même de la société, puisse être représentative du peuple souverain
?
[i] Pendant
la crise, les affaires de la gauche continuent (aussi)…, Laurent Neumann, Marianne,
24-mai-13.
[ii] Le
scandale Moscovici ou la magouille pour les nuls, Jack Dion, Marianne, 30-oct-14.
[iii] [Reprise]
La liste secrète des 544 financiers de l’UMP publiée par Mediapart, Les
Crises, 09-nov-14.
[iv] Le
secrétaire d'État Pascale Boistard employait-elle fictivement sa soeur ?, Aziz
Zemouri, Marianne, 27-sept-14.
[v] Région
Ile-de-France : petite subvention entre amis, Pascale Tournier, Marianne, 25-sept-14.
[vi] Rififi
au Sénat : le dernier coup de Larcher, Pascale Tournier, Marianne, 27-sept-14.
[vii] Comment
le Qatar s'est "offert" Nicolas Sarkozy, Marianne ,
04-sept-14.
[viii] http://loeildebrutus.over-blog.com/2014/06/finance-banques-paradis-fiscaux-hedge-funds-goldman-sachs-les-petites-conferences-entre-amis-de-nicolas-sarkozy.html
, imité en cela par son disciple, M. Copé : La
conférence rémunérée de Copé, Charles des Portes, Marianne, 29-juil-13.
[ix] Comment
Sarkozy tente d'étouffer ses affaires avec Kadhafi, Juan Sarkofrance,
Marianne, 31-janv-14.
[x] Gros
plan sur les magouilles de l'empire Besson, Mathias Destal, Marianne, 23-avr-14.
[xi] Les
parlementaires en voie de légaliser partiellement la prise illégale d’intérêts,
Anticor, 16-déc-13.
[xii] Serge
Dassault le marchand de voix, Thibault Le Berre, Marianne, 16-sept-13.
[xiii] Des
copinages aux conflits d’intérêts : quel bilan pour Henri Proglio ?,
Pascale Tournier, Thierry Gadault, atlantico.fr, 02-juin-13 ; Henri
Proglio, cet empereur des réseaux : les recettes d'une fascinante ascension,
Pascale Tournier, Thierry Gadault, atlantico.fr, 01-juin-13 ; Ayrault-Proglio
: la connexion nantaise, Arnaud Bouillin, Marianne, 19-mai-13.
[xiv] L’affaire
Jean-Jacques Augier … …Va-t-elle disparaitre des écrans radar ?, Hervé
Montbard, Forum démocratique, 14-mai-13.
[xv] 1
an après, le bilan calamiteux du président Hollande, Yohann Duval, blog
yohann Duval, 06-mai-13.
[xvii] Désolé,
je ne suis remonté dans mes archives qu’à début 2013. Il manque donc deux
années supplémentaires d’affairisme à tout crin …
[xviii] Ce qui
n’exclut pas pour autant de parler d’éthique de la conviction, l’une n’excluant
pas l’autre. Et quand on voit les atermoiements et les virages à 180° d’un
Nicolas Sarkozy ou d’un François Hollande, il y aurait, sur ce sujet aussi, de
quoi écrire un volumineux chapitre.
[xix] Blaise
Pascal.
[xx] « Ce qui sépare la démocratie du populisme,
c’est l’acceptation par la peuple de la nécessité d’une élite en laquelle il a
confiance », Emmanuel Todd, Après
la démocratie.
[xxi] Au sens
non littéral du terme mais plutôt dans le sens qu’un groupe qui vis en vase
clos ne peut plus rien produire de nouveau et dégénère de lui-même.
[xxii] Et pas
seulement le cumul des mandats public-public mais aussi, et surtout, le cumul
des mandants public et privé : il est inadmissible qu’un député puisse
simultanément officier dans un des plus grands cabinets d’avocat ou qu’un
sénateur puisse faire du conseil à un grand groupe énergétique.
La pire des corruptions , celles des idées. Exemple , la loi de Mme Simone Veil sur l'avortement qui devait rester l'exception. Qu'a-t-on fait de cette loi ? 200.000 avortements remboursés par la SS. De telle sorte que les lois elles-mêmes puent la corruption.
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