C’est un
sujet qui s’impose, notamment depuis l’affaire des suicides dans une grande
entreprise française. De
plus en plus de salariés subissent de telles pressions au travail qu’ils
finissent par en souffrir durement. Comment ne pas y voir un symptôme
logique de notre société néolibérale.
Souffrance
au travail
Quelle drôle
de société construisons-nous que celle-ci, où 15% de la population ne trouve
pas d’emplois et plus
de 12% de la population active serait sous la menace d’un épuisement professionnel,
souvent qualifié par un le nom de « burn-out ».
Un groupe de médecins du travail dit que « nous
enregistrons l’augmentation constante de ces cas d’effondrement soudains de
personnes arrivées au bout de leurs ressources et de leur capacité de
résistance (…) beaucoup
de ces salariés sont traité contre l’anxiété, la dépression, les troubles du
sommeil. Ils rencontrent de gros problèmes pour leur retour dans le monde
professionnel ; nombreux sont ceux qui ne veulent plus réintégrer leur
entreprise ».
La palme
revient tristement aux agriculteurs, dont
on connaît bien l’immense difficulté de leur travail, soumis aux aléas
destructeurs de la loi de la jungle du marché. Pas moins de 24% d’entre eux
seraient menacés. Puis viennent les artisans, commerçants et chefs
d’entreprise, à 20%, et les cadres, à 19%. Ils mettent en cause le
chômage : « avant,
face à une situation tendye, les gens changeaient de travail. Maintenant, ils
ont l’impression de ne plus pouvoir ». Les auteurs du rapport se
demandent : « combien
de ces ‘burn-out’ se terminent par un acte suicidaire ? Combien par un
accident de voiture inexplicable ? Combien par une maladie générale ou des
troubles musculo-tendineux ? ».
Ce que
cela dit de nos sociétés
Dans un
monde si dur pour tous, les individus sont poussés à des comportements
égoïstes, à sauver leur peau, fût-ce au détriment des collègues ou de la
société de manière générale. Le
niveau préoccupant du stress des agriculteurs démontre les ravages que la loi
de la jungle (que
l’on appelle l’ouverture par un de ces traverstissements sémantiques de la
novlangue néolibérale) marque douloureusement la chair humaine. Et le
stress très fort des cadres supérieurs, cette contribution que prend cette
société cannibale à ceux qui en tirent un profit matériel disproportionnel,
explique sans doute pourquoi, parmi bien d’autres raisons, ils ne parviennent
pas à saisir la monstruosité de ce qui se passe.
La seule chose importante est l'argent. L'indifférence aux souffrances des autres est également une valeur très répandue. Selon Todd, la mutation d'une société ne peut se produire que lorsqu'une partie de l'élite se range du côté des classes populaires. Nous risquons donc de devoir attendre encore longtemps.
RépondreSupprimerBizarre, ces cadres supérieurs qui souffriraient mais qui sont probablement quasiment tous des suppôts du système.
jard
Les causes ne sont pas les mêmes selon les catégories envisagées. Les artisans, commerçants ou chefs de petites entreprises sont surtout ensevelis sous la complexité croissante administrative, des contrôles URSSAF et condamnations pas toujours justifiées...
RépondreSupprimerOn ne dénoncera jamais assez la carence de l'indeminsation du chômage, qui est pour beaucoup dans la terreur inspirée par le chômage, avec toutes ces conséquences dramatiques.
RépondreSupprimerDans une société civilisée tous les chômeurs auraient droit à une indemnisation permettant de vivre décemment, ce qui empêcherait le patronat de se servir de la peur du chômage pour faire accepter l'inacceptable aux salariés.
Avec le démantèlement de l'assurance vieillesse les choses sont maintenant pires qu'elles ont jamais été. A la terreur du chômage s'ajoute désormais celle de vielllir dans la misère et de ne pouvoir rien faire pour secourir ses enfants, condamnés jusqu'à 25 ans à l'enfer du chômage non indemnisé.
Ivan
Il y a effectivement beaucoup à dire sur la brutalité de cette société cannibale, qui met les individus en concurrence d'une manière aussi effrénée et qu'hypocrite. Les choses ne sont bien entendu pas dites dans l'entreprise, mais chacun sait très bien à quoi s'en tenir : "je coûte tant par an à mon entreprise, j'ai tel âge, je sais donc ce que j'ai à faire si je veux garder mon poste et, si quelqu'un tombe à côté de moi, au mieux, j'en suis triste, au pire, je me dis dans mon for intérieur : mieux vaut lui que moi". Le processus amène à se poser nombre de questions : quelles sont les causes de cette situation ? que devons-nous faire, que dois-je faire pour que cela change ? mais, d'abord, pourquoi est-ce que j'accepte sans sourciller de laisser le rouleau compresseur écrabouiller les autres avant que notre tour arrive ?
RépondreSupprimerLa perte du sens collectif, le mépris de l'intérêt général, la substitution du consommateur interchangeable au citoyen aggravées par la destruction systématique des systèmes de solidarité par le pouvoir politique isolent chaque individu, qui devient taillable et corvéable à merci. Voilà qui explique pourquoi le système pervers actuel, qui s'appuie sur une propagande insupportable, fait tant souffrir les individus qu'ils privent de lien et de sens. Des individus seuls et désorientés face à une société monstrueuse. J'exagère ! Vraiment ?
Demos
C'est que les mailles du filet sont bien serrées :
Supprimerhttp://www.monde-diplomatique.fr/2014/09/LORDON/50752
@ Jard
RépondreSupprimerTrès juste. Mais cette souffrance grandissante des élites peut justement leur permettre d’ouvrir les yeux, même si elle a aussi pour effet de leur laisser moins de temps pour y penser.
@ Anonyme
Pas faux sur les causes qui sont différentes. En revanche, s’il y a des complexités inutiles, ce n’est pas l’essentiel du problème
@ Ivan
Très juste, avec le niveau du chômage également. La peur du vide a un rôle majeur.
@ Démos
Bien d’accord avec la description sur la tendance. Voilà ce qui arrive quand on pense que la somme des égoïsmes produirait de l’intérêt général sans doute… Cela rappelle le livre de Généreux, la Dissociété, un des meilleurs que j’ai lu au final.