Cela
fait 9 ans que le dollar n’a pas été aussi haut par rapport à l’euro, qui
est tombé à 1,18 dollar, plus
bas encore qu’au pire de la crise de la zone euro en 2010 et en 2012. La
monnaie unique européenne n’est presque plus surévaluée, ce
qui ne sera pas neutre pour l’économie.
Le cours
d’une monnaie pour les nuls
Dans
le zoom éco d’Europe 1, Axel de Tarlé
s’est lancé dans un décryptage effarant de qui profiterait de la baisse de
l’euro. Dans son monde, les entreprises (exportatrices) seraient les
gagnantes : on dit qu’Airbus gagne 1 milliard pour une baisse de 10 cents
de l’euro. En revanche, les ménages y perdraient puisque ce que nous importons serait
15% plus cher, Axel
de Tarlé évoquant les téléphones et le pétrole, tout comme le tourisme aux
Etats-Unis. Dans sa bulle, il confond les classes moyennes avec les quelques
pourcents de la population qui peuvent voyager outre-Atlantique. Et ses
exemples sont bien mal choisis puisque le prix de l’essence baisse et que le
prix des téléphones est stable…
C’est ainsi qu’il
fait un parallèle ridicule avec les mesures du gouvernement en disant que la
baisse de l’euro revient à prendre aux ménages pour donner aux entreprises.
D’abord, il oublie que la la majorité de nos importations viennent de la zone
euro, où rien ne change. Puis que le pétrole représente un quart du reste et
voit son prix baisser. Bref, l’impact de la baisse de l’euro concerne à peine 7
à 8% de la consommation. Ensuite quand nos entreprises vendent plus, elles
embauchent plus et peuvent payer un petit peu plus. Bref, les ménages perdent
bien moins que suggéré et gagnent aussi, contrairement
à ce qu’Axel de Tarlé dit en récitant le catéchisme de soutien à une
monnaie chère.
Les
conséquences de l’euro moins cher
L’un des
inconvénients de la baisse de la valeur d’une monnaie est une légère
augmentation de l’inflation. Mais ici, ce ne sera pas un problème. D’abord, car
cela concerne seulement une minorité des importations puisque cela ne touche
pas ce qui vient de la zone euro. Ensuite, la
baisse de plus de 50% du prix du baril de pétrole exclut le premier produit
importé. Et encore mieux, les quelques dizièmes de pourcentages de hausse de
prix supplémentaire peut permettre d’éviter de tomber
dans la déflation alors que la hausse des prix tend dangereusement vers le zéro.
Bref, on comprend vite que la baisse de l’euro est une excellente nouvelle pour
tous, contrairement aux dires d’Axel de Tarlé.
Bien sûr, il
en faudrait beaucoup pour mettre François Hollande dans une situation où il
pourrait être réélu en 2017. Mais le
changement des vents monétaires n’est pas neutre pour notre croissance et
par ricochet pour son avenir et ils viennent de passer de vents contraires à
vents porteurs.
Sauf que ça ne va pas durer, car le cours du pétrole est anormalement bas et va forcément remonter en 2015. Quant à l'euro, c'est difficile à dire car il y a un QE possible qui pourrait jouer à la baisse, mais des excédents commerciaux importants qui devraient jouer à la hausse... toujours est-il qu'il ne faut pas compter sur des facteurs externes pour bâtir une croissance durable.
RépondreSupprimerIls ont déjà oublié les conséquences positives de la baisse de l'Euro sous Jospin? Cette forte baisse du pétrole n'aura-t-elle pas des conséquences dramatiques, directement pour certains pays, indirectement pour nous?
RépondreSupprimerjard
Possible que ça mette en faillite l'industrie du pétrole de schiste aux USA et au Canada qui n'est plus rentable à ces niveaux de prix.
SupprimerEt ensuite, on verrait les cours remonter, une fois un concurrent dégagé.
Si les USA laissent l'Arabie Saoudite, l'OPEP et la Russie continuer...
@jard
SupprimerJe ne suis pas sûr que les socialistes aient conscience que la baisse du chômage entre 98 et 2000 fut en partie le résultat de la dévaluation. Je dis en partie parce qu'il ne faudrait pas oublier qu'alors la croissance ailleurs dans le monde et surtout aux USA était forte. Il y avait aussi une bulle spéculative sur les valeurs des entreprises liées à l'informatique et à internet. Encore une fois la dévaluation aujourd'hui va alléger quelque peu les difficultés des entreprises, mais en aucun cas nous ne retrouverons 3 ou 4 % de croissance comme à cette époque.
On est dans une spirale déflationniste planétaire produite par le libre-échange et le mercantilisme de certains pays comme l'Allemagne et la Chine. Vouloir croitre par l'excédent commercial n'est une bonne chose que si vous êtes le seul à le faire. Aujourd'hui il n'y a plus aucun moteur pour la demande mondiale en dehors des USA. Et ces derniers tirent leur demande essentiellement de la bulle spéculative qui accroit seulement le revenu du top ten des salariés. Autrement dit la demande US peut se casser la figure n'importe quand. Il nous faudrait une relance de la demande intérieure accompagnant les dévaluations pour que cela ait un effet réel sur la dynamique économique. On est loin d'un tel cas de figure. En même temps c'est toujours mieux que rien.
@laurent
D'un point de vue purement économique, il n'y a aucune raison à la dévaluation de l'euro. Si la France accumule les déficits, il faut quand même rappeler que la zone euro dans son ensemble a un excédent énorme. En septembre dernier on était à +18,5 milliards d'euros d'excédent pour ce seul mois. Tu m'expliqueras en quoi l'euro était surévalué jusque là . Qu'il le soit pour la France ne signifie pas qu'il le soit pour l'ensemble de la zone, c'est d'ailleurs le gros problème de cette zone monétaire non optimale.
La baisse actuelle de l'euro n'est pas forcément durable. Cependant cela ne nous rendra pas les millions d'emplois directs et indirects perdus à cause d'un dogme débile de monnaie forte à tout prix qui a cours dans nos élites politiques et économiques et leurs chiens de garde médiatique tel Axel de Tarlé, depuis 1983. Les socialistes portent une responsabilité écrasante au regard de l'Histoire comme celle d'avoir enclenché la guerre d'Algérie par l'envoi du contingent en 1956 par un Président du Conseil dénommé Guy Mollet.
RépondreSupprimerLe jour où un type ne pourra plus dire à la radio "comme l'euro a perdu 15% de sa valeur, tout ce que nous importons est 15% plus cher." et continuer à se présenter comme journaliste économique, on aura fait un pas dans la bonne direction.
RépondreSupprimerCette mise au point est bienvenue. Merci, Laurent.
RépondreSupprimerOn pourrait aussi rappeler, avec J. Sapir, que toute augmentation du prix des produits importés encourage un processus de substitution de produits nationaux aux produits importés, du moins pour ce que nous sommes encore capable de produire chez nous :
« […] la hausse du prix des importations provoque normalement soit une baisse des achats, soit des phénomènes de substitution des produits importés par des produits fabriqués sur le territoire national. Ici aussi il faut calculer l’élasticité Prix/Quantité mais aussi l’élasticité de substitution. D’une manière générale, et compte tenu des élasticités des imports et des exports dans l’économie française, on voit que l’on est gagnant dès que le niveau de dépréciation dépasse les 15%. » (http://russeurope.hypotheses.org/3006).
YPB
Le taux de change euro/dollar n'est qu'une partie du problème; l'autre partie, c'est la fixité du taux de change France/Allemagne, France/Italie, etc. Non seulement l'inflation est supérieure en France, ce qui justifierait la dévaluation France contre Allemagne, mais en plus, la parité choisie au moment de l'instauration de l'euro était trop élevée pour la France. Le mythe de la monnaie forte frappe depuis trop longtemps.
RépondreSupprimerBonjour Laurent,
RépondreSupprimerAu vu des élections grecques à venir, me conseillez-vous de transférer mon épargne actuellement en euros sur mon compte en livres sterling ?
Merci.
Talisker.
@ Moi
RépondreSupprimerPas sûr sur le pétrole car pour certains, c’est le moyen de freiner le développement des pétroles de shistes. Et sur l’euro, le décalage de croissance et de politique monétaire pourrait peser plus loud que le décalage commercial (après tout, l’euro était tombé à 0,82 dollar à la fin des années 90 alors qu’il existait le même décalage commercial).
Bien d’accord en revanche sur le point sur la croissance durable. Ce ne sera qu’un dopant temporaire.
@ Jard
Le problème, c’est qu’ils n’en ont jamais eu conscience…
@ Yann
Bien d’accord. Il est évident que cela ne nous amènera pas à 3% de croissance. Bien d’accord sur la spirale déflationniste, dont je crains que les effets se renforcent dans le temps. Assez d’accord sur l’euro, mais le jugement des marchés ne se base pas uniquement sur les soldes commerciaux. Il prend aussi en compte la croissance et les anticipations de politiques monétaires. Et ici, cela pousse l’euro à la baisse, pas totalement illogiquement
@ Anonyme
Bien d’accord, cela ne nous rendra pas les emplois perdus, mais pourrait en revanche freiner le rythme de destruction et éventuellement contribuer à stabiliser plus ou moins le chômage à un très fort niveau et casser la progression continue depuis 6/7 ans.
@ Bip
Bien vu
@ YPB
Merci pour cette précision
@ Jacques
Bien sûr, la valeur de l’euro n’est qu’une côte mal taillée qui ne correspond pas vraiment aux besoins des différents pays…
@ Talisker
Je ne pourrais jamais faire ou recommander ce genre de choses