J’Adore : quand Dior se renie

pub Dior J'Adore 'Charlize Theron' 2014 [HQ] par shadows_lisa

La dernière publicité pour le parfum J’Adore de Christian Dior peut sembler être un détail insignifiant, même s’il s’agit d’un gros succès de cette industrie où la France brille. Mais le message porté par cette publicité est extrêmement paradoxal pour une marque française comme Christian Dior.

De Versailles à Dubai

Dans cette dernière publicité, on y voit Charlize Theron, mannequin et actrice sud-africaine, dans une galerie qui semble représenter Versailles, dire que « le passé peut être beau, une mémoire, un rêve, mais ce n’est pas l’endroit où vivre ». Puis elle grimpe vers le plafond à l’aide d’un drap doré et arrache son collier en disant « et maintenant, il est temps, la seule issue, c’est en haut ». Elle sort alors du décor versaillais par une espèce de trappe, pour arriver sur un toit offrant le spectacle d’une mégalopole sans âme ni identité, qui pourrait être une grande ville chinoise ou plus encore un Dubai doré. Elle poursuit « Ce n’est pas le paradis. C’est un nouveau monde. Le futur est en or. J’Adore. Dior ».

Bien sûr, le seul but de cette publicité est de vendre des parfums. Et on peut penser que la clientèle des nouvelles mégalopoles mondialisées pourrait apprécier que Dior offre leur cadre de vie comme l’horizon indépassable de notre avenir, qui vaudrait plus que la nostalgie de notre passé. Mais le message passé par cette publicité pose doublement problème. D’abord, si Dior est ce qu’est Dior aujourd’hui, c’est justement parce que cette marque a un passé, ancré dans un pays qui a une personnalité, distincte de celle des autres pays, à mille lieues de cette vision d’un futur insipide et sans âme. Il est paradoxal de renier une part si importante de ce qui a fait et fait encore en partie le succès de Dior aujourd’hui.

Une faute de communication

En cela, et parce que c’est sans doute ce qui intéresserait le plus les dirigeants de Dior, je pense que cette publicité est une faute de communication. En quoi cette représentation du nouveau monde est-elle différente de celle que pourrait proposer Versace ou Gucci ? Bien sûr, le côté doré le rattache au parfum, mais après tout, Paco Rabanne a également repris une partie de ces codes. Bien sûr, il faut reconnaître que Charlize Theron représente autre chose que les mannequins des publicités du parfum One Million, mais on en vient à se demander si, finalement, avec cette publicité, J’Adore n’en vient pas à succomber à la fascination d’un monde qui pourrait aussi être celui du parfum de Paco Rabane.

On peut se dire qu’il ne s’agit que de publicités pour des parfums. Et après tout, ce n’est qu’un détail. Mais, comme le note bien Eric Zemmour dans son dernier livre (qui a aussi des parts d’ombre), les idéologies ne sont pas uniquement portées par la politique, mais elles peuvent également l’être par les livres, les chansons, les films, ou la publicité. Et ici, il est extrêmement dommage que Dior présente dans sa dernière publicité la vision d’une femme qui s’arrache aux racines de son histoire pour s’échapper dans ce monde impersonnel, et donc sans grande personnalité, et finalement assez bling bling. Ce faisant, Dior trahit, sans doute inconsciemment, son héritage, qui fait pourtant sa force.

Cette publicité est une erreur, montrant Dior qui converge comme un mouton vers une vision superficielle du monde. Et avec le fait d’utiliser des mannequins faméliques, c’est un message dérangeant sur notre société avec cette représentation d’un idéal surfait et sans personnalité et cette injonction d’oublier nos racines.