jeudi 30 avril 2015

Daniel Cohn-Bendit : le totalitarisme bien pensant

« Le discours de vérité ne peut pas avoir la majorité (…) les peuples aiment qu’on les fasse rêver » : voilà ce qu’a dit Daniel Cohn Bendit mardi matin sur Europe 1 au sujet de la Grèce et des promesses de Syriza lors de la campagne de début d’année. Un jugement révélateur à plusieurs titres.



Un aristocrate xénophobe

Daniel Cohn Bendit est une personne que beaucoup trouvent sympathique, même quand ils ne sont pas d’accord avec lui. Pourtant, voici un jugement d’une suffisance toute aristocratie, dont il est difficile de ne pas sentir une forme de mépris pour le peuple, implicitement trop stupide et manipulable par les démagogues pour saisir ce qu’il faudrait faire. Car dans le jugement de Daniel Cohn-Bendit, il y a un profond sentiment de supériorité, pas même bourgeois, mais bien plus digne des nobliaux et des aristocrates du Moyen-Age qui se croyaient infiniment supérieurs au petit peuple. Il n’est pas peu ironique de constater l’évolution idéologique de celui qui portait la révolte de 1968 et qui dit implicitement que ce qu’il pense, comme le reste des élites, a plus de valeur que ce que ressent le bas peuple.

En fait, on peut même distinguer une forme de racisme de classe, ce qui n’est pas peu ironique non plus de la part d’une personne toujours aussi prompte à dénoncer la xénophobie réelle ou supposée de quiconque critique des étrangers ou des immigrés, ou, encore pire, semble conserver le moindre attachement à cette notion qu’il ne semble plus saisir, la nation. Par cette phrase, Daniel Cohn-Bendit est dans la même logique que Jean-Marie Le Pen quand il dérape sur les noirs, les juifs ou les étrangers. Quelle serait sa réaction si le président du FN affirmait que les noirs étaient moins intelligents ? Mais ici, personne ne va s’émouvoir du fait que Daniel Cohn-Bendit juge le peuple un peu stupide

La fin de la démocratie ?

mercredi 29 avril 2015

Bernard Tapie, escroc bonimenteur et pleurnicheur

Dimanche, l’homme d’affaires (nom bien trouvé pour lui) s’est répandu sur Europe 1 pour continuer à essayer de se faire passer pour une victime, entre argumentation juridique bancale et sentimentalisme destiné à émouvoir dans les chaumières. Quelle fraude !



Vis ma vie, romancée

Bernard Tapie a souvent construit son parcours sur la victimisation. Ses péripéties judiciaires lui fournissent une occasion en or pour continuer de la sorte. Il aurait donc été arnaqué par sa banque, qui lui aurait racheté à vil prix Adidas, alors qu’elle n’en avait pas le droit (ce qui est juste), pour faire ensuite un gros bénéfice sur son dos. D’ailleurs, l’ancien patron du Crédit Lyonnais, Jean Peyrelevade, serait un « escroc ». Puis, il serait victime d’un règlement de compte politique par des juges sous influence qui voudraient sa peau. Mais même si quelques médias tendent parfois à accréditer cette version de l’histoire, une étude un peu approfondie des affaires Tapie condamne cette interprétation.

D’abord, il est tout de même paradoxal que Bernard Tapie s’en prenne à Jean Peyrelevade, alors que la vente d’Adidas a été conclue avant qu’il arrive au Crédit Lyonnais. L’ancien patron de la banque n’a fait que vendre une entreprise que son prédécesseur avait rachetée à son créditeur dans des conditions douteuses. Dans un entretien donné en 2013, il note qu’Adidas et Bernard Tapie étaient au bord du dépôt de bilan fin 1992, et que l’entreprise avait été sauvée par une injection d’argent de ses créditeurs, démontrant de facto que sa valeur d’alors n’était pas très grande. D’ailleurs, le prix de session d’Adidas était conforme aux souhaits de Bernard Tapie, qui s’en tirait par une opération blanche.

Une double affaire d’Etat ?

mardi 28 avril 2015

Ce qui cloche dans le débat sur les migrants

Depuis le drame de la semaine passée, on débat de ce qu’il faudrait faire en réaction aux centaines de migrants africains morts dans la Méditerranée. Mais dans le flot des réactions, les contradictions et les analyses à courte vue ou totalement contre-productives se multiplient.



Déplorer les effets dont on chérit les causes

D’abord, comment ne pas voir que ces morts sont aussi le produit de la société construite depuis des décennies, où le laisser-faire et le laisser-passer favorisent justement l’immigration illégale en réduisant les contrôles aux frontières, quasiment effacées en Europe. Et si de nombreux Africains sont prêts à payer des fortunes pour traverser la Méditerranée, c’est du fait de l’écart de développement entre les deux rives, mais aussi à cause du modèle économique que nous y avons promu, plus instable, et donc plus dur pour des peuples dont une partie peut finir par préférer tenter une aventure chère et risquée, se couper de leurs racines et leurs familles, la marque d’une forme de désespoir.

Et il est tout de même effarant que Le Monde, Libération ou Daniel Cohn-Bendit évoquent comme solution l’ouverture plus grande des frontières, qui ne ferait qu’augmenter le nombre de bateaux sur la Méditerranée. Comment croire qu’une telle mesure pourrait réduire le nombre de victimes, à moins de ne mettre aucune limite à l’immigration venue d’Afrique, ce qui est inenvisageable ? L’UE, comme souvent, s’est contentée de promettre davantage de moyens pour patrouiller mais il est frappant de ne voir aucune mesure annoncée pour aider le développement de l’Afrique ou pour réduire l’intérêt des migrants de franchir la Méditerranée, ce qui représentent tout de même les deux enjeux majeurs ici.

L’immigré illégal, ce héros

lundi 27 avril 2015

Des migrants et du développement de l’Afrique

Le drame de la mort de centaines de migrants africains a suscité une grande émotion mais le débat qu’il a suscité est, comme trop souvent, bien superficiel. Alors que l’on ergote sur le traitement des conséquences des problèmes, on oublie largement de réfléchir à leurs causes.



Une exploitation largement inégale

Jean-Louis Borloo a bien raison d’insister sur la nécessité d’aider l’Afrique. Dans une très large mesure, je souscris à son idée d’un plan Marshall pour le continent, idée que nous aurions du appliquer à l’Europe de l’Est il y a un quart de siècles au lieu de la plonger dans les eaux froides et dangereuses du néolibéralisme. Cependant, son raisonnement n’est pas sans limite. Comment financer ce plan dans les conditions actuelles entre politiques de réduction des dépenses publiques et des déficits et avec une arme monétaire sortie du cadre politique ? L’intention est louable, mais aujourd’hui, il est difficile de ne pas voir qu’elle est bien vaine, d’autant plus que les montants en jeu seraient sans doute colossaux.

En outre, se pose aussi la question du bilan des politiques menées depuis des décennies. La croissance semble enfin accélérer quelque peu en Afrique, mais on peut y voir davantage l’effet de la hausse du prix des matières premières et du décalage grandissant des coûts salariaux avec l’Asie, qui a poussé H&M a délocalisé une partie de sa production en Afrique. Pire encore, ce regain de croissance profite d’abord à une minorité, puisque l’essentiel de la baisse de la pauvreté des dernières années a eu lieu en Chine, et pas en Afrique. La majeure partie des profits va à des intérêts étrangers ou à une petite minorité de la population et ignore la très grande majorité de la population, poussée à rêver d’ailleurs.

Permettre le développement de l’Afrique

dimanche 26 avril 2015

Le dérisoire congrès du Parti Socialiste

Martine Aubry qui signe la motion du premier secrétaire, les frondeurs qui seront représentés par un illustre inconnu et Karine Berger qui propose une motion « alternative » : le congrès à venir du Parti Socialiste sera un nouvel épisode démontrant la faiblesse de la réflexion dans la majorité.



Un pseudo débat d’idées

Pourtant, avec les départs d’Arnaud Montebourg et Benoît Hamon à la rentrée, et les critiques récurrentes de Martine Aubry et des frondeurs depuis le début du quinquennat de François Hollande, on pouvait penser que le prochain congrès du PS serait l’occasion d’un débat sur la ligne de la majorité, la relative austérité ou l’effarante et dérisoire priorité donnée à la compétitivité des entreprises. La fronde d’une petite minorité des élus depuis des mois pouvait entretenir l’illusion que le débat d’idées avait une chance d’éclore, au moins partiellement, même s’il ne fallait pas s’attendre au moindre débat sur la monnaie unique, le libre-échange anarchique, l’UE, voir même les orientations budgétaires.

Après avoir soldé Alstom à GE, puis, ce qui est oublié, lancé une partie des chantiers de la loi Macron, la baudruche Montebourg s’est totalement dégonflée, ne restant plus qu’une critique auto-centrée de François Hollande. Benoît Hamon, privé des ors des ministères, préfère agir dans le sillage de Christian Paul, alors que lui avait la surface médiatique pour pousser le débat. Mais le comble du ridicule est sans doute atteint par la motion portée par Karine Berger, une des « têtes pensantes » des socialistes en matière économique qui dit vouloir renouveler son parti tout en trouvant que la motion des frondeurs va trop loin dans la critique du gouvernement, alors qu’elle n’a même pas voté la censure.

Le cirque de la fronde

samedi 25 avril 2015

L’UE, l’ami des OGMs et de Monsanto, suite, mais pas fin




Par la porte et la fenêtre


Dans ce nouvel épisode, « la Commission européenne a autorisé l’importation et la commercialisation de 17 OGM destinés à l’alimentation humaine ou animale (…) L’autorisation, qui prend effet immédiatement, vaudra pour dix ans ». Bien sûr, les Etats membres pourraient interdire malgré tout leur commercialisation, mais si et seulement si était adoptée une réforme présentée mercredi, permettant des interdctions pour « des motifs de politique agricole, d’aménagement du territoire ou des conséquences socio-économiques ». Outre le fait que cette possibilité soit encore totalement hypothétique, il faut noter que cela serait sans doute lié à l’interprétation de ces motifs par une Cour de Justice dont on connaît les penchants pro-OGM. Bref, à défaut de les produire, l’UE veut qu’on les consomme (à hauteur de 0,9% dans les produits Bio pour permettre l'utilisation de conteneurs ayant transporté des OGMs) !

Un immense scandale démocratique

vendredi 24 avril 2015

Excédent commercial du Japon : nouveau succès des Abenomics !




Un produit des Abenomics

Historiquement, le Japon était un pays en excédent commercial puisqu’il avait basé sa croissance sur les exportations, tout en protégeant très fortement son marché intérieur, ce que les néolibéraux myopes tendent toujours à oublier. Mais Fukushima a provoqué une remise en cause complète de la politique énergétique, la fermeture des centrales nucléaires, remplacées par des centrales thermiques nécessitant l’importation d’hydrocarbures, qui ont plongé le pays en déficit. Bien sûr, le retour à un solde positif s’explique en bonne partie par la baisse de 51% de la facture de pétrole et de 12% de celle de gaz, provoquant un recul global de 14,5% des importations, sans quoi le pays serait resté en déficit.

Mais ce résultat n’est pas seulement le fait de la (forte) baisse des importations d’hydrocarbures consécutive au recul de leurs prix. En effet, les exportations ont également progressé de 8,5%, soit une hausse de plus de 540 milliards de yens, plus que les 230 milliards de yens d’excédent. Si les exportations étaient restées stables, le pays aurait encore affiché un déficit de 310 milliards de yens. Or, il est clair que les exportations ont beaucoup progressé du fait de la baisse du yen et des choix radicaux de politiques monétaires du pays. D’ailleurs, en Europe et en France, la très forte baisse de l’euro soutient fortement les exportations, ce qui contrebalance fortement le discours des masochistes de l’euro cher.

La monnaie : un outil politique

jeudi 23 avril 2015

Drame des migrants : l’effarante réaction de Cohn-Bendit, le Monde et Libération

La mort en mer de centaines de migrants africains qui cherchaient à rejoindre l’Europe a logiquement suscité une énorme émotion. Aujourd’hui, se tient un conseil européen sur le sujet. Mais l’angélisme des réponses apportées par Daniel Cohn-Bendit, le Monde et Libération est une impasse.



L’illusion des frontières ouvertes et des emplois vacants

Pour Daniel Cohn Bendit, la solution à ce drame est simple : il faut davantage ouvrir les frontières. D’ailleurs, les pays européens auraient des besoins de main d’œuvre (pas moins de 7 millions de personnes en Allemagne à long terme). Libération et Le Monde ont dégoté des chercheurs qui soutiennent qu’une plus grande ouverture des frontières n’augmenterait pas le nombre de migrants puisque, de toutes les façons, ceux qui viennent sont prêts à risquer leur vie, ce qui ne semble pas vraiment avoir convaincu les lecteurs étant donnés les commentaires. Puis, parce que c’est une contre-vérité trop souvent répandue, comme L’œil de Brutus l’avait démontré sur le blog, il convient d’abord de faire un sort à l’idée selon laquelle il y aurait beaucoup d’emplois non pourvus en France.

D’abord, Alternatives Economiques montre que, nous avons un des plus faibles taux d’emplois non pourvus en Europe : 0,6% contre 1,6% dans l’UE. En outre, il ne faut pas oublier que toute offre d’emploi intégrée, alors que ne devraient être prises en compte que celles qui n’est pas possible de satisfaire au bout d’un certain temps, sans parler du fait que peuvent être prises en compte des offres de 2 heures de ménage par semaine… Bref, à quelques rares exceptions près (médecins, bouchers), nous ne manquons pas de travailleurs, comme le suggèrent les chiffres du chômage. Bien au contraire, cette situation plaide pour réduire au minimum l’immigration et ne pas déséquilibrer plus encore le marché du travail, au bénéfice des entreprises, comme le souligne Jack Dion dans Marianne.

L’humanisme, c’est de fermer les frontières

Les banquiers vous diront qu'ils ne créent pas d’argent ... pourquoi ? (billet invité)

Billet invité d’André Jacques Holbecq, auteur de « La dette publique, une affaire rentable » et du « Manifeste pour que l’argent serve au lieu d’asservir », avec Philippe Derudder


Plutôt que de répéter la démonstration qu’on trouve habituellement dans tous les livres d’économie, à savoir l’explication par étape en considérant d’abord que tout le système n’existe qu’au sein d’une seule banque, puis en introduisant deux banques avec des parts de marché différentes, puis pour finir en introduisant une banque centrale dans la démonstration, (banque centrale qui seule peut satisfaire à la demande de monnaie centrale, la plus connue étant la monnaie dite « fiduciaire »), essayons de nous mettre à la place du « petit » banquier, simple directeur d’agence.

mercredi 22 avril 2015

Les bourses fêtent la prise de pouvoir des actionnaires

Le Dow Jones plus haut qu’en 2007, le Nikkei, au-delà de 20 000 points et au plus haut depuis 2000, le CAC 40, au-delà de 5200 points, au plus haut depuis 2007 : si l’envolée des bourses reflète la spéculation et les politiques des banques centrales, elle souligne aussi les rapports de force économiques actuels.



Les actionnaires rois du monde

A première vue, on pourrait se dire que le niveau actuellement atteint par les bourses du monde est délirant et qu’il ne représente qu’un nouvel épisode de spéculation irrationnelle et exubérante nourri par les choix des banques centrales, entre taux au plus bas et création monétaire. Bien sûr, ces éléments expliquent en partie les niveaux atteints dernièrement. Cependant, les choses sont plus compliquées que cela. En effet, quand on examine le niveau des cours par rapport aux profits, le niveau actuel n’est pas déilrant (selon The Economist, la capitalisation boursière représente 15,3 fois les bénéfices contre une moyenne de long terme de 16,6 fois). En fait, il semble même y avoir du potentiel de croissance !

C’est que notre système économique atteint de nouvelles extrémités. Depuis 3 ans, The Economist, pourtant guère prédisposé à remettre en cause notre système économique, s’inquiète régulièrement du niveau des profits, qui a dépassé les plus hauts historiques atteints avant la crise de 1929. Aujourd’hui, les grandes multinationales arrivent à tirer toujours plus de profits de leurs activités, révélant un rapport de force qui leur est forcément favorable. Mais il y a plus fort  qu’elles : leurs actionnaires, qui sont la raison pour laquelle elles concentrent toute leur énergie à augmenter sans cesse leurs profits, pour leur en redistribuer une part toujours plus forte, sous la forme de dividendes ou de rachats d’action.

Le retour des féodalités

L’Europe : Funkpropaganda et blablabla (billet invité)

Billet invité de l'oeil de Brutus




Le sujet tombe sous le sens tant la construction européenne, par sa nature même, n’est qu’un simple dérivé de l’économiscine néolibéral.

Il y a plus de vingt de cela, à la veille du référendum sur le traité de Maastricht[i] (celui-là même qui allait porter les bases de l’euro …), Philippe Séguin avait déjà anticipé les tréfonds anti-démocratiques de l’UE telle qu’elle a finalement été imposée aux peuples : « le conformisme ambiant, pour ne pas dire le véritable terrorisme intellectuel qui règne aujourd'hui, disqualifie par avance quiconque n'adhère pas à la nouvelle croyance, et l'expose littéralement à l'invective. Qui veut se démarquer du culte fédéral est aussitôt tenu par les faiseurs d'opinion (...) au mieux pour un contempteur de la modernité, un nostalgique ou un primaire, au pire pour un nationaliste forcené tout prêt à renvoyer l'Europe aux vieux démons qui ont si souvent fait son malheur »[ii]. Ce à quoi, lui donnant finalement mille fois raison et avec une absence de retenue indigne d’un ancien premier ministre, Michel Rocard répondait : « je suis persuadé que les jeunes nazillons qui se sont rendus odieux à Rostock votent non à Maastricht »[iii]. Mike Godwin venait à peine d’énoncer sa théorie (en 1990), que M. Rocard s’y plongeait déjà à plein tête (creuse).

mardi 21 avril 2015

Loi de surveillance : quand Valls fait du Bush

Le projet de loi de surveillance présenté par Manuel Valls à l’Assemblée Nationale, en procédure accélérée, semble bien s’apparenter à une version, certes plus limitée, du Patriot Act. Ainsi, il est donc particulièrement regrettable de ne pas permettre un vrai débat démocratique sur un tel sujet.



Un pas vers Big Brother ?



Ce débat que l’on oublie

lundi 20 avril 2015

Wolfgang Schäuble, petit soldat austéritaire




Arrogance totalitaire et antisociale

Les propos de Wolfgang Schäuble sont graves à plus d’un titre. D’abord, ils sont bien peu diplomatiques et assez inadmissibles dans le cadre traditionnel de l’amitié franco-allemande. Comment travailler avec une personne qui tient de tels propos publics ? Ensuite, il est tout assez effarant qu’il vante les réformes « très réussies » de l’Espagne. Comme ne pas y voir, au mieux, une déconnexion totale du réel, au pire, un mépris tout aristocratique vis-à-vis d’une population espagnole qui vit avec un quart de la population au chômage et qui offre à ses jeunes pour avenir immédiat l’absence d’emploi pour près de la moitié d’entre eux. Bien sûr, cela baisse maintenant, mais en 2007, le taux de chômage était à 8%.

Mais outre le fait d’être anti-social, le propos du ministre allemand est aussi profondément antidémocratique. En effet, il parle tout de même de « forcer le Parlement » et pointe, semble-t-il avec une forme de regret, que « la démocratie est difficile », comme s’il pensait qu’une bonne autocratie était finalement plus efficace que le fait de laisser au peuple et à ses élus un mot à dire dans la marche du pays. Ce n’est peut-être pas totalement étonnant de la part d’un pays qui a sorti sa politique monétaire du cadre démocratique, mais en est d’autant inquiétant et révoltant qu’il s’agit de facto de ce que pense une partie des élites, comme le notait bien Emmanuel Todd dans son livre « Après la démocratie ».

La double face du Parti Socialiste

dimanche 19 avril 2015

Réserves fractionnaires et monnaie pleine : un rappel (billet invité)

Billet invité d’André Jacques Holbecq, auteur de « La dette publique, une affaire rentable » et du « Manifeste pour que l’argent serve au lieu d’asservir », avec Philippe Derudder


D’après l’enseignement universitaire [1] on note deux étapes. Vers 1655, à Londres et Amsterdam, les orfèvres qui avaient l’habitude d’attester les dépôts d’or des nobles et des riches marchands dans leurs coffres par des certificats de dépôts nominatifs, commencent à émettre ces certificats en valeurs rondes et « au porteur » en les rendant anonymes. Ces certificats purent donc servir de moyens de paiement en passant de main en main.

Mais très vite, vers 1670, les orfèvres s’aperçurent que les détenteurs de ces certificats, accordant une grande confiance aux orfèvres, ne demandent qu’assez rarement la transformation de leurs certificats en or. Les orfèvres commencent à émettre à des emprunteurs, contre intérêts, plus de certificats qu’ils ne détiennent d’or. Ces certificats tout à fait identiques, servent donc à payer les dettes, et deviennent de la « monnaie » crée sans contrepartie véritable. Les orfèvres deviennent des banquiers au sens moderne du terme, prêtant ce qu’ils ne disposent pas : ils « créent » littéralement la monnaie en « monétisant » des reconnaissances de dette ou des hypothèques. Leurs réserves (l’or dans leur coffre) sont fractionnaires par rapport au montant des certificats émis. C’est de là que vient le terme « réserves fractionnaires »

samedi 18 avril 2015

Après Alstom, le gouvernement abandonne Alcatel



L’abandon de notre industrie

Il y a une vingtaine d’années, Alcatel-Alstom était un des fleurons industriels de notre pays, une des toutes premières capitalisations boursières de France, un groupe qui faisait notre fierté, le General Electric national. Après des erreurs de stratégie, l’ancien conglomérat a été débité en morceaux : Alcatel, Astom et Nexans. Alstom réunissait les activités de production de trains (notamment le TGV) et d’énergie. Mais l’année dernière, le petit poucet français a fait saliver les deux mastodontes Siemens et GE. Après une féroce bataille politique, le géant étasunien l’a emporté, et, contrairement aux belles promesses d’Arnaud Montebourg, a bien croqué Alstom et l’a découpé en morceaux.

Malheureusement, le même scénario se répête avec Alcatel-Lucent. Ici, le groupe français s’était rapproché d’un rival étasunien pour peser dans le marché des équipements de télécommunications. Mais il semble que l’ancien géant du téléphone portable finlandais veut faire subir à Alcatel ce que GE fait à Alstom. Bien sûr ce rachat est présentée comme une fusion et « Nokia s’engage à maintenir les emplois chez Alcatel en France durant deux ans », mais après ? Ces engagements ont toujours une durée de vie limitée, et nous sommes bien placés pour savoir que les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent, que ce soit pour Péchiney (dévoré par Alcan), Arcelor (digéré par Mittal), ou Alstom.

Nos dirigeants aux abonnés absents

Economie : la pomme de Gombeaud (billet invité)

Billet invité de l’œil de Brutus dans le cadre d’une suite d'articles sur les nouveaux inquisiteurs et le terrorisme intellectuel



L’économie – car en ère néolibérale tout est économie et l’économie est le Tout – est bien évidemment le champ d’application premier de cette vacuité du débat de nos post-sartriens postmodernes. Au premier rang desquels on trouve l’inénarrable et inévitable Alain Minc qui n’hésita pas à lancer que « l’hostilité au libre-échange des militants d’ATTAC et autres organisations non gouvernementales fait sa jonction avec l’antiaméricanisme des exclus du tiers-monde et des ghettos urbains ; la condamnation du gouvernement Sharon par les héritiers de l’extrême gauche glisse, sans crier gare, dans la remise en cause de l’existence même d’Israël »[i]. Dans le même sac, donc, économistes hétérodoxes, critiques de l’impérialisme américain et du colonialisme israélien, gauchistes divers et variés et antisionistes primaires. Pour Herr doktor Minc (« Il n'y a pas de modèles il n'y a qu'un modèle : il est allemand »[ii] - bel exemple, là aussi, d’ouverture au débat), de la simple remise en cause des modèles qui nous sont imposés depuis plus de trois décennies (avec les résultats que l’on connaît) au révisionnisme confinant aux sympathies néo-nazies, il n’y a qu’un pas, qu’il n’est pas loin de franchir.

vendredi 17 avril 2015

UMP : changer la forme pour ne rien faire sur le fond

Nicolas Sarkozy a tranché : pour tenter de faire oublier les affaires associées à son nom, le parti dont il est le président va en changer pour prendre celui des Républicains. Outre le caractère bien optimiste de croire que cela fera oublier le passer, ce choix est significatif à plusieurs titres.



Communiquer pour ne pas réfléchir

Le plus incroyable depuis le retour de Nicolas Sarkozy, c’est de constater combien l’UMP a tout simplement renoncé à réfléchir. La campagne pour la présidence du mouvement avait plus à voir avec l’élection du vainqueur d’un Loft Story vaguement politique que de l’élection du premier parti d’opposition. Tout semble s’être joué sur l’équation personnelle des candidats et quelques postures bien davantage fondées sur leurs caractères plutôt que le fond de leur programme. C’est d’ailleurs la triste pente que prend le combat à venir des primaires, entre un Alain Juppé qui présente un visage plus modéré dans les Inrocks quand Nicolas Sarkozy semble vouloir suivre la voie de 2012.

En revanche, sur le fond, c’est l’encéphalogramme plat. Le président de l’UMP semble préférer les colloques grassement payés à la réflexion. Les quelques idées qu’il a avancées ne sont qu’une resucée de ses campagnes passées, certaines appliquées pendant son quinquennat, d’autres pas. Nicolas Sarkozy n’a pas avancé le début d’une véritable réflexion nouvelle, se contentant de surfer sur les vagues de l’actualité et le mécontentement à l’égard du président actuel. Et Alain Juppé est également en service minimum, semblant uniquement compter sur son équation personnelle, ainsi que celle de son principal adversaire, pour être élu candidat de son camp fin 2016. Bienvenue au Loft de l’UMP.

Le peu de sens qui émerge

jeudi 16 avril 2015

L’effarante réforme du collège

On en découvre tous les jours davantage sur l’effarante réforme du collège pondu par le gouvernement. Il faut remercier Jean-Paul Brighelli pour son décryptage de ces mesures effarantes, qui, outre le fait de ne pas apporter de solutions aux problèmes actuels, semblent bien devoir les accentuer.



Tout déconstruire

Ce qui est impressionnant avec la tendance de ces dernières années, c’est l’ampleur de la déconstruction de l’éducation que nous connaissions. Déjà, les programmes ont été allégés au point d’oublier des pans entiers et fondamentaux de notre histoire, privant les enfants d’un savoir et d’une part de leur identité. Les notes ont été tellement assouplies qu’en vingt ans, le nombre de mentions très bien au baccaulauréat a dépassé celui des mentions bien. On laisse faire les élèves, qui n’apprennent qu’une forme extrêmement édulcorée et superficielle de discipline. Après tout, quand on passe lentement mais sûrement d’une société organisée à la loi de la jungle, pourquoi éduquer ?

La déconstruction se poursuit encore. On sait déjà que l’enseignement du latin et du grec, qui préfigurait pourtant les enseignements pluri-disciplinaires, en mélangeant linguistique, histoire et littérature, vont continuer à reculer. Dans une telle société, tout ce qui n’est pas directement utile peut être oublié, y compris la culture et l’identité, quand elles sont contraires à une certaine idéologie. Naturellement l’apprentissage de l’anglais continue à être développé, dès le primaire, comme une soumission volontaire à la colonisation linguistique de la lingua franca de notre époque. Aussi effarant, la fusion de la grammaire, dans un subsitut édulcoré. Et il n’y aura plus de liste d’auteurs à traiter.

Dis-moi quelle école tu construis

mercredi 15 avril 2015

Epilogue mitterrandien pour la crise de famille des Le Pen ?




De la crise familiale à la passation d’héritage

L’histoire qui s’écrit depuis quelques jours est probablement trop idéale pour être honnête. Le président d’honneur du Front National dérape quelques jours après les cantonales et juste avant une affaire. Ainsi, il ne prend pas le risque de mobiliser les électeurs qu’il effraie, tout en assurant un nuage de fumée médiatique suffisamment épais pour faire complètement oublier ce qui est peut-être le Bygmalion du parti familial… Marine Le Pen en profite pour marquer à nouveau sa différence, et ainsi continuer à creuser le sillon de la dédiabolisation, puisque presque tous les média dissertent longuement sur les différences entre père et fille, et donc la relative modération de la seconde.

Mieux, la réponse du père, qui « renonce » à se présenter en PACA, en transmettant la région à sa petite fille, parvient à l’exploit de lui offrir une porte de sortie plus qu’honorable, puisqu’il renonce de lui-même et qu’il adoube celle qui lui succèdera à la tête de son parti dans cette région, sa petite-fille. En renonçant à la région, il pourrait échapper à toute autre sanction, écrivant une conclusion en douceur pour un épisode qui a pourtant fait couler beaucoup d’encre. Marine Le Pen poursuit sa stratégie, qui sort renforcée de ce conflit ouvert avec son père, en marquant sa différence. Et son père ne fait que renoncer à une candidature dont il est tout sauf évident qu’il la souhaitait vraiment, à 86 ans.

Les Le Pen, héritiers de Mitterrand ?

Ce nouvel épisode dans les déchirements de la famille Le Pen en fait les dignes héritiers du manipulateur qui les avait propulsés sur le devant de la scène il y a plus de trente ans. Déjà, le fait que ces conflits ouverts semblent profiter au parti familial devrait pousser à la vigilance. Ne dit-on pas qu’il faut toujours chercher à qui profite le crime ? Le timing trop parfait est une autre raison pour se méfier. Comme par hasard, les dérapages du patriarche n’ont jamais lieu dans la dernière semaine d’une campagne, mais à des moments bien plus neutres politiquement. Et enfin, la scénographie de ces incidents semble trop parfaite pour ne pas donner au moins de doute sur la sincérité des esclandres.

Ce nouvel épisode atteint l’exploit de bien marquer la différence entre le père et la fille, qui n’avait jamais été aussi dure à son égard, tout en lui offrant une porte de sortie plus qu’honorable. Car il est tout sauf certain que sa non candidature, à 86 ans, soit une renonciation. On peut raisonnablement penser que Jean-Marie Le Pen n’avait plus l’envie, ou la force, de faire une telle campagne et il trouve le moyen de présenter cela comme prix payé à sa fille pour avoir dérapé, tout en adoubant sa petite-fille, gardant de la sorte le statut du faiseur de reines de son parti, du moment qu’elles sont de sa famille… Le maintien du père rassure les plus extrêmes et les modérés peuvent croire à la modération de la fille.

Un autre indice amène à douter de la sincérité de ces esclandres trop parfaitement chorégraphiés, c’est le fait que Marine Le Pen trouve le moyen de concilier comme architectes de son programme l’étatiste Florian Philippot et un économiste en chef, Bernard Monot, libertaire

mardi 14 avril 2015

Allocations familiales : la faute du gouvernement

Comme le note 20 minutes, « à partir de juillet, les prestations familiales seront divisés par deux à partir de 6000 euros de revenus nets par mois, et par quatre dès 8000 euros ». Mais même en étant favorable à plus de progressivité fiscale, cette mesure est une grosse faute du gouvernement.



Bricolage anti-familial

A première vue, on peut se dire que rabotter quelques centaines d’euros à des ménages gagnant plus de 6000 euros net par an n’est pas injuste et que cela contribue à remettre un peu de progressivité dans notre système fiscal global. Après tout, il s’agit ici des personnes qui gagnent le plus. Mais cette mesure pose de nombreux problèmes. D’abord, il ne s’agit pas d’une augmentation globale de la progressivité de l’impôt sur le revenu, par une augmentation de la tranche supérieure, qui s’appliquerait de manière uniforme à ceux qui gagnent plus qu’une certaine somme, comme avec l’introduction de la tranche à 45%. Ici ne sont ciblés que les familles, ce qui est paradoxal étant donnée leur importance.

Ensuite, dfficile de ne pas y voir un nouvel épisode du bricolage fiscal et législatif de nos gouvernements, qui, pour trouver quelques millions, rabottent par ci et par là, sans presque jamais se poser la question du projet d’ensemble. C’est exactement le même phénomène qui était à l’œuvre avec l’éphémère taxe à 75%, qui comportait des exceptions effarantes visant les clubs de football. Nos gouvernants, de droite comme de gauche, ne cessent d’empiler les mesures pour réagir sans jamais véritablement mener des réformes de fond, créant un mille-feuille extrêmement complexe. C’est exactement la même logique qui est à l’œuvre avec la réduction d’impôt sur les investissements annoncée il y a peu.

Démontage de la Sécurité Sociale