mardi 28 avril 2015

Ce qui cloche dans le débat sur les migrants

Depuis le drame de la semaine passée, on débat de ce qu’il faudrait faire en réaction aux centaines de migrants africains morts dans la Méditerranée. Mais dans le flot des réactions, les contradictions et les analyses à courte vue ou totalement contre-productives se multiplient.



Déplorer les effets dont on chérit les causes

D’abord, comment ne pas voir que ces morts sont aussi le produit de la société construite depuis des décennies, où le laisser-faire et le laisser-passer favorisent justement l’immigration illégale en réduisant les contrôles aux frontières, quasiment effacées en Europe. Et si de nombreux Africains sont prêts à payer des fortunes pour traverser la Méditerranée, c’est du fait de l’écart de développement entre les deux rives, mais aussi à cause du modèle économique que nous y avons promu, plus instable, et donc plus dur pour des peuples dont une partie peut finir par préférer tenter une aventure chère et risquée, se couper de leurs racines et leurs familles, la marque d’une forme de désespoir.

Et il est tout de même effarant que Le Monde, Libération ou Daniel Cohn-Bendit évoquent comme solution l’ouverture plus grande des frontières, qui ne ferait qu’augmenter le nombre de bateaux sur la Méditerranée. Comment croire qu’une telle mesure pourrait réduire le nombre de victimes, à moins de ne mettre aucune limite à l’immigration venue d’Afrique, ce qui est inenvisageable ? L’UE, comme souvent, s’est contentée de promettre davantage de moyens pour patrouiller mais il est frappant de ne voir aucune mesure annoncée pour aider le développement de l’Afrique ou pour réduire l’intérêt des migrants de franchir la Méditerranée, ce qui représentent tout de même les deux enjeux majeurs ici.

L’immigré illégal, ce héros

Mais il y a également un aspect saisissant dans cette affaire, comme avec l’affaire Léonarda ou le drame de Lampedusa. C’est comment l’immigré illégal est devenu le héros d’une certaine gauche, comme l’a décrit Jean-Claude Michéa, la figure victimaire ultime de nos sociétés, remplaçant l’ouvrier qui avait pourtant été la figure indépassable pendant un bon siècle. Pourtant, ce n’est pas comme si le contexte actuel n’apportait pas de l’eau au triste moulin des difficultés des ouvriers. Entre suppressions de postes, délocalisations, propositions indécentes de transfert dans des pays lointains à des salaires de misère, ou chantage à l’emploi pour obtenir des baisses de salaires et des avantages, tout semble réunit aujourd’hui pour continuer à faire des ouvriers la figure victimaire de nos sociétés.



Enfin, on peut noter que les dirigeants européens, si prompts à se réunir pour sauver des banques ou traiter une crise touchant des migrants, ne semblent pas aussi concernés par le chômage et la pauvreté dans leurs pays. Une indication intéressante qui promet de vrais changements démocratiques.

7 commentaires:

  1. A noter que la Gauche britannique semble en ce moment moins "terra-nova-isée" que la Française.
    Le programme des travaillistes pour les élections législatives de la semaine prochaine commence par ce slogan au parfum de lutte des classes :
    "Britain only succeeds when working people succeed."

    Ensuite, sur l'immigration, on lit :
    "Labour’s plan starts with stronger borders. We will recruit an additional 1,000 borders staff, paid for by a small charge on non-visa visitors to the UK. We will introduce stronger controls to prevent those who have committed serious crimes coming to Britain, and to deport those who commit crimes while they are here. We will introduce full exit checks, so that we can count people in and out of the country. Short-term student visitor visas have dramatically increased, so we will tighten the system to prevent abuse, whilst welcoming overseas university students who bring billions into Britain. And we will keep the cap on workers from outside the EU."

    On voit ici l'influence du courant "Blue Labour" sur Ed Miliband. Pour mémoire, le Blue Labour est une théorie développée par le politologue Maurice Glasman qui conseille aux travaillistes d'adopter des positions plus conservatrices sur les sujets de société afin de "reconnecter" avec les classes populaires délaissées par Tony Blair et Gordon Brown.

    Talisker.

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    1. Cependant, cela ne semble guère payant électoralement pour l'instant, et les travaillistes sont toujours au coude à coude avec les conservateurs. Plusieurs raisons à cela.

      1) Les positions économiques du parti restent flous. Autant les conservateurs et David Cameron assument sans détours une politique de rigueur budgétaire (après que leur pays ait adopté une approche plus keynesienne au coeur de la crise que la zone Euro et bénéficie en ce moment d'une reprise énergique), autant les travaillistes semblent systématiquement osciller entre une politique de relance (qui semble voulue par Ed Miliband lui-même) et la même politique de rigueur (voulue par l'aile blairiste qui reste puissante dans l'appareil du parti). Cela les amène à manier l'oxymore avec des formules telles que "la rigueur juste", et cela endommage leur crédibilité en entretenant une sensation de cacophonie et d'impréparation.

      2) A la suite du référendum écossais, le SNP va faire une razzia sur des sièges traditionnellement acquis aux travaillistes. La question indépendantiste a complètement réorganisé le paysage politique local. Et alors que les 45% de votants "Oui" n'ont le choix qu'entre le SNP et des écologistes marginaux, les 55% de "Non" se voient eux redivisés entre tous les partis traditionnels. Ajoutez un scrutin en un seul tour, et vous voyez le SNP ramasser la quasi-intégralité des sièges en Ecosse. A noter aussi l'habile campagne de Nicola Sturgeon qui joue sur deux tableaux simultanément : d'une part, un programme progressiste ressemblant à celui d'EELV en France pour séduire l'électorat jeune et urbain aux dépens du Labour, d'autre part un discours de rupture anti-establishment basé sur l'indépendance, afin de séduire les classes populaires et les "anti-système" tentés par l'abstention (toujours très forte au Royaume Uni).

      3) L'Ukip s'est inspiré de Marine Le Pen en gauchisant de façon conséquente son programme économique, qui se définissait encore comme "libertarien" il y a quelques années seulement. Cela a pour effet de réduire l'espace des travaillistes, tout en redonnant de l'air aux conservateurs. Par ailleurs, si le style haut-en-couleur de Nigel Farage peut faire mouche lors d'élections intermédiaires, il se heurte au pragmatisme culturel des britanniques lors de cette élection législative, et l'Ukip ne semble pas en mesure d'opérer une réelle partition de la Droite face au Labour.

      Bref, malgré un programme politique pourtant plus cohérent et proche des classes populaires que la Gauche française, la Gauche britannique pourrait bien subir une défaite au moi de Mai, ou du moins une victoire bien plus étriquée qu'espéré.

      Talisker.

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  2. "L’immigré illégal est devenu le héros d’une certaine gauche."
    Pourtant, il suffit d'ouvrir les yeux pour voir qu'autour de nous, il y a des pauvres qui, par fierté, font ce qu'il faut pour dissimuler leur situation, leurs difficultés, leur détresse. Maintenant, il faut bien reconnaître que, vue de l'Interallié où se tiennent les dîners du Siècle, de l'Elysée ou de Neuilly, la vie n'a pas la même allure.

    DemOs

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  3. D'un autre côté l'ouvrier français étant une espèce en voie de disparition c'est un peu normal que ceux qui ont besoin de brandir une figure victimaire (de préférence muette) cherchent ailleurs.

    Cela n'explique pas pourquoi ils n'ont pas choisi les chômeurs. Trop nombreux pour qu'on puisse jouer avec leur masse ?

    Ivan

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  4. En plus il est facile de faire taire le travailleur sans-papier quand les promesses ne sont pas tenues en lui rappelant qu'il a une épée de Damoclès au-dessus de la tête, ce qui est impossible avec les 99 % de chômeurs qui sont en règle.

    Ivan

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