« Dette :
5000 ans d’histoire » a le mérite de
fournir une histoire de la monnaie sur plusieurs millénaires.
Mais son autre apport fondamental est de rappeler le caractère éminemment
politique de la monnaie, dont on a beaucoup débattu dans le passé, chose
un peu trop oubliée aujourd’hui.
Débat et
refus de débat
David
Graeber souligne que la théorie néolibérale du « voile de la
monnaie » est surtout politique. En disant que la monnaie n’aurait aucune
importance et devrait être confiée à des banques centrales indépendantes, cela
revient à figer la politique monétaire. La spéculation avait provoqué l’échec
de deux des premières banques centrales soutenues par l’Etat, en Suède et en France.
En réaction, le camp d’Adam Smith a plaidé pour lier la monnaie aux métaux
précieux, faisant le succès de la banque d’Angleterre et signant la défaite des
tenants de la monnaie crédit, comme Mitchell Innes, pour qui la monnaie n’était
pas une marchandise, mais une unité de compte.
C’est la
position chartaliste, venue de l’école historique allemande, et notamment la
« Théorie étatique de la
monnaie » de 1905 de G.F. Knapp. Il note que les unités de compte
définies sous Charlemagne ont perduré plus de 300 ans, souvent en absence de
tout signe monétaire physique ou d’une grande variabilité des quelques pièces. Il
raconte qu’entre 1850 et 1950 aux Etats-Unis, « les débats sur la monnaie
se sont succédés ». Suite à la terrible récession des années 1890, William
Jennings Bryan fut deux fois candidat à la présidence sur un programme de libre
frappe de l’argent « Free silver Platform » pour remplacer l’étalon
or par le bimétallisme.
La crise de
1929 discrédite l’idée du lien de la monnaie avec les métaux. David Graeber
note que Keynes, ayant étudié les archives monétaires de Mésopotamie dans les
années 1920, était ouvert aux idées alternatives, à savoir que la monnaie est
bien « une créature de l’Etat ».
Mais « cela ne signifie pas que
l’Etat crée nécessairement la monnaie. La monnaie, c’est le crédit, elle peut
naître d’accords contractuels privés (par exemple des prêts) ». Pour
Keynes « ce sont les banques qui
créent la monnaie, et elles peuvent le faire sans aucune limite intrinsèque,
car, quelle que soit l’ampleur de ce qu’elles prêtent, l’emprunteur n’aura
d’autre choix que de remettre l’argent dans une banque ».
La
monnaie comme dette primordiale
Il cite
Geoffrey Ingham, pour qui « la dette
primordiale est celle que doit l’être vivant à la continuité et à la durabilité
de la société qui protège son existance individuelle ». Pour eux,
« il existe une entité appelée
société, nous avons une dette à son égard, l’Etat peut parler en son nom, et on
peut l’imaginer comme une sorte de Dieu laïque ». Ce sont les
fondations de l’Etat-nation moderne apparu notamment avec la Révolution
Française. Pour l’auteur « c’est un
grand piège du XXème siècle. D’un côté, il y a la logique du marché, où nous
nous plaisons à imaginer qu’au départ nous sommes tous des individus qui ne
doivent rien aux autres. De l’autre, il y a la logique de l’Etat, où nous
commençons tous avec une dette que nous ne pourrons jamais véritablement
rembourser ».
Pour lui, la
monnaie a deux visages, ces deux faces décrites par Keith Hart : « un côté nous rappelle que les devises sont
soutenues par les Etats et que la monnaie est à l’origine une relation entre
des personnes dans la société, un symbole peut-être. L’autre révèle la pièce
comme une chose, susceptible d’entrer dans des relations définies avec d’autres
choses ». Pour lui, « la
monnaie est donc presque toujours quelque chose qui oscille entre une
marchandise et une reconnaissance de dette ».
Avec son
livre, David Graeber signe un récit essentiel à la fois pour mieux comprendre
la construction de la monnaie dans le temps, mais aussi pour prendre du recul
sur cette création, qui a beaucoup varié dans le temps et dont on ne débat plus
assez, ce que ses pages sur la dette confirme.
Source :
David Graeber, « Dette : 5000 ans d’histoire », Les Liens qui
Libèrent
Beaucoup de théories pour expliquer ce qui est simple à comprendre:
RépondreSupprimerTout a commencé avec le troc. Puis les marchands ont acheté la production des individus pour en faire commerce.
Pour cela : ils ont utilisé l’or afin de monétiser ‘’l’effort et la compétence’’ d’un producteur. Plus tard l’or est resté dans les coffres et un récépissé d’once d’or à suffit.
Plus tard encore, comprenant l’inutilité de l’or, la monnaie à suffit et avec cette monnaie s’est monétisé les ‘’efforts et compétences’’ des producteurs de tous ces biens et de tous ces services qui circulent.
En finalité, et en réalité, nous ne payons pas un objet mais des ‘’temps d’activité’’ de ceux qui, avec leurs ‘’efforts et compétences’’, ont produit cet objet comme ceux qui le modifient, par la suite, ou le fond circuler jusqu’à son consommateur.
Ce principe nous l’appelons ‘’l’économie réelle’’. C’est-à-dire : la circulation des biens et des services, en parallèle d’une circulation de la monnaie, du début de leurs production, jusqu’à leurs consommations ou leurs usages.
Au XX° siècle, partant du principe que l’un produisait le besoin de l’autre et vise versa, il a été décidé de remplacer la solidarité familiale par la solidarité citoyenne. Cette dernière consiste à donner des moyens financiers à ceux qui ne produisent pas : les inactifs. C’est-à-dire payer des ‘’temps d’inactivité’’ à ceux là.
C’est l’invention de la monétisation pour des ‘’temps d’inactivité’’ au profit de nos retraités, nos chômeurs ou autres et cette monétisation s’est ajoutée à la monétisation du ‘’temps d’activité’’ (effort et compétence) pour devenir la valeur du bien ou du service.
En même temps, quelques têtes pensantes, pour ne pas simplifier les choses, se sont dit : « et si on mettait dans le prix de nos consommation une monétisation pour nos ‘’dépenses mutualisée’’ et nos ‘’dépenses collectives’’» la chose est entendue et faite. Voila pourquoi aujourd’hui, en additionnant :
-- les monétisations pour les ‘’efforts et compétence’’ (temps d’activité) des producteurs, plus
-- les monétisations pour ‘’des temps d’inactivité’’ de retraités, chômeurs, malades ou autres, plus
-- les monétisations pour nos ‘’dépenses mutuelles et collectives’’ :
nous obtenons les 100% du prix à payer pour acquérir nos consommations.
Qui peut nier cette réalité ? Faut-il en savoir plus sur la monétisation ? Cette réalité là n’est-elle pas suffisante ?
Vous parler d'emprunt? N''oubliez pas l'épargne.
Si épargne équilibre emprunt la dette n'existe pas.
Si la dette existe c'est que, effectivement, peu de personne maîtrisent
la réalité de la monétisation.
Font compliqué quand la chose est simple.
Unci TOÏ-YEN
"Si épargne équilibre emprunt la dette n'existe pas"
SupprimerPas grand chose a voir entre les deux a part que la plupart du temps votre epargne ( vente de biens) est de la monnaie cree par qq ayant eu un pret ( les banques creent la monnaient en premier, n'ont pas vraiment besoin de votre epargne (sauf pour quelques regulations/restrictions fluctuantes qui sont contournees)
La théorie selon laquelle le troc a précédé la monnaie qui a précédé le crédit et la dette nous vient des philosophes et des économistes.
SupprimerQuand les archéologues ont mis leur nez là-dedans ils ont découvert que l'instrument de commerce le plus ancien était la dette. La monnaie est apparue ultérieurement, qui a permis de "monétiser la dette"
Et le troc ? Il faut croire qu'il n'était pas assez pratique pour qu'on l'utilise, même avant l'invention de la monnaie.
Ivan
Sur le site "lescrises.fr", Etienne Chouard parle d'un autre livre de David Graeber, lumineux selon lui : la Démocratie aux marges (Bord de l’eau, 2014).
RépondreSupprimerDemOs
Un intéressant dialogue entre Graber et Piketty : http://www.anti-k.org/2015/01/01/1992/
RépondreSupprimerYPB
@ Un citoyen
RépondreSupprimerCe n'est pas en répétant des dizaines de fois qu'avant était le troc que cela deviendra une réalité. Votre obsession qui ne repose sur aucun élément factuel disqualifie tout ce que vous dites. Je ne juge pas la suite, où certains éléments sont intéressants.
@ Démos et YPB
Merci