Billet invité de l’œil de Brutus dans le cadre d’une suite d'articles sur les nouveaux inquisiteurs et le terrorisme intellectuel
L’économie – car en ère néolibérale tout est économie
et l’économie est le Tout – est bien évidemment le champ d’application premier
de cette vacuité du débat de nos post-sartriens postmodernes. Au premier rang
desquels on trouve l’inénarrable et inévitable Alain Minc qui n’hésita pas à
lancer que « l’hostilité au libre-échange des militants d’ATTAC et autres
organisations non gouvernementales fait sa jonction avec l’antiaméricanisme des
exclus du tiers-monde et des ghettos urbains ; la condamnation du gouvernement
Sharon par les héritiers de l’extrême gauche glisse, sans crier gare, dans la
remise en cause de l’existence même d’Israël »[i]. Dans le même sac, donc, économistes hétérodoxes,
critiques de l’impérialisme américain et du colonialisme israélien, gauchistes
divers et variés et antisionistes primaires. Pour Herr doktor Minc (« Il
n'y a pas de modèles il n'y a qu'un modèle : il est allemand »[ii] - bel exemple, là
aussi, d’ouverture au débat), de la simple remise en cause des modèles qui nous
sont imposés depuis plus de trois décennies (avec les résultats que l’on
connaît) au révisionnisme confinant aux sympathies néo-nazies, il n’y a qu’un
pas, qu’il n’est pas loin de franchir.
Il n’empêche que sur d’autres sujets, le fameux TINA
(« there is no alternative ») de Margaret Thatcher a encore de beau
jour. Le thème du protectionnisme est ainsi interdit de séjour dans la plupart
des rédactions[v]. A tel point que même les sondages qui en font mention sont
proscrits, ou presque, du débat. Ou que lorsqu’un prix Nobel d’économie (à l’époque
le seul Français à avoir reçu cette récompense), Maurice Allais, adopte une
position critique à l’encontre du libre-échange, il en est aussitôt banni des
bonnes feuilles de la « grande presse »[vi].
Mais c’est sans doute Jean-Louis Gombeaud, ci-devant «
journaliste » à LCP, qui, avec toute la neutralité qui s’impose à sa
profession, a le mieux résumé le dogmatisme ambiant et le mépris de la
pseudo-élite à l’égard du peuple français : « Fallait-il vraiment demander
aux Français de donner leur point de vue sur l’économie de marché ? (…) A quand
un référendum sur le bien-fondé de la gravitation universelle ? »[vii]. Oyez, oyez, pauvres gueux, le marché, telle la
gravitation, ne se discute pas, il s’applique, dusse la pomme de Gombeaud vous
escarbouiller l’emploi et l’avenir[viii]
!
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[i] Alain Minc, Ce monde qui vient, Grasset 2004, page 74
[ii] Alain Minc, cité par Patrick Brody, A bas les modèles
!, Le Monde, 05/03/2012.
[iii] Lire (par exemple) :
La politique monétaire pour les nuls (y compris Mario Draghi), Pascal-Emmanuel Gobry, Atlantico.fr, 07-déc-12
Mais quand l’Allemagne réussira-t-elle enfin à comprendre l’Histoire
économique de ses années 30 ?, Mathieu Mucherie,
Atlantico.fr, 28-juin-12
Le libéralisme économique a-t-il enfanté Hitler?, Trémarec , L'Espoir, 31-oct-11.
[iv] Quand François Baroin réécrit l'Histoire, Yohann Duval,
Blog Yohann Duval, 12-nov-12.
[v] Lire Peut-on débattre du protectionnisme sereinement ?, Laurent Pinsolle, Gaulliste libre, 18-janv-12.
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