lundi 13 avril 2015

Les nouveaux inquisiteurs : le terrorisme intellectuel comme moyen de tarir le débat et de tuer la démocratie (billet invité)

Billet invité de l’œil de Brutus



L’affaire est vieille comme la politique : quand son argumentaire défaille, l’hypocrite autoritariste limite sa pâle ambition à rejeter son opposant dans les limbes d’une présomption en irrecevabilité démocratique. Le politiquement correct n’est qu’un terrorisme intellectuel qui avance masqué. Et terrorisme est bien le mot puisqu’il s’agit pour son employeur de jouer sur la crainte de son opposant de se trouver non seulement exclu du débat mais mis à l’index (au sens premier de l’expression) de toute la société. Hyper-médiatisée, celle-ci tend en effet à faire de son anathème une véritable mort intellectuelle, voire sociale. Si les terroristes « physiques » - islamistes, djihadistes, extrémistes ou tous autres – parviennent à nous frapper dans nos chairs, ils n’en sont pas en mesure, tout indéniable respect dû aux victimes mis à part, de mettre à bas l’ordre démocratique[i]. A contrario, les terroristes intellectuels en s’attaquant à toute chaire intellectuelle qui leur disconvient, sont, eux, en mesure et en passe de saper fondamentalement tout notre modèle démocratique. Le Calliclès du Gorgias de Platon a ainsi de bien nombreuses émules contemporaines, comme si l’exubérance outrecuidante du sophisme était la marque des fins de cycles démocratiques.

Jean-Paul Sartre fut le mentor intellectuel de bien de nos pseudo-révoltés contemporains, avant que ceux-ci ne virent casaques, sans jamais vraiment se dédire : du trotskisme au néolibéralisme, il n’y eu souvent qu’un pas de fourmi, l’intégrisme idéologique suivant de l’un à l’autre en proportion égale. Sartre donc, qui trouva l’Occupation bien doucereuse (« mieux valait une France nazifiée, qu'une France en guerre » se justifiait-il), fut aussi un maître de l’anathème de salon, celle qu’on lance sûr de ne rien risquer, avec 120 compagnons[ii] tout aussi convaincus de leur suffisance, pour encourager les autres, et en particulier le petit peuple qu’ils prétendent défendre mais en vérité méprisent profondément de toute la hauteur de leur fatuité, à tous les risques physiques (tant qu’eux n’en prennent pas, tout va bien) ou tous autres porteurs de valises. « Tout anticommuniste est un chien », clamait-il dans ce qui fut sans doute l’annonce même de la forme implacable du terrorisme intellectuel de notre époque, de ce rejet dans les limbes de l’exo-humanité de tout opposant potentiel au maître sartrien. Et quoi de mieux que de pousser la chansonnette jusqu’à l’appel au crime pour « abattre un européen », car « c'est faire d'une pierre deux coups, supprimer en même temps un oppresseur et un opprimé : restent un homme mort, et un homme libre ».

On attend toujours de voir Sartre un pistolet à la main … Il n’empêche qu’il a depuis fait des petits. Ainsi d’Alain Badiou[iii] qui, depuis la mort du maître, ressasse, presque dans le vide (fort heureusement), les mêmes excommunications, les « chiens » s’étant mués en « rats »[iv].

A suivre, plusieurs chapitres sur le terrorisme intellectuel :
Economie : la pomme de Gombeaud
L’Europe : Funkpropaganda et blablabla
Fascisme à outrance
Pravda, quand tu nous tiens
Les questions sociétales à la lorgnette libérale-libertaire




[i] En tout état de cause, ils font bien moins de victimes que la criminalité « conventionnelle » (environ 1000 meurtres par an en France, soit une moyenne de trois par jour), la circulation routière ou, à l’échelle de la planète, le paludisme (1 million de morts par an), maladie qui peut pourtant aisément être prévenue sinon soignée.
[ii] Cf. Le Manifeste des 121.
[iii] Sur Alain Badiou,  lire "Un Alain Badiou n'est possible qu'en France", Lucien Bianco , Marianne, 13-déc-14
[iv] Lire Bruno Chaouat, Chiens, rats, anticommunistes, Libération, 10 janvier 2008.

7 commentaires:

  1. Quand un étranger entre sur le territoire français, et quand il demande l'asile à la France, il y a deux possibilités :

    1- La France lui accorde l'asile. Dans ce cas, l'étranger reste en France.

    2- La France lui refuse l'asile. L'étranger est débouté du droit d'asile. Dans ce cas, il y a Obligation de Quitter le Territoire Français ( OQTF ).

    Chose étonnante : il n'y a que 1 % des déboutés du droit d'asile qui sont reconduits hors de France !

    99 % des déboutés du droit d'asile restent en France !

    La Cour des Comptes écrit dans son Relevé d'Observations Provisoires :


    « les éloignements effectifs ne concernent que 1 % des déboutés du droit d’asile. Les OQTF ne sont donc quasiment pas exécutées, en contradiction avec le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. En 2009, la Cour estimait que le retour des déboutés du droit d’asile dans leur pays d’origine devait être « organisé de façon beaucoup plus systématique et rapide que par le passé, afin d’éviter leur glissement vers la clandestinité et le renforcement de l’immigration illégale. »

    http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2015/04/12/01016-20150412ARTFIG00218-droit-d-asile-le-rapport-explosif-de-la-cour-des-comptes.php

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  2. Tout ce que je lis sur Sartre ou de Sartre me terrifie. Dans les racines du terrorisme islamiste, ne devrait-on pas voir encore une influence du terrorisme algérien initié par des intellectuels français ?
    Initié par ces soi-disant intellectuels, financé par les USA pendant des décennies pour lutter contre l'influence de l'URSS puis contre les velléités d'indépendance, le monstre se retourne contre nous. Mais il reste notre enfant, ce qui explique les contradictions du pouvoir occidental, comme Valls et de nombreux intellectuels réagissant aux attentats de janvier en dénonçant l'islamophobie.
    Il serait temps d'écrire un livre noir des intellectuels français.

    Les livres d'Histoire des écoles et des collèges présentent des Français toujours esclavagistes, racistes, ignorants et violents, mais sauvés par une élite d'intellectuels à la pensée progressiste et libératrice. On ne pouvait pas attendre un autre genre de formatage dans un système post démocratique.
    Ce système peut s'avérer ravageur dans l'esprit des jeunes. Je vois les réactions d'un enfant que j'aide à faire ses devoirs depuis des années. Par ses parents et par les programmes qui lui sont imposés, il ne devrait pas ressentir quelque chose s'approchant du patriotisme. Or j'assiste à la naissance de ce sentiment chez lui de manière innée, ce qui prouve qu'il ne peut que répondre à un besoin de la construction de la personne et non à une sollicitation extérieure.
    Par exemple, il s'extasie devant l'extension maximale de la France napoléonienne. J'avoue que j'ai eu à son âge le même réflexe primaire. Mais, à mon époque, on me laissait imaginer des Français apportant leur sens de la liberté, de l'honneur, de la culture, de la modération. Lui, il ne peut les voir qu'apportant du négatif, et il ne peut s'empêcher d'en être fier quand même. N'est-il pas tenté de correspondre à l'image qu'on lui a donné des Français : racistes, violents, obscurantistes ? Peut-on ne pas se poser la question au moment de la montée du FN ?

    Guadet

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    1. Vous parlez sans doute là des livres d'histoire de ces dernières années. Ceux plus d'anciens n'étaient pas du tout construits de cette façon. En pratique, derrière la démolition quasi systématique des grandes figures (http://loeildebrutus.over-blog.com/article-le-relativisme-absolu-et-les-grands-hommes-101651728.html) , il y a une véritable entreprise larvée de démolition de la France en tant que nation, et par là-même en tant que démocratie.

      en outre, la réalité historique est toute autre : chaque fois que la France a été grande, elle l'a été en s'appuyant sur le peuple (Bouvines, l'appel de Louis XIV au peuple pour sauver la France du dépeçage pendant la guerre se succession d'Espagne, les soldats de l'an II, les Trois glorieuses, la première guerre mondiale, la Résistance, etc.) ou par le fait de figures issues non de l'élite dirigeante mais du peuple (Jeanne d'Arc, Napoléon et ses maréchaux, de Gaulle, etc). A contrario, ses défaites ont souvent été le fait de la médiocrité, parfois même la trahison, de ses "élites" (la guerre de Cent ans, la faillite de l'Ancien Régime, Coblentz, la défaite de 1870 et le massacre des Communards, des généraux médiocres pendant la 1ère guerre mondiale, 1940 et Vichy et ... aujourd'hui ...).
      Ce qui est assez drôle, c'est que chez nos voisins Anglais c'est plutôt l'inverse.

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    2. @L'Oeil de Brutus14 avril 2015 23:38

      Je pense que nous sommes d'accord.
      Il est bien vu aujourd'hui de se gausser des vieux manuels d'histoire, mais ils n'étaient pas plus idiots que les nouveaux et ils avaient l'avantage de constituer un cours de morale et d'éducation civique.

      Guadet

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    3. @L'Oeil de Brutus14 avril 2015 23:38

      Nous avons raison de penser que les programmes actuels ont pour résultat de détruire la nation et la démocratie. Mais l'effet est en partie indirect.
      L'époque contemporaine en occident est marquée par une culture mal digérée. Entre la forte croissance de l'éducation et de l'édition au XIXe siècle et l'internet aujourd'hui, s'est développé un phénomène parfaitement décrit déjà par Flaubert dans "Bouvard et Pécuchet". Tout un chacun imagine être suffisamment savant pour tout remettre en cause et imaginer les solutions à appliquer ; de nombreux ouvrages et articles sont publiés ; ils pourraient souvent permettre une réflexion intéressante ; mais leur succès pousse à une application à la lettre qui s'avère désastreuse. "L'Homme cet inconnu" d'Alexis Carrel, best-seller en France et aux USA dans les années 1930, devient ainsi l'une des sources des politiques d'extermination nazies. Aujourd'hui, nous avons eu d'autres mauvaises utilisation pour "Le Deuxième sexe" de Simone de Beauvoir ou les livres de Bourdieu.
      Les progrès de la science historique ont permis d'ouvrir de nouvelles perspectives ; confrontées aux anciennes, elles permettraient d'élargir et de clarifier nos connaissances ; mais on les impose en détruisant les anciennes, ce qui abouti à une régression plutôt qu'à un progrès.
      C'est ainsi qu'on en arrive à une destruction de la nation en France et au djihadisme violent dans le monde.

      Guadet

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    4. et quelque part, en fait, un simple retour à la féodalité ...

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  3. Les services secrets italiens lancent l’alerte sur un «tsunami» de réfugiés en Sicile.

    Selon la presse italienne, les services secrets italiens ont lancé l’alarme sur le prochain arrivage de 250.000 à 500.000 réfugiés en provenance de la Libye au cours des deux à trois prochains mois.

    « Ceux qui consacrent une attention professionnelle aux flux migratoires en provenance de la Libye estiment que l’Italie a deux mois, trois au maximum, avant que s’abatte sur nos côtes méridionales un «tsunami» de déshérités : 250.000 selon les optimistes, 500.000 pour ceux qui pensent que le «bassin» est plus ample », prévient le «Corriere della Sera».

    http://www.lesechos.fr/monde/europe/0219576122-ca-se-passe-en-europe-les-services-secrets-italiens-lancent-lalerte-sur-un-tsunami-de-refugies-en-sicile-1111837.php

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