La faillite du système éducatif étasunien

Bien sûr, ce n’est pas sa conclusion, même s’il en reconnaît de nombreuses limites dans un dossier récent, mais The Economist ne cesse de donner des informations sur les profonds dysfonctionnements des universités étasuniennes, démontrant la véritable faillite de leur modèle.

Coûts astronomiques pour système aristocratique

Quand on parle de faillite du modèle des universités étasuniennes, il ne s’agit pas de faillite des universités. En 35 ans, elles ont réussi à multiplier leur prix par 3, leurs campus étant devenus les temples dorés de nos temps modernes : il en coûte en moyenne 31 000 dollars sur 4 ans dans le privé (contre un peu moins de 10 000 dollars pour les universités publiques). Et encore, il s’agit d’une moyenne puisque cette somme peut représenter le montant annuel dans les plus prestigieuses ! Et si cette somme se retrouve plus dans le personnel administratif : on est passé de 2 professeurs pour 1 administratif en 1976 à la parité aujourd’hui,  comme l’a montré The Economist il y a deux ans.

Cette envolée des coûts a une conséquence déjà pointée par Paul Krugman dans son livre « L’Amérique que nous voulons », publié en 2008, que The Economist est bien contraint de reconnaître, et critique même. Aujourd’hui, un mauvais élève dont la famille fait partie des 25% les plus riches a autant de chances (30%) d’être diplômé de l’université qu’un bon élève issu d’une famille faisant partie des 25% les moins riches. Un élève moyen du premier quart a 50% d’être diplômé contre moins de 10% pour un élève moyen du dernier quart. Près de 80% des enfants du premier quart sont diplômés, contre 40% il y a 50 ans, alors le taux de diplômes du dernier quart reste sous les 10%. Et encore, les statistiques de The Economist sont par quartile. Par décile, elles seraient sans doute encore plus frappantes.

Un système totalement dysfonctionnel

Même The Economist reconnaît que « si le système universitaire étasunien est bon pour produire de l’excellence, il doit devenir meilleur pour donner accès à une bonne éducation à un coût raisonnable (…) Pour toutes ses vertus, il est cher et inéquitable ». Il souligne qu’il « doit donner une chance aux jeunes les plus intelligents de rejoindre les meilleurs universités quelles que soient leurs revenus ». La caractéristique du système étasunien est qu’aujourd’hui, deux tiers des dépenses viennent du privé (1,8% du PIB contre 0,9% pour le public, soit un total de 2,7% du PIB), quand la plupart des pays européens consacrent plutôt entre 1 et 1,5% de leur PIB pour l’éducation supérieure, dont au moins les trois quarts par de la dépense publique, soit 10 fois moins d’argent venu du privé !

Même si l’éducation privée ne doit pas rejetée, car, quand elle s’opère sous le contrôle de l’Etat pour en assurer la conformité républicaine, elle donne une liberté sans doute bienvenue, c’est le modèle étasunien d’enseignement supérieur, complètement libéralisé, qui pose problème. Où l’on voit que la « main invisible » peut provoquer de nombreux effets pervers, qu’elle peut pousser à des dépenses somptuaires et injustifiées et finir par ne pas promouvoir le mérite, mais tuer le rêve étasunien en dressant un mur d’argent de plus en plus haut et infranchissable entre les marches de l’ascenseur social. A l’exception bien sûr de quelques individus exceptionnels qui permettent de démentir, par l’anecdote et les exceptions, la cruelle réalité d’un pays où la mobilité sociale est bien plus faible qu’en Europe.

Bien sûr, il est naturel que les plus riches fassent tout pour assurer le futur de leur progéniture, mais outre le sujet des inégalités excessives, aujourd’hui, ce système finit par ne plus promouvoir le mérite, envoyant un mauvais message à tous, les enfants des familles aisées n’ayant plus vraiment à travailler et les enfants travailleurs des familles modestes ne pouvant presque pas accéder à l’université.