Billet invité de Marc Rameaux, qui vient de publier « Portrait de l’homme moderne », suite de la 1ère partie et de la
2ème partie
1 L’usurpation politique
Les souverainistes d’aujourd’hui
sont bien davantage les dignes descendants de Voltaire, de Montesquieu, de
David Hume et de John Locke que ne le sont les néo-libéraux. Avant tout parce
qu’ils sont attachés à leur indépendance et leur liberté de parole, préalables
aux libertés économiques et non le contraire.
Les néo-libéraux s’approprient
une lignée dont ils ne sont pas dignes, parce qu’ils n’ont plus aucun recul
critique sur leurs propres agissements. Un Nigel Farage illustre bien de quel
côté la défense de l’indépendance et de la liberté de ton sont passées : Farage
est issu de cette pure tradition anglaise défendant farouchement son
indépendance née avec John Locke et Hutcheson, incarnée pendant la guerre par
un Churchill, retrouvée dans ce mélange d’humour et de ténacité que l’on
apprécie chez nos voisins d’outre-manche.
Les néo-libéraux quant à eux ne
font plus qu’ânonner les mots de « liberté individuelle » de
façon mécanique comme un mantra, en en étant totalement dépourvus. Ils ne se
reposent plus sur l’indépendance pugnace des créateurs de valeur, mais sur des
monstres bureaucratiques tels que la commission de Bruxelles. Celle-ci réussit
l’exploit d’additionner la bêtise écervelée de la dérégulation générale des
marchés avec la lourdeur bureaucratique d’une institution stalinienne, en un
mot de réunir ce que les deux camps politiques de la droite et de la gauche ont
produit de pire en une seule institution.
Face à eux, les souverainistes ont
la bravoure, l’impertinence, la volonté de véritables mousquetaires, celle de
ceux qui ont été de tous temps les forces vives d’une nation, qui ont bâti et
construit les entreprises et les institutions qui la rendaient forte.
L’économie néo-libérale se
veut « avancée », prétend incarner la modernité et l’ouverture
d’esprit. Elle ressemble en réalité de plus en plus à l’archaïque économie de
rente du XIXème siècle : le néo-libéralisme, est le règne des rentiers
financiers, non des libres entrepreneurs. Cela vient en conséquence logique du
modèle de « concurrence pure et parfaite ». Comme expliqué
précédemment, un modèle de concurrence totale est destructeur de valeur :
il ne valorise plus l’initiative individuelle, mais la capacité à copier et à
trouver des versions dégradées à bas prix de l’invention initiale d’hommes
meilleurs que soi. Un tel modèle économique ne fait pas émerger de libres
entrepreneurs mais des faussaires, tricheurs, manœuvriers aux médiocres
desseins, c’est-à-dire le portrait type des dirigeants néo-libéraux actuels. Du
reste, il s’agit bien de l’image de la bourgeoisie rentière du XIXème siècle
peinte au vitriol par Balzac : oisive, hypocrite, occupée à de mesquins
intérêts personnels : la rente désapprend le véritable travail, et n’enseigne
plus que les jeux de louvoiement et de manœuvre politique. Le dirigeant
néo-libéral d’aujourd’hui n’a plus que deux compétences : la communication
médiatique et la finance. Il ne possède plus la compétence du cœur de métier de
l’entreprise qu’il dirige. Ainsi le règne de « l’excellence » a-t-il
fait émerger des dirigeants falots, lâches, acharnés en revanche à la défense
de leur petit pouvoir personnel.
Le système financier n’a plus
qu’un seul rôle, celui de dérober la valeur produite par les véritables
entrepreneurs pour la donner en rente à d’oisifs actionnaires qui ne sont plus
bons qu’à tenir des discours d’initiative et de prise de risque, sans mettre en
œuvre une seule seconde pour eux-mêmes de telles qualités : les
néo-libéraux sont des professionnels de la défausse. Le néo-libéralisme est
l’art de médiocres manipulateurs envoyant au front des hommes bien meilleurs
qu’eux pour en récupérer le travail, et voir dans une telle fraude un esprit
d’indépendance et de liberté individuelle. D’où également la multiplication à
haut niveau de profils de « petite frappe », opportunistes, vulgaires
et sans envergure. La différence de qualité humaine est abyssale entre les
néo-libéraux et les pères fondateurs du libéralisme politique, de John Locke à
Karl Popper, hommes dignes et libres.
Les souverainistes sont à ce
titre les véritables héritiers du libéralisme politique, par leur sens
véritable de l’indépendance qui n’est pas confondu avec l’intérêt personnel,
par leur impertinence, leur courage, leur force généreuse qui ne se réfugie
derrière aucune défausse. Il y a bien plus d’accents Lockiens dans un De Gaulle
que dans les médiocres petits agités qui se réclament du libéralisme. Certains
ont cru intelligent d’opposer l’attachement à la nation avec l’ouverture aux
autres. Mais les truculents et généreux mousquetaires de Dumas sont d’autant
plus ouverts aux autres qu’ils sont fiers et à l’aise dans leur propre culture.
Toute ouverture aux autres
commence par le respect de soi-même, par le fait d’aimer soi-même, son
itinéraire propre et la lignée dont on est issu. « Un peu
d’internationalisme éloigne de la patrie, beaucoup y ramène » disait
Jaurès. Les hommes véritablement ouverts sur le monde et ouverts aux autres
sont ceux qui puisent leur force dans leur nation et leur lignée
historique : ils inviteront d’autant mieux à leur table les autres
cultures et les autres nations. L’on ne fait pas une société ouverte par un
brouillis impersonnel de petits hommes mus par leur seul intérêt égoïste. L’on
fait une société ouverte par des hommes forts libres et indépendants chacun
dans leur identité, afin de mieux saluer la force et l’indépendance de ceux qui
ont une identité autre.
Voir le libéralisme politique du XIXe siècle comme le fondement du souverainisme et non du néolibéralisme est tout de même un peu paradoxal. Les néolibéraux trouveraient facilement des arguments pour répliquer. Les fondements destructeurs et liberticide du néolibéralisme sont perceptibles dès le libéralisme des XVIIIe et XIXe siècle.
RépondreSupprimerGuadet
Je ne vais pas jusqu'à dire que le libéralisme politique est le fondement du souverainisme d'aujourd'hui, mais seulement qu'entre les souverainistes et les néo-libéraux d'aujourd'hui, les premiers sont bien plus fidèles à l'esprit d'indépendance et de lutte contre l'arbitraire que les seconds. J'y vois donc seulement une ressemblance sur des thèmes importants, mais pas une filiation directe.
RépondreSupprimerJe fais référence au libéralisme politique du XVIIIème siècle, non celui du XIXème siècle qui avec l'essor de la révolution industrielle a abouti à des abus préfigurant le néo-libéralisme de maintenant, inspirant les oeuvres d'un Hugo ou un Dickens. Le siècle d'écart est important, et nous ne parlons déjà plus du même type d'hommes.
Vous soulignez avec raison que les abus commencent dès cette époque, non de maintenant, c'est pourquoi je démythifie le modernisme revendiqué du néo-libéralisme, pour montrer qu'il ressemble comme deux gouttes d'eau à la brutale économie de rente du XIXème siècle, avec simplement des moyens différents.
Les souverainistes de nos jours défendent l'esprit d'indépendance, le refus de l'arbitraire et la capacité à se remettre en question bien plus que ne le font les néo-libéraux. Mon analogie n'a pas pour but de trouver une filiation philosophique complète, mais seulement de montrer que la liberté a changé de camp.
Marc Rameaux