jeudi 11 juin 2015

Les éleveurs de porc dévorés par le dieu marché

C’est une triste mais récurrente information depuis que le démantèlement d’un des principes fondateurs de la PAC : les éleveurs de porc manifestent pour protester contre l’effondrement du prix du porc sous leur prix de revient. Un nouvel exemple des ravages de la libéralisation de l’agriculture.



Le sacrifice d’une profession

Après les producteurs de lait, ceux de fruits et légumes, et déjà les éleveurs, c’est à nouveau le tour des éleveurs de porc de subir les aléas du marché. Alors que produire un kilo de porc leur revient environ 1,50 euro, le prix sur le marché est tombé à 1,23 euro, creusant des pertes abyssales à l’échelle d’exploitations à l’équilibre précaire, et autant de destins individuels et familiaux brisés. Plusieurs raisons : la concurrence de l’Allemagne, et sa main d’œuvre d’Europe de l’Est payée au lance-pierre, et la fermeture du marché russe du fait des conflits récents. Ou quand le suivisme atlantiste et la dérégulation sans limite jettent des personnes qui travaillent dur et honnêtement dans la misère…

Avec l’abandon des prix de soutien, cette belle profession a été abandonnée à la concurrence ‘libre et non faussée’, qui produit des prix extrêmement instables et parfois inférieurs au coût de revient. C’est ainsi que d’une année sur l’autre, leurs revenus peuvent baisser de 40%, sous le SMIC… Comment ne pas se révolter devant la brutalité du traitement infligé aux agriculteurs ? En fonction des aléas du marché, ils peuvent voir leurs revenus passer à tout moment sous leurs charges. « On est tous en train de crever dans les fermes et vous vous en foutez » a dit un agriculteur au ministre. Faut-il y voir la destination que souhaiteraient faire prendre les néolibéraux à l’ensemble de la société ?

L’impuissance organisée

Dans un bon papier, Marianne a fait un parallèle saisissant entre le comportement de Stéphane le Foll et celui de Lionel Jospin il y a quinze ans. Il faut dire que le ministre de l’agriculture a eu le culot de demander aux agriculteurs de lui proposer des solutions et de dire « c’est moi le ministre, mais moi je ne peux pas tout régler hein, un ministre n’est pas là pour décider tout ce qui se fait dans le monde ». Comment ne pas y voir la version moderne de « l’Etat ne peut pas tout » du premier ministre socialiste qui pensait que l’Etat ne pouvait pas agir face aux destructions d’emplois des grandes entreprises, réplique du « contre le chômage, on a tout essayé » de François Mitterrand. Belle continuité !

En fait, ce que montre les socialistes de la sorte, ce n’est pas tellement qu’ils ne peuvent rien faire. Après tout, la Chine ou le Japon maintiennent un marché agricole extrêmement protégé. Les producteurs de riz locaux ne risquent pas de voir les prix passer sous leur prix de revient. En réalité, c’est qu’ils ont construit un système qui aboutit à ces horreurs et où, théoriquement, ils n’ont pas le droit d’agir. Pourtant, il y a quelques années, la PAC comportait des prix de soutien, qui protégeait des excès des marchés (même si elle pouvait présenter certains disfonctionnements). Si Stéphane Le Foll ne peut pas tout régler ici, c’est parce qu’il a soutenu des décisions qui lui ont retiré le pouvoir de le faire.

Le triste sort que nous réservons aux agriculteurs, abandonnés à la loi la plus dure du marché, est une honte. Parce qu’ils nous nourrissent et entretiennent notre pays, le plus souvent durement, ils devraient mériter plus qu’une simple protection, mais une vraie reconnaissance de toute la nation.

5 commentaires:

  1. Ce ne sont pas des paysans ,mais des industriels qui maltraitent les animaux ...Qu'on protège nos paysans d'abord !

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    1. on peut arrêter de faire la guerre des Français contre d'autre Français ?

      merci.

      Notre ennemi commun, c'est déjà la finance folle et donc la dérégulation.

      Ensuite améliorer les conditions. Mais pas combattre les uns au prétextes qu'ils sont pas des anges, ou qu'ils ont un grain de blé en plus.

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  2. @poussantg : bravo pour votre commentaire : incontestablement le plus stupide jamais écrit sur ce blog.

    @L. Herblay : vous oubliez les effets dramatiques de l'interdiction d'exporter le porc chez nos amis russes (et ça, c'est pas de la faute du marché).... A ajouter à ça, la réglementation ahurissante qui change en permanence et les limites à l'agrandissement des élevages qui pourraient permettre la baisse des coûts de production. Certes, le marché n'aide pas toujours mais les nombreuses entraves au marché imposées par l'état ont une grande part de responsabilité dans le désastre actuel.

    P.O

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    1. la stupidité consiste à résumer, comme vous le faites, l'avenir de l'élevage à de l'industrie lourde et celui des paysans russes à celui de clients de notre surproduction, à l'image des africains.
      Quel belle perspective en effet qu'un pays entier au puant relent de purin de cochon et d'algues en décomposition au bénéfice des marchands de polluants ? Une sorte de super-Bretagne ...

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    2. @ P.O.

      Des contraintes, il en faut. Les contraintes sont normales. Cessez avec cette vision "ultra-libérale" d'exagérer le poids des normes, et de prétendre que les normes changent trop souvent.

      Le marché doit être régulé. La finance folle est le seul problème que nous ayons.

      Avec ces idées stupides comme celles de vouloir baisser les coups... même quand ce n'est pas possible. Notamment.

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