vendredi 10 juillet 2015

Ce que la crise Grecque révèle de l’Union Européenne




Une construction totalement dysfonctionnelle

Difficile de ne pas arriver à la conclusion que le machin européen ne marche pas. Que cet ensemble d’un demi-milliard de personnes consacre une telle énergie et un tel temps depuis plus de cinq ans à essayer de régler la crise d’un de ces 28 membres, qui pèse 2% du total, sans y arriver, au point d’arriver à un troisième défaut, ne peut qu’indiquer qu’il y a un vice de forme profond dans cette construction. L’UE est la partie du monde qui a la croissance la plus faible depuis la crise financière, Cette construction originale et artificielle ne produit pas un cadre favorable au développement et le contraste avec la santé des membres de l’UE hors zone euro démontre le rôle néfaste de la monnaie unique.

L’UE repose sur deux principes clés : une intégration continue, et une croyance religieuse dans les vertus du laisser-passer et du laisser-faire. Mais ces principes expliquent la crise que traverse notre continent. La logique d’intégration a poussé au choix politique, et non économique, de construire une monnaie unique, alors que bien des économistes, dont de nombreux « prix Nobel », avaient prévenu qu’elle ne fonctionnerait pas. En retirant aux pays la possibilité d’avoir une monnaie adaptée à leur économie, les germes de la crise de la zone euro étaient semés. Il n’était quand même pas difficile de comprendre qu’Athènes et Berlin étaient trop différents pour partager une même monnaie.

L’addition d’une monnaie unique avec le laisser-passer pousse aujourd’hui à une course suicidaire à la compétitivité, totalement dérisoire sachant qu’il existe des pays, au sein même de l’UE, dont le salaire minimum tourne autour de 100 euros. L’Allemagne est parvenue à s’en sortir, en cumulant spécialisation réussie, protection du marché intérieure, et utilisation de sous-traitants orientaux, mais son exemple n’est pas réplicable et tient à son asymétrie. En outre, alors qu’une des clés du développement des pays d’Asie est la protection de leurs marchés, l’UE est la grande zone économique qui a le paradoxe de cumuler les prix du travail les plus élevés et la protection la plus faible.

Une construction désunie, autoritaire et inhumaine

La désunion de l’Union Européenne n’est pas une nouveauté, mais ici, elle a atteint un nouveau sommet avec les menaces d’expulsion de la Grèce de la zone euro, dont on a déjà eu un aperçu avec l’expulsion d’Athènes de l’Eurogroup fin juin après l’annonce par Alexis Tsipras du référendum. Mais la désunion règne également parmi les créditeurs avec Paris, qui ne parvient pas à faire son deuil de l’euro, quand beaucoup de pays penche franchement vers la ligne austéritaire de Berlin, qui semble prêt à expulser un pays. On disait que l’UE, c’était la paix et l’union. Les crises des cinq dernières années ont abouti à un esclavagisme des pays mis en difficulté par l’euro par ceux qui en ont profité.

Ensuite, et c’est moins une surprise, tant les évènements des dernières années le démontrent depuis assez longtemps : l’Union Européenne est une organisation qui a un problème avec la démocratie, et au caractère très antisocial. Les réactions des eurocrates à l’annonce d’un référendum font honte à tout démocrate qui se respecte, aussi europhile soit-il, comme l’ont indiqué Hervé Nathan ou Romaric Godin. Une organisation qui se veut démocratique ne devrait pas craindre le suffrage populaire, mais le souhaiter. De plus, les sondages indiquaient sur les Grecs préfèreraient rester dans la zone euro. Quelques concessions minimes semblaient pouvoir pousser la population à voter pour le plan…

Mais ce qui ressort aussi de ces cinq mois, c’est le caractère profondément inhumain d’une construction, qui demande des excédents budgétaires primaires de près de 4% du PIB, le moyen de renvoyer le pays dans la dépression. Et alors que la population a perdu environ 30% de son pouvoir d’achat depuis le début de la crise, quelle inhumanité de demander une augmentation de la TVA sur les produits alimentaires de 6 à 13% quand on demande en plus de limiter le plus possible les efforts des entreprises bénéficiaires ! Et on peut penser que le caractère humiliant du traitement de la Grèce par ses créanciers a également un caractère inhumain en renvoyant les Grecs au statut de serfs…

La crise Grecque agit comme un révélateur pour ceux qui doutaient encore des logiques du projet européen. Fondamentalement autoritaire, antisocial, dysfonctionnel et ne suscitant en aucun cas l’unité, mais bien la discorde, l’UE finira tôt ou tard dans les poubelles de l’histoire, pour le bien de l’Europe. 

20 commentaires:

  1. Bon, ça y est, il semble que Tsipras capitule en rase campagne.

    RépondreSupprimer
  2. Un peu décalé votre billet du jour alors que Tsipras semble capituler. Il lui manque décidément un peu de hauteur pour être un de Gaulle. Il va plutôt finir comme Hollande qui a fini par accepter l'accord Merkozy en échange d'un improbable "pacte de croissance". Là, ce sera une promesse de restructurer la dette aux calendes grecques.

    RépondreSupprimer
  3. Finalement, ce que les grecques vont retenir, c'est qu'avec Samaras, ils auraient gagné 6mois...

    RépondreSupprimer
  4. Bonjour à tous

    il y avait, on le voit maintenant, une incompatibilité à garder l'euro et à continuer le bras de fer avec les créanciers. D'après ce que je lis les retraités grecs seront les principales victimes et leurs agriculteurs qui n'auront plus leur carburant détaxé.
    Et rien pour faire payer l'église orthodoxe et les plus fortunés.

    RépondreSupprimer
  5. Ou bien Tsipras joue au poker menteur et veut démontrer que quoi qu'elle fasse la Grèce n'obtiendra pas de réduction de sa dette :

    http://www.boursorama.com/actualites/grece-schauble-douche-les-espoirs-de-restructuration-0d20764598ceb430f3f68450fdd77aea

    ou bien il prépare la voir à Aube dorée.

    Ivan

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Les réponses des fanatiques eurocrates aux appels de Tsipras ont été d'une constance de métronome : non, non et non. Non.

      Y'a rien à doucher ; si ? Tsipras serait-il pire que rêveur ?

      Les eurocrates n'ont pas le choix... s'ils ne font pas céder la Grèce, plus aucun pays n'aura peur d'eux.
      Plus aucun pays ne se soumettra à l 'austérité !

      Pour les eurocrates, il n'y a jamais d'alternative.
      C'est toujours en avant, toujours droit devant.

      Les ayatollahs de l'austérité ont déjà fait leur choix... un grexit est avantageux pour eux. Surtout s'ils parviennent à bien saboter les efforts grecs pour bien dégoûter les peuples tentés d'envoyer paître les "ultra-libéraux".
      Un grexit bien douloureux et bien misérable sera le parfait contre-exemple à mettre dans la gueule des peuples.

      Au final, ce sont les eurocrates qui n'ont rien à perdre s'ils ne cèdent pas. Et qui n'hésitent pas à employer toutes les armes, et ne reculent devant aucune perfidie.

      Supprimer
  6. Effectivement le rasoir de Tsipras comprend deux lames aussi aiguisées l'une que l'autre : la première semble vouloir couper dans les régimes sociaux, mais la deuxième cherche à couper... dans la dette.
    Ceux qui crient "vous voyez comme il finit par s'étaler lui aussi, referendum ou pas" vont déchanter dans quelques jours.
    Le pire, c'est que Tsipras a déjà fait le coup au moins une fois. Mais il n'est pire aveugle ou imbécile etc.
    Ah comme c'est compliqué à comprendre, un type qui fait vraiment (voire exclusivement) de la politique...
    Le billet de Laurent n'est pas décalé, il est en avance, bien au contraire.
    Francis.

    RépondreSupprimer
  7. Un Grexit en mode catastrophe aurait plombé les élections et Podemos en Espagne. Tsipras joue la carte des alliances avec d'autres partis émergents en Europe. Il a montré qu'un petit pays peut poser des difficultés et fissurer l'unanimité apparente des institutions et pays poids lourds de l'Europe.

    Si l'Espagne, bien plus grosse, fait de la résistance à son tour, ça va être une autre paire de manches.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. La résistance ne sert à rien, si y'a bien une chose que Tsipras a prouvé c'est que la résistance ne sert à rien.

      Il faut un gouvernement qui veut sortir de l'eurozone, et qui s'y prépare. Et qui sache que les ayatollahs de l'austérité ne lui épargneront aucun coup bas.

      Supprimer
  8. Alors, Lolo, t'as compris maintenant ? Ce n'est pas avec la gauche que tu sortiras de l'euro. Et que se passera-t-il si on ne sort pas ? Donc le "gaulliste" que tu dis être devrait soit en tirer les conséquences, soit arrêter d'usurper cette qualité.

    RépondreSupprimer
  9. "L'autre raison, c'est que dans le cadre du plan de sauvetage de 2012, la réserve du fonds de retraite a été siphonnée"

    Il était arrivé la même chose en France. La retraite par capitalisation cela finit toujours comme cela.

    http://tempsreel.nouvelobs.com/la-crise-grecque/20150709.OBS2395/nous-sommes-le-premier-gouvernement-a-pouvoir-reformer-l-etat.html

    Ivan

    RépondreSupprimer
  10. Un document de 13 pages qui soulage Bruxelles. "Les propositions sont suffisamment détaillées, rien de bien étonnant puisque le texte grec reprend quasiment mot pour mot la plupart des demandes des créanciers", rapporte Julien Duperray en direct d'Athènes. Pas encore l'unanimité La Grèce n'a pour l'heure pas encore sauvé sa place dans l'euro. "Le texte est toujours à l'étude. Les calculettes sont sorties pour chiffrer le montant du nouveau plan d'aide. La question de la réduction de la dette est sur la table, mais il n'y a toujours pas unanimité en Europe sur le sujet"

    https://fr.news.yahoo.com/gr%C3%A8ce-bruxelles-%C3%A9tudie-propositions-dalexis-tsipras-144457469.html

    Apparemment certains membres de Syrisa vont voter contre la « Capitulation – Trahison » de Tsipras. Je cite le lien ci-dessous : » Cinq membres de l'aile gauche de Syriza, dont trois députés, ont appelé le gouvernement à "rejeter le chantage des institutions", dans une lettre publiée vendredi.Ce texte, signé notamment par les députés Kostas Lapavitsas et Thanassis Petrakos -ce dernier est l'un chefs du groupe parlementaire Syriza- estime que si "l'accord ne contient pas de programme pour arrêter la rigueur, pour remettre en route la liquidité et assurer un effacement réel de la dette, le gouvernement doit être prêt à suivre un chemin alternatif remettant en question l'appartenance de notre pays à la zone euro".

    https://fr.news.yahoo.com/gr%C3%A8ce-premi%C3%A8res-passes-darmes-d%C3%A9put%C3%A9s-proposition-daccord-cr%C3%A9anciers-151107201--finance.html

    Je suis certain qu’un jour leur point de vue prévaudra, mais malheureusement ces gens-là ne se trouvaient pas au sommet de l’Etat Grec. Pour l’instant je suis dans l’attente de savoir si les allemands et quelques autres pays de la zone euro ne vont pas demander à Tsipras de surenchérir dans la capitulation et le forcer, en quelque sorte, à boire le calice jusqu’à la lie.

    Saul

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Des hauts fonctionnaires français (missionnés bien évidemment par l’’Etat français) ont aidé les grecs à rédiger leur texte de capitulation :

      https://fr.news.yahoo.com/france-discr%C3%A8tement-aid%C3%A9-gr%C3%A8ce-%C3%A0-r%C3%A9diger-propositions-161604584.html

      OK les allemands vont devoir se prononcer sur des propositions gréco-françaises. On aura tout vu décidément.

      Saul

      Supprimer
  11. N'y allons pas par quatre chemins, le machin doit finir. Le résultat est là, devant nous, et il est éloquent. Cet échec signe l'échec de la technocratie et remet à sa juste place la parole techno face à la souveraineté populaire et ses justes aspirations portant bien au-delà de cette économie casino qui sème le malheur et la misère depuis plus de 20 ans. Ce sont trois générations politiques qui, sous leur yeux, voient partir en fumée leurs spéculations irrationnelles, lesquelles n'ont pas manquées de nous être adressées avec un mépris d'airain depuis 40 ans. Les deux pieds dans la catastrophe totale, la leur, ils continueront à mon sens de valider cette zone a-démocatique et de néant économique qu'est l'UE. On en est là !

    RépondreSupprimer
  12. @ Raphaël, Moi & Ivan

    C’est la première impression, comme je l’ai écrit sur Twitter, mais le recul et les papiers de Sapir, Godin et Delaume amènent à nuancer ce jugement. Mon point de vue demain.

    @ André

    C’est ce que note Sapir

    @ Abd_Salam

    Très juste. Mais Tsipras pourrait préférer que ce soit eux qui disent non

    @ Francis

    Merci. Mon papier de demain répondra à ces annonces

    @ Anonyme 15h30

    Très juste

    @ Saul

    Merci pour ces précisions

    RépondreSupprimer
  13. Les rebondissements de la crise sont difficiles à comprendre si on voit l'UE comme un acteur autonome. Or, l'UE n'est qu'un instrument de l'hégémonie américaine. Les évènements se déroulent selon ce que Washington et Wall Street jugent bon pour la défense de leurs intérêts, et aussi selon l'emprise qu'ils ont sur la réalité.

    RépondreSupprimer
  14. Si rien n'est complètement sûr, il semble que Tsipras a un objectif : alléger le poids de la dette et c'est bien pour l'obtenir qu'il va imposer des sacrifices aux Grecs. Le référendum était probablement destiné à faire monter la pression sur l'UE en s'appuyant sur le peuple.

    Concernant sa stratégie, je voudrais revenir sur un point essentiel dans la stratégie de Tsipras, qui constitue une erreur majeure. Je m'explique : si on se fie à ce qu'on peut lire ici ou là, Tsipras a toujours déclaré qu'il ne voulait pas que la Grèce abandonne l'euro, donnant ainsi un avantage décisif à l'UE et à ses institutions. Or, comment, dans ce cas, peut-on gagner si nos adversaires ont vu nos cartes et connaissent nos limites ? La réponse est : jamais. CQFD.

    DemOs

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je trouve son dernier discours à l'assemblée assez pitoyable. Voila que lui aussi ne compte que sur une confiance hypothétique des investisseurs grâce aux "efforts" consentis par les plus faibles....
      Vu que l'UE semble faire un bon accueil à ses dernières propositions, les grecs sont repartis pour plusieurs mois d'appauvrissement au minimum, avant le prochain coup de pression de la troika. C'est désespérant....

      Supprimer
    2. «En tout cas, si la gauche critique européenne, et surtout française, avait deux sous de pertinence, elle prendrait d’abord la mesure de l’abyssale erreur qui aura consisté à rêver pouvoir changer les institutions européennes de l’intérieur. Et puis elle en tirerait quelques leçons élémentaires.

      Premièrement, ces institutions ne laissent que le choix d’être souffertes, ou détruites, ou quittées – et rien d’autre.»

      Supprimer
  15. J'ai l'impression que les retraités grecs ont été pris en otage par l'Eurozone dans son bras de fer avec Tsipras.

    https://fr.news.yahoo.com/photos/d%C3%A9tresse-retrait%C3%A9s-grecs-slideshow-132500191/d%C3%A9tresse-retrait%C3%A9s-grecs-retrouvez-photos-photo-140224917.html

    C'est suffisamment grave pour justifier un retrait tactique, mais pas pour une capitulation en rase campagne.

    Ivan

    RépondreSupprimer