La possible
sortie de la Grèce de l’euro provoque une sorte de court-circuit chez les eurobéats :
l’euro ne devait-il pas apporter prospérité et être irréversible ?
Certains, notamment
parmi les ex-UMP, se tournent vers l’austéritarisme allemand en s’en prenant de
manière dérisoire et contradictoire à la Grèce. D’autres, comme
Piketty, se raccrochent encore au serpent
de mer d’une Europe plus sociale.
Des
causes, des conséquences et des rêves
Si Piketty a
fait un immense travail sur
les inégalités ou la
fiscalité et qu’une
grande partie de son constat sur la Grèce est juste, il fait complètement fausse
route sur
les solutions. Face à un Arnaud Leparmentier qui
a ressorti tous les clichés les plus ridicules pour défendre la ligne
eur-austéritaire (les
retraités Allemands ou les pauvres Slovaques qui paieraient pour des Grecs
ingrats et archaïques), et qui a même osé dire que l’excédent primaire
était le signe du succès des plans, Piketty a dénoncé les excès d’austérité (s’appuyant
sur le FMI, qui a reconnu une erreur d’évaluation de l’effet depressif de
l’austérité), et les demandes d’un excédent primaire de 4% en 2018. Il a
aussi relativisé la restructuration de la dette Grecque en notant que ce qui a
été perdu avec la perte de croissance est bien plus important.
Ensuite, il
a dénoncé « les
conservateurs, en particulier en Allemagne, (qui) sont sur le point de détruire
l’Europe » et juge « ceux
qui veulent chasser la Grèce de l’eurozone aujourd’hui finiront dans les
poubelles de l’histoire ». Un jugement un peu lapidaire pour
qui connaît les positions de Krugman ou Stiglitz. En fait, pour Piketty, si
l’euro ne marche pas, ce serait la faute de la droite allemande et il suffirait
de la mettre en minorité dans
un parlement commun qui déciderait des déficits. Mais ceci est totalement
illusoire. D’abord, il faut noter que la gauche allemande (par
la voix de Sigmar Gabriel), n’est pas moins dure que la droite, et qu’Angela
Merkel avait bien précisé que les euro-obligations ne se feraient pas de son
vivant. Bref, on est dans de la pensée magique, une solution qui n’en est
pas une.
Mais qui
sont les apprentis sorciers ?
Car comme
le démontre remarquablement Frédéric Lordon dans « Le crépuscule d’une époque », un papier de référence, le problème
vient de cette construction. Il note justement la contradiction fondatrice de
cette union monétaire : « le
droit des Allemands de ne pas vouloir voir enfreintes les règles auxquelles ils
tiennent par-dessus tout est finalement aussi légitime que celui des Grecs à ne
pas être précipités aux tréfonds de la misère quand on les leur applique ».
Il faut quand même se souvenir qu’avant l’euro, les pays se relançaient par des
dévaluations, qui se décidaient en quelques jours et qui provoquaient en
général une reprise rapide, épargnant à l’Europe ces discussions sans fin,
inefficaces et où les peuples se dressent les uns contre les autres, comme
l’a bien noté Jean-Pierre Chevènement.
Devant le
produit monstrueux de cette œuvre, qu’ils persistent à défendre, les euro béats
en sont réduit à rejeter la faute, soit sur des Grecs feignants ou des
Allemands égoïstes. Mais comme
le dit bien Frédéric Lordon, tôt ou tard, les poubelles de l’histoire ne
seront pas pour ceux qui souhaitent le démontage de l’euro, mais pour tous ceux
qui ont soutenu ce Titanic économique jusqu’au bout.
Sur le plan général, je suis d'accord avec vous mais il faut bien reconnaître qu'il n'y a pas qu'une seule question ici : grexit ou non. La manière dont la chose va se passer compte tout autant. Si le Grexit se passe sous forme d'une exclusion téléguidée par l'Allemagne (ce qui est probable) les conséquences géopolitiques notamment risquent d'être très graves et pas nécessairement compensées par les effets bénéfiques à moyens termes. C'est dans ce cadre que l'intervention de Piketty a malgré tout (et je partage vos critiques sur ses illusions) du sens. En d'autres termes, n'oublions pas qu'un Grexit punitif sera quand même une mauvaise chose...
RépondreSupprimerEmmanuel B
Un Grexit "punitif", donc imposé à la Grèce, ne peut être dramatique que si l'U.E. continue à employer des mesures punitives contre la Grèce...
SupprimerComme le blocage de Target2 ; restriction sur ELA ; et autres mesures punitives qui sont déjà à l'oeuvre.
Encore et toujours le même aveuglement, on impose un enfer à la Grèce en disant qu'elle risque l'enfer si elle quitte la zone euro... hum hum !
Quelqu'un m'explique ?
A noter : l'intéressante intervention d'Henri Guaino sur France Inter ce matin qui dévoile explicitement ce que l'on savait déjà (mais il est important que cela soit dit par un responsable politique et non déduit par un analyste aussi sagace soit-il) : c'est-à-dire que la politique vis-à-vis de la Grèce a bien été conçue comme une punition.
RépondreSupprimerDu reste, Guaino a aussi une positions somme toute passablement "pikettiennne"...
Je précise bien, pour qu'il n'y ait aucune ambiguité, que je suis entièrement pour un démontage de l'euro mais une position claire sur la question ne doit pas évacuer par principe les dilemmes que sa mise en application soulève.
Emmanuel B
Le problème c'est que Lordon passe complètement à côté de l'aspect géopolitique, il ne l'évoque pas un seul instant, c'est dire si il est aveugle.
RépondreSupprimerAveugle... Comme disait ma grand-mère vaut mieux entendre ça que d'être sourd...
SupprimerEmmanuel B
Vaut mieux sourd être qu'idiot, comme disait ma grand-mère.
SupprimerDans cette affaire, les zélateurs de l'euro-veau d'or sont aussi sourds, aveugles et idiots que les dirigeants et technos de l'UE sont cyniques, mesquins et incompétents. Concernant Lordon, son analyse est tout à fait pertinente. Il explique bien pourquoi l'UE va droit dans le mur et que "c’est une question de structures, capables ou non d’accommoder des forces politiques centrifuges au sein d’un ensemble mal construit, et menacé d’une perte complète de viabilité pour n’avoir pensé aucune régulation de la divergence." C'est ce qu'on peut appeler une aporie.
SupprimerDemOs
Il ne fallait pas entrer dans l'euro, et Chevènement (avec d'autres, comme Séguin) s'est battu contre le traité de Maastricht.
RépondreSupprimerMais la solution d'emprunter sans compter, puis de dévaluer pour rembourser, n'en est pas une, sauf de façon exceptionnelle.
Comme le dit Chevènement : "Il ne fallait pas monter dans l'avion de l'euro, il est pourri, il n'a pas de pilote, il va se crasher: mais la solution ne consiste pas à sauter par le hublot sans parachute, il faut tenter de s'emparer des commandes pour organiser un atterrissage en douceur", et celui-ci passe par la transformation de l'euro de monnaie unique en monnaie commune.Pour user d'une autre image : on ne peut pas faire rentrer la pâte dentifrice dans le tube.
En poussant un peu : nous vivons dans un système dans lequel toute l'économie européenne est organisée pour le bien des retraités riches allemands...Cela ne pourra pas durer éternellement, mais une évolution est préférable à une explosion non contrôlée.
Une monnaie commune nécessite aussi des règles communes. Le SME n'a pas fonctionné car c'était des discussions sans fin entre pays pour accorder des dévaluations à certains pays.
SupprimerCe sont les eurocrates qui persistent dans leurs erreurs... qui vont provoquer une explosion "non contrôlé".
SupprimerOn leur demande une refondation de l'euro ; ils refusent.
Un démontage concerté de l'euro ; ils refusent.
Ce que vous apellez "évolution" est une alternative à l'U.E. actuelle, et toute alternative est présentée comme stupide et dangereuse donc impossible.
Personne ne veut sauter sans parachute ! le problème étant que s'emparer des commandes est impossible.
Il faut être sacrément naïf pour espérer un atterrissage en douceur.
SupprimerCela dit, quand on regarde l'Histoire, on se rend compte qu'emprunter "presque sans compter" PUIS faire défaut est la norme.
(je dis pas que c'est ce qu'il faut faire, je dis que c'est la coutume)
http://www.les-crises.fr/etats-font-jamais-defaut/
arié,
Supprimerpourquoi nous reprocher à nous les conséquences des actions des eurocrates ?
Bon sang !
C'est toujours la même rengaine, c'est l'aveuglement des eurocrates qui va provoquer une catastrophe.
Et on nous sort des foutaises : mais attention hein, constater que toute discussion avec les eurocrates est impossible va provoquer une catastrophe que l'on peut schématiser par "sauter de l'avion sans parachute".
@ Emmanuel B
RépondreSupprimerEn effet, c’est une voie possible. Mais même punitive, je ne pense que cela changerait grand chose à la sortie de la Grèce
@ Abd_Salam
Nous sommes dans de la religion : tout rationnel est dissout
@ Anonyme 10h03
Lordon, qui passe à côté de l’aspect géopolitique ?
@ Elie Arié
Quand le pilote est fou, mieux vaut sauter de l’avion, d’autant plus que nous avons tous des parachutes.
@ Anonyme 13h36
Mais il y a plein de règles, qui ne semblent pas faire fonctionner l’euro…
Et le SME fonctionnait plutôt bien, la situation étant alors bien meilleure
Enfin voyons, Monsieur Herblay, quand un "ultra-libéral" dit :
Supprimer- Lordon passe à côté de l'aspect géopolitique ;
il faut lire :
- Lordon ne voit pas les choses comme moi.
"Et le SME fonctionnait plutôt bien, la situation étant alors bien meilleure "
RépondreSupprimerVous vous foutez de la gueule du monde ?
Le problème n'est pas d'avoir plein de règles, mais de bonnes règles.
Votre vision inexistante de ce qu'est le monde géopolitique actuel montre à quel point les souverainistes sont des abrutis complets.
Piketty a peut-être raison de dénoncer ceux qui veulent chasser la Grèce de l'Eurozone, car c'est aux grecs et à eux seuls d'en décider. L'option du Grexit doit rester une carte dans le jeu des grecs, pas dans celui de ceux qui veulent les opprimer.
RépondreSupprimerIvan
Personne ne peut chasser les Grecs de l'eurozone, aucun traité n'ouvre cette possibilité; mais la troïka peut cesser son aide, la BCE peut cesser d'alimenter les banques grecques en euros, etc : la Grèce se trouvera alors en défaut de liquidités, et elle sera bien forcée d'imprimer sa propre monnaie...dont on verra bien ce qu'elle vaudra !
SupprimerLa troïka peut cesser d'aider les créanciers de la Grèce.
SupprimerCe qui est un suicide pour les créanciers.
D'où les pressions méchamment très ferme contre la Grèce.
La BCE ne peut pas cesser d'alimenter les banques grecques en euros... conformément aux traités, sauf si la Grèce ne fait plus partie de la zone euro.
Bloquer le système de paiement international Target2 n'est possible que si la Grèce ne fait plus partie de la zone euro...
Ne plus alimenter les banques grecques en euro, et bloquer les système Target2 sont des exemples de méchantes pressions bien ferme contre la Grèce...
Ne plus alimenter les banques en euros et bloquer Target2 seraient les conséquences d'une rupture totale avec la Grèce, et d'une sortie de la Grèce de l'euro.
Verrouiller le système de paiement et les liquidités ne pourraient pas être effectués AVANT le "grexit"... ni pour exercer un chantage sur la Grèce, mais bon les traités on en fait ce qu'on veut.
Tu as raison sur un point arié, la Grèce serait forcé d'imprimer sa propre monnaie... c'est le but de la troïka semble-t-il.
Obtenir le grexit (un peu sans en avoir l'air) !
Mais ce rêveur de Tsipras qui ne riposte même pas ! aïe. Il veut rester dans l'euro : il veut la cause sans les conséquences.
La troïka souhaite voir la Grèce plier...
SupprimerOu un grexit le plus douloureux et le plus lamentable pour la Grèce...
Afin de donner un exemple horrible aux peuples qui seraient tentés de ne plus se soumettre aux eurocrates fanatiques.
@ Abd_Salam
SupprimerLa Troïka n'a rien à perdre en mettant la pression maximale sur Tsipras. Pourquoi cela ?
1. Elle sait que les Grecs ne pourront jamais rembourser toutes leurs dettes, mais qu'ils doivent se soumettre,
2. Elle sait également que, si elle cède, elle perdra plus que quelques milliards d'euros, mais également la face en trahissant ses engagements qu'elle paiera électoralement, n'est-ce pas Merkel ? et en donnant le mauvais exemple aux autres débiteurs,
3. Alors que si elle adopte une position dure, elle perdra toujours plusieurs milliards d'euros - à terme - mais elle aura affirmé son pouvoir en écrasant toute velléité de rébellion chez les sceptiques et en maintenant le cap dans l'attente de nouvelles mesures visant à renforcer l'unité politique (anti-démocratique).
Il n'empêche que la Troïka joue un jeu extrêmement dangereux en risquant d'allumer un feu qu'elle sera incapable d'éteindre.
Pour Tsipras, le choix est beaucoup plus difficile à faire pour un homme, qui sait que le prix à payer par les Grecs pour rester dans l'euro ou pour en sortir sera élevé. Le bras de fer engagé vise probablement à éviter cette issue douloureuse.
DemOs
@ Demos,
SupprimerNous sommes parfaitement d'accord.
Et pire que perdre la face, les fanatiques eurocrates perdront le pouvoir (et des centaines de milliards € de tous les côtés)...
Les autres nations de la zone euro demanderont eux aussi que l'on allège le fardeaux de l'austérité.
La troïka ne peut que foncer tout droit... soit la Grèce cède, soit on fait en sorte que le grexit soit dissuasif pour les autres membres de la zone euro.
@ Demos
SupprimerLa troïka n'est pas du tout unanime : le FMI est partisan de l'effacement d'une partie de la dette grecque, la plupart des Etats de l' UE y sont fortement opposés.
Du temps des changes flottants et même du SME, nous avions les inconvénients des dévaluations plus ou moins sauvages, comme celle de la lire en '93 qui a donné le coup de grâce à l'industrie française de la chaussure. On a voulu supprimer ces inconvénients en adoptant un système de changes absolument fixes, l'euro. Nous subissons donc les inconvénients d'un change fixe qui sont bien pires, puisqu'il entraîne la mort des économies les plus faibles.
RépondreSupprimer«Si les Allemands ont abandonné le mark, c'est qu'ils y trouvaient leur intérêt. L'euro les protège des dévaluations compétitives de l'Europe et l'austérité leur assure des importations bon marché, tout en gelant les capacités d'investissement dans les autres pays qui pourraient déboucher sur des innovations venant concurrencer les exportations allemandes. L'euro dans sa configuration actuelle est une bénédiction pour l'Allemagne.»
RépondreSupprimerRomaric Godin
http://www.latribune.fr/opinions/tribunes/20150206trib083bb894c/la-bien-triste-europe-de-monsieur-leparmentier.html
Le SME était une idée toute aussi idiote que l'Euro.
RépondreSupprimerSi une organisation internationale des monnaies doit être réalisée, l'idée du "Bancor" de Keynes semble plus naturelle et souple que l'instauration de stupides rigidités entre les monnaies. Même si on doit se limiter à un Bancor européen avec quelques pays intéressés.
Ca ressemblerait à la vision de l'Euro de Dupont Aignan, j'admets que c'est un des meilleurs points de son programme.
@ Abd_Salam
RépondreSupprimerBien vu sur les ultra-libéraux et les créanciers. Attendons la conclusion pour juger définitivement Tsipras
Merci pour la citation de Romaric Godin
@ Anonyme 20h35
Les pays européens allaient mieux avec le SME, quand les parités étaient régulièrement ajustées
@ Ivan
Sauf que Tsipras peut préférer être poussé dehors…
@ Elie Arié
Les choses sont plus compliquées, comme vous le notez : il suffit que la BCE coupe tout financement
Assez juste sur la sortie : les eurobéats préféreraient sans doute un carnage, pour que ce soit dissuasif
@ Démos
Bien vu
@ Jacques
Les dévaluations provoquaient bien moins de problèmes que l’euro ne le fait depuis 5 ans et demi…
@ TeoNeo
Pas faux, le SME était moins pire, mais largement insuffiant
Frédéric Lordon (6 avril 2015) :
Supprimer«qu’il n’y avait pas le moindre cynisme manœuvrier dans l’esprit de Tsipras qui, réellement, voulait, et voudrait encore, et le maintien dans l’euro et la fin de l’austérité – c’est-à-dire un cercle carré.»
Abd_Salam9 juillet 2015 23:10
Mais ce rêveur de Tsipras qui ne riposte même pas ! aïe. Il veut rester dans l'euro : il veut la cause sans les conséquences.
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
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