Billet invité de l’œil de Brutus
Ce qui ressemble à une
capitulation en rase campagne de Syriza devant l’eurocratie ne lasse pas
d’étonner. D’autant plus qu’après le référendum du 5 juillet 2015 lors duquel
le peuple grec lui avait apporté un très large soutien, Alexis Tsipras
paraissait en position de force.
Une hypothèse peut toutefois être
formulée autour du discours réalisé par Yanis Varoufakis à l’Eurogroupe le 18
juin dernier. Contrairement aux usages en vigueur mais en plein respect des
traités[i],
l’ancien ministre des finances grec a bien voulu en rendre le contenu public[ii].
Or, un passage est particulièrement éloquent :
« Même si certains, influencés par des rumeurs selon lesquelles un Grexit
ne serait pas si dramatique ou que cela pourrait même être bénéfique au reste
de la zone euro, se sont résignés à un tel évènement, c’est un évènement qui libérerait des forces destructrices que plus
personne ne pourrait contrôler ».
Ce n’est pas le choix qui fut fait.
Dans une espèce de naïveté pour le moins surprenante chez un adepte de la
théorie des jeux, M. Varoufakis fait le choix résolument inverse : il
marque un attachement irrévocable à l’euro. Dès lors, ses adversaires,
Allemagne en tête, ont le jeu facile de reprendre la balle au bond et le
menacer d’un Grexit pour lui imposer leurs propres conditions. On connaît la
suite[iii].
[i] Les traités
européens prévoient que les minutes des Conseil de l’Union (les réunions des
ministres des Etats membres) et du Conseil européen (les réunions des chefs
d’Etats et de gouvernements) soient rendus publiques. Or, en violation complète
des dits traités, ce n’est quasiment jamais le cas. Non contente de piétiner
allégrement la démocratie, l’eurocratie ne respecte même pas les traités
qu’elle impose aux peuples !
[ii] On peut le
retrouver ici : Les
propositions de la Grèce pour mettre un terme à la crise : mon intervention à
l’Euro-groupe, par Yanis Varoufakis, Yanis Varoufakis, Les Crises, 11-juil-15.
[iii] Pour un
plus ample développement, lire également cette excellent analyse de Jacques
Sapir : Capitulation, Jacques
Sapir, russeurope, 13-juil-15.
Pour être crédible, il eu fallu appliquer des mesures type contrôle de la circulation des capitaux, sortes de gesticulations comme font les militaires en cas de tensions diplomatiques. Sauf que la BCE tenait le système bancaire grec au collet, et la moindre tentative vers une sortie aurait déclenché un étranglement financier quasi immédiat orchestré par Draghi qui au contraire de Schäuble veut le maintien de la Grèce dans l'Euro. Et c'est Draghi qui contrôle la BCE, pas Schäuble.
RépondreSupprimerVaroufakis ne pouvait pas appliquer la théorie des jeux car il n'avait aucune marge de manœuvre, il avait le pistolet sur la tempe dès le début.
N'oubliez pas que la BCE n'a pas fait disparaître les banques centrales nationales. Le gouvernement grec pouvait très bien réquisitionner la Banque de Grèce et lui ordonner d'alimenter l'économie grecque en liquidité. C'eût été certes une violation flagrante des traités, mais l'autre partie (tant la BCE que l'Eurogroupe ou le Conseil européen) ne se prive pas non plus de violer les traités. Dès lors que l'Eurogrope avait exclu la Grèce de sa réunion, celle-ci pouvait se considérer comme déliée de ses engagements et donc faire comme bon lui semble avec sa Banque centrale ...
SupprimerMais il semble cependant que Varoufakis était décidé après le référendum à aller à la rupture avec l'UE. C'est Tsipras qui a tranché pour la capitulation et qui a viré Varoufakis.
RépondreSupprimerPas évident de voir ce qui s'est fait derrière le rideau au sujet du départ de Varoufakis. Peut-être aussi celui-ci avait-il senti l'inévitable capitulation qui venait et refusait de s'y associer, alors qu'il y avait tout de même une part de responsabilité : tant Varoufakis que Tsipras ont scellé leur propre défait en affichant leur attachement sans faille à l'euro.
SupprimerC'est désormais, j'espère, une leçon évidente pour tous ceux qui espèrent encore changer l'euro (et d'une manière plus large l'UE) de l'intérieur ...