Certes, cela
ne s’est pas fait d’un seul coup. Après Tony Blair, il
y avait eu Gordon Brown, puis
Ed Milliband, qui marquaient déjà une inflexion à gauche progressive après
le théoricien de la gauche de droite. Mais il y a quinze jours, les
adhérents du Labour ont choisi la rupture, avec Jeremy Corbyn.
Cette
rupture venue de la gauche
Le résultat
de l’élection du leader du parti travailliste a été une véritable surprise. Après
la victoire de David Cameron et la défaite d’Ed Milliband, beaucoup
pariaient sur un candidat centriste, un retour de flamme des années Blair, où
le parti travailliste avait dominé la vie politique britannique, pour affronter
des conservateurs qui semblent en partie suivre ce même chemin. Certains
attribuaient justement la défaite au positionnement trop à gauche d’Ed
Milliband, qui
avait battu de peu son très centriste de frère lors de la précédente primaire.
Au printemps, la candidature de Jeremy Corbyn, parlementaire depuis trente ans,
à la gauche de la gauche du parti travailliste, semblait une anecdote de cette
élection. Mais finalement, il
a écrasé les autres candidats en réunissant 59% des voix des votants dès le
premier tour !
Pourtant,
Jeremy Corbyn est l’anti-thèse complète de Tony Blair, « le
plus dur des gauchistes les plus durs » pour The Economist. Il propose des nationalisations, une augmentation
des dépenses publiques financée par la banque centrale, un « assouplissement
quantitatif pour le peuple », un contrôle des loyers, la gratuité
des universités. Pour la bible des élites globalisées, il serait coupable d’une
admiration coupable pour Hugo Chavez, Vladimir Poutine, Syriza ou le Hamas et
serait carrément « anti-américain,
anti-Israël, anti-OTAN et même anti-Union Européenne, ‘une conspiration du
marché dérégulé’ ». Au final, c’est un peu comme si Jean-Luc
Mélenchon revenait au Parti Socialiste et en prenait le contrôle en rassemblant
près de 60% des suffrages des adhérents dès le premier tour de la
primaire !
Que
penser d’un tel choix ?
Il peut
paraître paradoxal que les adhérents du parti travailliste choisissent un
leader qui semble si éloigné du centre de la vie politique britannique, au
point que The Economist le voit
fondamentalement inéligible. Mais on peut donc y voir un message d’espoir,
un signe que le peuple n’adhère pas à la doxa globalisée et néolibérale qui
domine les vies politiques de nos partis. D’ailleurs, c’est
ce que les Grecs avaient exprimé en élisant Syriza, avant qu’Alexis Tsipras
sacrifie ses promesses sur l’autel du dieu euro. Bref, il n’y a pas que le
chemin de la gauche dite de gouvernement en France, en Italie ou en Allemagne,
qui, dans ces deux pays, trouve même le moyen de gouverner avec la droite.
Cette
élection révèle une nouvelle fois le caractère profondément intolérant, pour ne
pas dire totalitaire, des néolibéraux comme The
Economist, qui
se contente de qualifier le nouvel élu de passéiste et refuse tout véritable
débat. Faut-il y voir un bon signe, y
compris sur la question européenne ?
Oui, Blair est impopulaire, et c'est aussi à cause de l'Irak, qui est resté en travers de tous les gosiers britanniques.
RépondreSupprimerSur l'UE, suite à l'affaire de la Grèce cet été, plusieurs chroniqueurs ont changé leur fusil d'épaule :
http://www.theguardian.com/environment/2015/jul/10/why-eus-increasing-failure-protect-nature-means-i-may-vote-no-referendum
"Had I been asked a couple of years ago how I would vote in the referendum on whether or not the UK should stay in the European Union, my answer would have been unequivocal.
The EU seemed to me to be a civilising force, restraining the cruel and destructive tendencies of certain member governments (including our own), setting standards that prevented them from destroying the natural world or trashing workers rights, creating a buffer between them and the corporate lobby groups that present an urgent threat to democracy.
Now I’m not so sure. Everything good about the EU is in retreat; everything bad is on the rampage."
Laurent, Mélanchon n'est pas un admirateur du Hamas et n'est pas allé manifester contre les caricatures de mahomet au côté des intégristes comme Corbyn. Tu oublie que Corbyn drague énormément l'électorat musulman conservateur. Au fait Chavez ... le Venezuela il va comment en ce moment ? pourquoi du coup on en parle plus ?
RépondreSupprimerMélenchon n'est pas exactement comme Corbyn, bien sûr, mais l'élection de ce dernier correspond, en France, à ce que serait l'élection de Mélenchon à la tête du PS.
SupprimerSur le Vénézuela, je n'ai jamais eu un jugement en noir et blanc :
http://www.gaullistelibre.com/2014/02/argentine-venezuela-russie-entre-modele.html
Et le Brésil comment il va en ce moment ?
SupprimerQuasiment tous les pays émergents sont en crise.
@ Toutatis
SupprimerDonc cela montre que le modèle Venezuélien n'avait rien d'extraordinaire pour qu'on s'y intéresse autant.
Intéressant ce qui se passe chez nos amis british !
RépondreSupprimerEntre les votes pour UKIP, pour le SNP en Ecosse, l'élection de Corbyn chez les travaillistes, et surtout le référendum prochain sur la sortie de l'UE, ça bouge.
J'ai quand même l'impression que la priorité des priorités pour Londres est de garder le Royaume Uni uni.
Par contre quelque soit le résultat du référendum sur l'UE, ils peuvent en sortir gagnants dans les deux cas.
S'ils ne quittent pas l'UE, ça aura été au prix de concessions importantes faites par l'UE, s'ils en sortent, et bien ça peut leur enlever une grosse épine du pied et les favoriser dans le cadre d'accords entre pays ou zones. Ils ont un plan B eux.
Quand on voit le discours de la Reine, la décision de Cameron de mettre en place le référendum, cette élection de Corbyn et la montée d'UKIP, je ne suis pas certain que Londres n'ait pas envie en fait de sortir du "machin".
Et ça n'est pas parce que les british sortent de l'UE que ça fera tache d'huile dans les autres pays, ils ont toujours été à part et en retrait (le beurre, l'argent du beurre, la crémière...).
ça peut au contraire amener les dirigeants de l'UE à accélérer leurs délires fédéralistes.
***Jacko***
Vous mettez l'accent sur un aspect méconnu de la politique britannique : la politique de Dévolution entamée par Tony Blair pour décentraliser le Royaume-uni par la reconnaissance des identités nationales à commencer par l'Ecosse et le rétablissement du Parlement écossais à Edimbourg après 3 siècles d'union étroite avec l'Angleterre d'où l'apparition récente d'un Parti national anglais. Quid du Pays de Galles, et de l'Irlande du nord ? Comme en Espagne où la riche Catalogne vote ce dimanche pour son indépendance et pour ne pas payer de façon solidaire avec les régions pauvres d'Espagne, même raison même scénario en Belgique, Dans tous les cas de figure l'UE est plutôt hostile à ces indépendances et peut obliger, malgré eux, ces nouveaux pays à renégocier leur présence au sein de l'UE.
SupprimerAprès 10 ans de blairisme la gauche anglaise a enduré une vingtaine d'année de tatchérisme...le virage n'est pas étonnant.
RépondreSupprimerDans notre pays le basculement vers le social-libéralisme a été moins brutal , l'officialisation est encore tout neuve.
L'électorat de gauche est encore sonné et se demande ce qui lui arrive , la gauche radicale peut continuer de fantasmer sur un Corbyn made in France , les contextes ne sont pas du tout les mêmes.
Avant de se sentir soulagé, il faudra constater ce qu'ils font vraiment. S'ils ne reviennent pas sur des lustres de mesures néolibérales, ils ne valent rien : frais d'inscription démentiels dans les universités, chômeurs qui ont 3 miettes, établissement scolaires gérés par des boîtes à fric, contrats de droit privé dans les reliquats de services publics, interdiction des grèves de solidarité, répression des Irlandais...
RépondreSupprimerDe la même façon, Hollande n'a surtout pas aboli les mesures liberticides de Sarkozy ni n'est revenu sur les fermetures des juridictions et maternités de proximité.
La technique de la fausse gauche est toujours la même ; on l'a encore vue à l’œuvre récemment quand les larbins des syndicats agricoles qui, au lieu de demander l'abrogation de règlementations scélérates, on demande juste un "moratoire" sur la production desdites réglementations.
C'est le principe de la marche forcée en avant. On fait une "pause" mais on ne revient surtout pas en arrière. Tout cela est évidemment minutieusement conçu par des psychologues et des "experts en com'", des escrocs manipulateurs qu'il conviendra d'identifier et de ne pas rater le jour où ça pètera.
Ils ne sont pas encore élus, hein...
SupprimerPour l'instant, ils se débattent dans quelques unes des contradictions de la vraie gauche : refus de chanter l'hymne national à une cérémonie de commémoration de la bataille d'Angleterre, volonté de supprimer les armes atomiques britanniques, déclarations passées de soutient à l'IRA...
Pourvu que Corbyn rompe cette quasi malédiction qui veut que les chefs les plus à gauche du Labour n'ont jamais été élu comme Premier Ministre depuis plus de 40 ans. De plus la défaite de Miliband n'est pas du au comportement douteux de l'ex-premier ministre Tony Blair mais au fait que les Ecossais qui votaient en majorité pour le Labour soient passés au Scottish National Party qui affiche des orientations plus à gauche tout en restant très pro-européen ce qui est plutôt contradictoire. Dans tous les cas Corbyn, comme tout dirigeant britannique sera, toujours atypique et il ne faut pas croire comme les "socialistes" français qu'il sera plus facile de s'entendre avec Corbyn, pas plus qu'avec les "sociaux-démocrates" allemands qui sont d'abord allemands.
RépondreSupprimerC comme Cording, l'auteur de ce commentaire.
SupprimerLe Royaume Uni rejettera peut être enfin les délires de l'ultra libéralisme ! Et c'est une très bonne chose. Corbyn mettra peut-être un peu de piment et de "politique" dans un débat anglo-saxon qui a été complètement phagocyté par les néo-libéraux.
RépondreSupprimerY sont pas néolibéraux, là-bas.
SupprimerBritanniques avant tout. Libéraux par surcroît, mais ils l'ont décidé tout seuls en élisant Maggy, au lieu de se le faire imposer de l'extérieur.
Ce n'est pas eux qui se laisseraient emmerder par des quotas de migrants ou par l'euro, voyez-vous ?
Tant que vous ne regarderez pas les choses en face, pour voir que les politicards et surtout "intellectuels" français sont des traitres, ce qui n'existe dans aucun autre pays du monde et surtout pas en Angleterre, vous ne ferez rien de bon.
@ Jacko
RépondreSupprimerTrès juste. Le climat ne semble pas mauvais pour un Brexit…
@ Rodolphe
C’est bien évident, la crédibilité de la gauche radicale est encore plus faible après le cas Syriza. On peut douter à juste titre de leur capacité à faire ce qu’ils disent
@ Cording
La bonne nouvelle, c’est que sous les vagues néolibérales, des courants contradictoires se développent dans la population
La dernière connerie de NDA, ce type est complètement con :
RépondreSupprimerL'Union européenne multiplie les normes pour nos entreprises. Les multinationales, elles, y échappent ! #Volkswagen
https://twitter.com/dupontaignan/status/646308072214892544
Très intéressant le message qui a disparu ce matin, par peur qu'on te reconnaisse.
SupprimerManque de pot, par l'emploi du même vocabulaire, j'avais des doutes et il est resté dans mon historique.
Donc maintenant, on ton compte twitter : https://twitter.com/tilo121
Certainement comme tu le suggères Laurent, Corbyn a été plébiscité car il exhale un parfum d'intégrité et une cohérence de longue date. Ce, alors que l'époque révèle le degré toxique de connivences qu'il y a aujourd'hui entre politiciens bon-genre et milieux d'affaires.
RépondreSupprimerJe ne connais pas du tout le personnage, mais peut-être maîtrise-t-il aussi très bien son argumentaire et l'art oratoire, qualités indispensables pour un outsider.
@ Jauresist
RépondreSupprimerOu, si on est optimiste, sa sincérité et son analyse juste de la situation actuelle l'ont emportées