samedi 19 septembre 2015

Nouvelle économie, même vieille recherche de la rente ?

Sociale, collaborative, et bien sûr moderne : la nouvelle économie, issue des révolutions technologiques autour d’Internet nous a tellement apportés (dans mon cas, un moyen de m’exprimer politiquement et de débattre) que l’on oublie un peu vite que tous ses ressorts ne sont pas si nobles.



Barbares à la recherche de rentes ?

La plupart des géants d’Internet proclament souvent avoir des objectifs qui dépassent largement le simple profit. Google veut organiser l’information de la planète et rendre nos routes plus sûres, Facebook faciliter nos échanges. Pourtant, quand on étudie les comptes d’exploitation de ces entreprises (sans même parler de la fortune ou des salaires de leurs dirigeants), on constate qu’ils ne sont pas insensibles à la quête d’un maximum de profits… En outre, il faut bien constater que les errements de cette nouvelle économie, et la spéculation qui l’a entourée au tournant du siècle, a provoqué un cataclysme boursier, créant des millions de chômeurs. Et naturellement, l’émergence de ces nouvelles entreprises a aussi un coût pour des entreprises de l’ancienne économie (on peut penser à Virgin par exemple).




L’accentuation des rapports de force

En fait, loin de leur image idyllique, les nouvelles technologies ont notamment facilité la recherche de rentes. Mieux, aujourd’hui, ces rentes peuvent être mondiales. Et c’est bien pour cela que les marchés accordent des valorisations totalement ubuesques aux rentes en devenir, comme Uber, qui vaudrait 50 milliards de dollars, pour 400 millions de revenus réels et autant de pertes ! Mais pour les marchés, cela n’a aucune importance car si Uber devient le leader mondial du transport, alors, dans quelques années, il pourrait finir par générer assez de revenus et de profits pour justifier sa valeur actuelle, ou même plus, ce qui justifie pour eux la valorisation actuelle, qui, de manière circulaire, donne les moyens aux dirigeants de cette entreprise de dominer son marché par des rachats ou des investissements.

En réalité, le marché s’allie avec les pépites de la nouvelle économie pour générer d’énormes rentes de situation, bien plus complexes à dénouer que les rentes du passé, comme la Standard Oil, qui pouvaient être découpées par un Etat, alors qu’aujourd’hui, ces géants, établis ou en devenir, de la nouvelle économie, se jouent des frontières et des régulations, même si parfois, elles peuvent être rattrapées, comme on l’a vu avec Uber en Californie. Mais la nouvelle économie, si elle apporte beaucoup, peut aussi se révéler être un démultiplicateur de force contre l’intérêt général, plaçant des entreprises (et donc leurs actionnaires et aussi leurs dirigeants) dans une situation où elles peuvent extraire des profits colossaux par suppression de toute concurrence, directement (par des rachats) ou indirectement.


Bien sûr, ce blog démontre aussi les bienfaits de cette nouvelle économie qui permet à des anonymes de prendre part aux débats publics d’une manière impossible il y a dix ans. Mais aujourd’hui, nos dirigeants ont un temps de retard sur certains effets assez délétères et les rentes de situation qu’elle produit.

10 commentaires:

  1. @LH,

    http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2015/08/26/20002-20150826ARTFIG00008-illettrees-pauvres-35-heures-le-best-of-des-declas-chocs-d-emmanuel-macron.php

    En économie il n'y a et n'y aura jamais rien de nouveau. En matière de théorie économique il y a il est vrai sans cesse du nouveau. D'où il résulte qu'il est fort probable qu'entre la théorie et la pratique en matière économique il n'y ait aucun lien nécessaire, et que l'on parle peut-être même de choses fondamentalement différentes qui jamais ne se croiseront.

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  2. Il n'y a rien de nouveau à ce que les législations et états aient un train de retard par rapport aux évolutions techniques et économiques.

    Les USA montrent que le vent tourne et les dernières décisions de justice visant les banques ou Uber montrent une évolution en cours.

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  3. La "nouvelle" économie n'est que la continuité de "l'ancienne"... avec de meilleures armes pour écraser la classe laborieuse ; et surtout des armes qui neutralisent l'autorité de l'Etat.

    Parler de "nouvelle économie" est un biais idéologique, c'est confondre progrès technologique et changement sociaux.

    (Un progrès technologique peut entrainer des changements sociaux, mais le progrès technologiques n'est pas le changement social en lui-même.)

    Je pense que l'amalgame est utilisé à dessein... faire passer les modifications politiques de la société, comme étant inévitables et surtout comme étant la simple conséquence des technologiques récentes.

    Alors que les réformes idéologiques que l'on nous imposent servent un but bien précis -indépendant du niveau technologique-... et cette motivation est leur véritable raison d'être : Asseoir (et renforcer) la domination des nantis sur les autres classes.

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  4. @ Anonymes

    Merci pour l’article sur les déclarations de Macron. Petit mouvement aux USA, mais cela reste assez anecodtique pour l’instant

    @ Abd_Salam

    Je ne pense pas qu’il y ait un but véritablement défini. Je crois que nos sociétés ont progressivement déclenché des courants qui nous poussent dans une mauvaise direction, mais pas de manière totalement consciente

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    1. Vous êtes bien naïf, Monsieur Herblay...

      Dire que les nantis ne contrôlent pas complétement la machine, je veux bien ! mais faut pas s'aveugler non plus, il y a une volonté de rechercher son intérêt.

      Faut être sacrément naïf pour penser que les très riches réclament de baisses de salaires sans volonté d'écraser les travailleurs.
      Arrêter de croire que le très riches réclament le droit de licencier sans indemnité et veulent étouffer les prudhommes sans raison mesquines et volonté de pouvoir.

      A un moment, faut arrêter de vouloir être gentil avec tout le monde. Surtout si ça vous pousse à croire que tout le monde est gentil comme vous ! Monsieur Herblay.

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    2. Ce qui est conscient chez ceux qui dirigent le monde, dirigeants politiques ou décideurs économiques, c'est leur choix d'exploiter toujours plus leurs semblables en utilisant tous les moyens à leur disposition. On ne peut donc pas croire que cela se fait "de manière pas totalement consciente" sauf si on réfère aux progrès de la technologie, qui ne peuvent être décrétés, sachant que même dans ce cas, certains intellectuels considèrent que les changements sociaux précèdent les évolutions de la technique. Sans oublier les politiques de prédation de certaines entreprises (Google, Microsoft ...) qui investissent des milliards de dollars pour passer d'un secteur à un autre afin de dégager des bénéfices substantiels en lessivant au passage les salariés.

      DemOs

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  5. Sur ce sujet, je conseille vraiment la lecture de Michel Volle, l'un des meilleurs analystes de "l'iconomie" : http://michelvolle.blogspot.fr/2015/03/le-secret-de-liconomie.html#more

    Michel Volle explique très bien (dans des articles antérieurs) que l'économie de l'internet génère structurellement de très fortes instabilités ainsi qu'un encouragement à des comportements de prédateur. Ces effets induits ne sont pas des fatalités, mais il faut enclencher des mesures énergiques pour les combattre.

    L'économie de l'internet a ceci de particulier que l'essentiel du coût de production est concentré dans l'investissement initial, en matériel et surtout en conception. Le coût marginal, celui de production et de diffusion, est extrêmement faible, contrairement à l'économie classique, dont le coût marginal est proportionnel à celui de la main d'oeuvre et du coût des matières premières.

    En économie classique, une concurrence déloyale (que dénonce souvent Laurent) est celle portant sur de très faibles coûts de main d’œuvre et de matière première. En économie « high-tech », le mode de concurrence n’est pas moins féroce, mais de nature très différente : celui de la « concurrence monopolistique », très bien décrite dans l’article de Michel Volle et visible chez un Apple, Google, Microsoft. Il s’agit de créer une rupture en innovation, de conserver une rente monopolistique le plus longtemps possible par tous les moyens, … puis de se tourner rapidement vers une autre innovation en laissant tomber la précédente. Un jeu de « winner takes all », de surcroît très volatil.

    Une certitude : le régime de « concurrence pure et parfaite » - qui est l’antienne favorite de Bruxelles - est la pire des stratégies en économie de l’internet. Elle aboutit à nous exposer facialement aux tactiques de la concurrence monopolistique, fondée sur des principes exactement inverses. L’incompétence et le dogmatisme de l’UE sur ces sujets atteint des sommets.

    Pour stabiliser l’économie de l’internet, une action mixte des puissances publiques et privées est fortement recommandée, notamment par le développement de filières d’excellences, d’incubateurs, pépinières, etc.

    Dans l’aéronautique et le nucléaire, un De Gaulle avait appliqué sans en connaître la théorie une excellente stratégie de concurrence monopolistique par le développement de filières industrielles en France, combinant les actions de l’état et de sociétés privées.

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  6. @ Abd_Salam & Démos

    Je persiste à penser qu’il n’y a pas de grands desseins, plutôt un courant que nos sociétés produisent et qui nous pousse dans ce sens. Dans la société néolibérale, de toutes les façons, on pense davantage à ses intérêts individuels plutôt qu’aux intérêts collectifs. Je persiste à penser que les élites pensent qu’il n’y a pas d’autre solution que pressurer les bas salaires (TINA).

    @ Marc

    Merci pour l’info

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    1. Monsieur Herblay,

      La société ne fonctionne pas totalement en pilotage automatique.

      Les courants qui nous poussent dans telle ou telle direction ne viennent pas de nul part.

      Ne voyez pas que les éléments de surface... mais voyez ce qui amène les phénomènes qui sont flagrants : écraser les salaires, ultra-individutalisme ; ils ne sont que les conséquences d'une idéologie.

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    2. Bien entendu, il y a des vagues sur lesquels nos bien aimés dirigeants surfent et des vents, qui soufflent dans telle ou telle direction. Mais il me semble que le capitaine sérieux et avisé se sert des courants pour aller là où il veut plutôt de les subir en reprochant aux cieux de lui jouer de mauvais tours.

      DemOs

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