Que penser des sondages du Front National ?

Deux sondages publiés ces derniers jours peuvent donner l’impression que la marche en avant du FN serait décidemment irrésisible, entre les 28% prévus aux régionales et le fait que 31% de la population serait prête à voter pour Marine Le Pen aux présidentielles de 2017. Qu’en penser ?

Plafond de verre brisé ?

Bien sûr, on pourra toujours objecter qu’il ne s’agit que de sondages et que ce sont seulement les élections qui permettent de juger de l’audience des partis politiques. Au premier abord, les 28% des sondages pour les élections régionales sont bien nouveau progrès pour le parti de la famille Le Pen puisqu’il avait obtenu 25% aux élections européennes de 2014 ainsi qu’aux départementales de 2015. Mais il faut néanmoins rappeler que ce score de 28% dans des sondages n’est pas une nouveauté puisque pour ces élections précédentes, le FN avait déjà été crédité d’un tel niveau. Plus marquant, il n’obtient que la seconde place, derrière la liste de la droite et du centre, à 31%, et devant celle du PS, à 23%. Finalement, ce qui frappe, c’est la concentration des intentions de vote sur les trois premiers partis.

Peux-être plus spectaculaire, le sondage du Journal du Dimanche qui indique que 31% des Français se disent prêts à voter pour Marine Le Pen en 2017. Le fait de passer le cap des 30% peut donner l’illusion que la marche en avant est irrésistible, mais il s’agit d’un artifice sondagier car la question n’est pas comparable à celle, classique, des intentions de vote. Et pour qui va au-delà des seuls titres, on note deux chiffres qui nuancent grandement les effets d’annonce. D’abord, en 2011, 27% des Français indiquaient être prêts à voter Marine Le Pen en 2012, ce qui s’est traduit par un score à la présidentielle de 18,9%. Un progrès de quatre points est significatif mais pas extraordinaire au regard des élections précédentes. Plus intéressant encore, 58% des Français excluent « certainement » de voter pour elle.

Ou plafond de verre solide ?

Bien sûr, il faut bien admettre que Marine Le Pen a réussi à faire progresser l’audience du parti familial, coincée à moins de 20% sous son père, et qu’elle a déjà porté à 25%. Mais ces sondages n’indiquent absolument pas qu’une nouvelle marche serait en train d’être franchie. 28% est un score qui a déjà été promis au FN dans le passé et il faut noter que les Républicains sont devant, alors qu’il était le premier parti de France aux européennes et souvent en première place au premier tour des élections départementales. Bref, même s’il s’empare d’une poignée de régions en décembre, ce qui semble probable, ce à quoi nous assistons est simplement la confirmation de la focalisation de notre vie politique sur trois grands partis, dont un reste cependant extrêmement éloigné de la victoire et du pouvoir.

En effet, étant donné le spectacle désolant donné par les deux grands partis dits de gouvernement et la crise économique dont notre pays n’est toujours pas sorti, le troisième grand parti, équivalent en taille électorale aux deux autres, n’ayant jamais eu la charge du pouvoir, devrait croiser vers la victoire sans la moindre résistance. Pourtant, nous sommes encore 58% à exclure certainement de voter pour lui, ce qui lui barre la route du pouvoir en 2017, comme on a déjà pu le constater au second tour des départementales en 2015. En réalité, même si les scores des sondages semblent flatteurs, comme avant déjà ceux de 2011, qui donnaient parfois Marine Le Pen en tête pour 2012, avec jusqu’à 24% des suffrages, il faut se méfier d’une interprétation rapide des sondages, qui ne sous-estiment plus le FN.

Pour moi, les sondages actuels indiquent que la vague Front National est toujours à son plus haut, mais qu’en revanche, elle est encore loin de pouvoir déferler à l’Elysée et à l’Assemblée. On pourrait même y voir un resserrement des scores des trois premiers partis qui ouvre les jeux pour 2017.