lundi 30 novembre 2015

Du Japon et des politiques alternatives

Les nouvelles économiques venues du Japon depuis quelques jours peuvent sembler mauvaises, entre une baisse du PIB de 0,2% au 3ème trimestre, et un nouveau recul mensuel des prix de 0,1% en octobre. Faut-il y voir l’échec des Abenomics ou seulement l’écume de la vague ?



Verre à moitié vide, ou à moitié plein ?

Bien sûr, pour les détracteurs des Abenomics, le recul du PIB et la baisse des prix montrent que la politique du Premier ministre, Shinzo Abe, est un échec. Après tout, le pays reste loin de l’objectif de 2% d’inflation affiché par la banque centrale et la conjonction de ces deux indicateurs complique la tâche d’une majorité qui s’est fixé comme objectif une croissance du PIB nominal. Mais, comme souvent, les choses sont plus complexes qu’il n’y paraît. D’abord, si les prix affichent un recul de 0,1% sur un an, ils sont en hausse de 0,7% sur un an hors prix de l’alimentaire et de l’énergie, qui affichent un fort recul conjoncturel. Ensuite, il faut se souvenir que le PIB du Japon avait bien progressé au premier trimestre et surtout que la population du pays baisse, ce qui relativise les chiffres du PIB.

En effet, The Economist avait publié un papier très intéressant sur les « années perdues » du Japon, qui montrait que quand on raisonne en PIB par habitant, la performance économique du pays est finalement assez peu éloignée de celle des Etats-Unis ou des pays européens. En outre, les variations trimestrielles du PIB ne sont pas toujours très signicatives : il vaut mieux considérer les variations sur un an, qui ont plus de sens. En outre, point crucial, certes fortement influencé par la démographie déclinante du pays (mais qui ne suffit pas à certains pays européens), le taux de chômage est tombé à son plus bas depuis 20 ans : à peine 3,1% de la population active. Mieux, pour relancer l’économie, le salaire minimum devrait progresser de 3% par an, qui devrait passer de 780 à 1000 yens par heure.

De la pertinence des Abenomics

Avec le recul que donne un peu plus de 2 ans et demi d’observation, la pertinence des politiques menées par le Premier ministre Japonais n’en apparaît que plus forte, malgré les quelques réserves statistiques des dernières semaines. Et finalement, les ajustements politiques réalisés par le gouvernement, qui a accéléré son plan de relance monétaire, qui a fait une pause dans la hausse de la TVA, et qui se fait de plus en plus volontariste sur les salaires, sont finalement le signe d’une équipe pragmatique, capable de se remettre en question pour résoudre les problèmes du pays. Et cela est d’autant plus rafraichissant qu’il ne s’agit pas de simples ajustements à la marge, qui ne changent pas grand chose, mais de changement forts qui prennent une perspective incroyable par rapport aux pays européens.

En effet, Shinzo Abe vient d’annoncer une hausse de plus de 25% du salaire minimum, quand l’Europe ne parle le plus souvent de baisse ou de gel (à l’exception de l’Allemagne). Idem sur le plan de rachat de dette publique par la banque centrale. Parti sur un rythme pourtant déjà extrêmement fort d’environ 10% du PIB par an au printemps 2013, devant la difficulté à casser la déflation qui frappe le pays depuis des années, le pouvoir n’a pas hésité à accélérer le plan de rachat de dette publique, protégeant l’Etat des marchés, et a actionné le levier des salaires. Quel contraste avec les politiques des pays européens ! Il semble que nos dirigeants persistent dans les erreurs du passé du Japon en fermant les yeux sur les changements récents qui remettent sans doute trop en cause les dogmes actuels.


3 commentaires:

  1. Je me marre toujours lorsqu j entend parler de récession au Japon avec un chômage à 3% max, et un manque de main d'œuvre flagrant, pas de crime, une paix sociale totale, une population homogène

    J adore le Japon (j y vais skier )

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  2. Cette vision bienveillante du Japon est juste. Bien sûr que le Japon s'en sort mieux que nous, et s'en sortira toujours mieux: ce qu'on appelle ici l'immigration n'y existe pas. Avec le développement de la robotique, le vieillissement de la population n'est pas un problème. L'arrêt de la croissance démographique est d'ailleurs nécessaire: sur la même surface que l'Italie, avec encore moins de surface cultivable, il y a deux fois plus d'habitants. Cette modération démographique est une contribution à la paix dans le monde. Bravo le Japon!

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  3. Petite précision : le PIB a baissé car les entreprises ont déstockées. La demande a progressé de 2,1% en rythme annuel, donc pas de quoi s'alarmer outre mesure d'autant plus.

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