Billet invite de Marc
Rameaux, qui a publié “Portrait
de l’homme moderne”
En hommage à Enki Bilal
- Salut
à toi Nikopol.
- Te voici de retour Horus ? Je croyais
que tes congénères t’avaient condamné à au moins 1000 années d’immobilité pour
violation du code des dieux égyptiens. J’espère que tu ne viens pas m’embarquer
dans une de ces aventures dont tu as le secret, dans le seul but de servir tes
desseins mégalomaniaques !
- Non Nikopol, cette fois je n’ai aucun
objectif précis. Juste de la stupeur, de la curiosité, et un message à
délivrer. Car j’ai vu l’évolution de votre monde à vous autres humains, et
cette fois cela passe l’entendement même d’un dieu ! Vous êtes pires que
tout ce qu’il m’aurait été possible d’imaginer.
- Parce que vous êtes allés bien plus loin
que tout cela Nikopol, dans votre monde d’aujourd’hui. Je pensais que les
ignobles et grotesques Mussolini que nous avions rencontrés vous avaient fait
toucher le fond. Mais vous êtes finalement bien plus forts que les dieux
eux-mêmes, dès lors qu’il s’agit de perversion. La dictature ignoble à travers
laquelle nous sommes passés n’était qu’une plaisanterie un peu ridicule à côté
de ce que vous avez inventé aujourd’hui.
- Bon explique moi en quoi nous sommes
devenus encore pires. Nous sommes en démocratie que je sache, même si je te
concède qu’elle est de plus en plus malade.
- C’est ici que vous vous révélez vraiment
très forts Nikopol. Vous n’avez plus besoin de murs, de barreaux, de matraques.
Vous êtes parvenus à l’idéal de tout pouvoir oppressif, celui où chacun devient
le gardien zélé de sa propre servitude.
Par un moyen très simple qui plus est. Vous
avez créé une société dans laquelle tout le monde est opposé à tout le monde,
en permanence. Où chaque mot, chaque pensée, chaque action, sont dirigés dès le
départ vers l’intérêt personnel, vers le détournement au seul profit de soi. Et
où votre survie personnelle, ainsi que celle de votre famille, dépendent
directement de votre obéissance à ce petit jeu.
- Mmmmm, bon d’accord cela c’est le
libéralisme poussé à l’extrême. Enfin plutôt sa déformation et sa récupération
mensongère, car les libéraux d’origine n’ont jamais dit ce genre de choses, si
l’on a pris la peine de lire un peu. Je t’accorde que ce n’est pas terrible,
mais de là à en faire une dictature pire que celle que nous avons combattue ensemble…
et puis l’ordre du monde n’a-t-il pas été toujours plus ou moins
celui-là ?
- La lutte pour la survie n’a rien de nouveau
Nikopol. Mais je ne te parle pas de cela. Votre idée génialement perverse est
de combiner cela avec l’intérêt économique et ce que vous appelez les
entreprises. Car vous donnez alors un vernis moral et méritocratique à un tel
mode d’organisation. Mais évidemment, il est très facile de pervertir ce petit
jeu. Il suffit de passer plus de temps à communiquer sur les résultats des autres
en se les attribuant qu’à les bâtir soi-même. Votre petit mode de
fonctionnement a oublié qu’il faut savoir distinguer l’efficacité de
l’apparence de celle-ci. Et que le temps de dissiper cette confusion, l’on sera
déjà passé à autre chose, laissant le champ libre aux faussaires.
- Bon si tu veux, et d’ailleurs cela
ressemble bien à ce qui se produit. Mais de là à ce que cela dégénère en
dictature … ?
- Parce que comme toujours vous n’avez qu’une
très courte vue Nikopol. Imagine que tu généralises une telle société, que les
tensions économiques atteignent un niveau tel que ce n’est plus ton simple
confort mais ta survie qui en dépend. Quels comportements humains cela va-t-il
induire ?
Une société de petits êtres mesquins obsédés
par le besoin de tout ramener à eux, de dire c’est moi, moi, mooooâââââ qui l’ai
fait. Des âmes exsangues cherchant à persuader que les hommes ont besoins de
lourds encadrements, posant une frontière artificielle entre ceux qui font et
ceux qui décident, et ne pensant qu’à faire partie de la deuxième catégorie, de
manière pathologique, surtout lorsqu’elles ne savent plus rien faire. Et à leur
stade terminal, de pauvres êtres rongés par un mélange d’ambition maladive et
d’inquiétude permanente. Une vision de la vie déformée en permanence par
l’obsession de vampiriser l’autre, de lui en soutirer le maximum.
- Bonne description du stress au travail
Horus, mais nous ne sommes pas encore au même degré que la dictature du
sinistre Choublanc.
- Attends, je n’ai pas fini. Ne vois-tu pas
que tu modèles un certain type d’humanité en organisant ainsi la société ?
L’arrivisme rend servile et obséquieux, vous apprend petit à petit à vous
renier, à devenir des hypocrites permanents, à n’être plus que des courtisans à
l’échine souple et à la langue pendante. Aux comportements tellement
prévisibles et stéréotypés. C’est d’ailleurs du plus haut comique car vos
sociétés qui n’ont à la bouche que les termes d’ « excellence »
et de « performance » sont conduites par d’étranges spécimen lorsque
l’on atteint les « hauts » niveaux de décision. Au lieu d’êtres
d’exception, l’on ne trouve plus que de petits hommes fuyants, lâches, mimant
très bien l’esprit de décision mais incapables de s’engager et envoyant plus
courageux qu’eux le faire. De vrais professionnels de la défausse derrière des
postures énergiques. Des champions de la récupération, de l’effet d’annonce et
de l’arbitraire superficiel. Qui plus est, des hommes dénués de vrais volonté
car ressemblant à des enfants capricieux et caractériels. L’inverse exact
d’hommes de fond et d’hommes de valeur.
- Bon, bon d’accord, tout cela est très désagréable. Mais
je n’entends toujours pas le bruit des bottes.
- Mais il n’y en a plus besoin Nikopol !
Tu ne peux plus échapper à ce stade, à cette servilité permanente. Tu commences
seulement à sentir que tu es prisonnier lorsqu’il t’arrive quelque chose de
hors normes, qui requiert l’aide d’autrui, un accident de la vie, ou encore
lorsque tu commences à contester le discours convenu. Là tu
comprends que votre monde a abouti à ce que les grandes entités que vous
appelez entreprises – qui n’ont plus rien à voir avec l’esprit d’entreprendre
car vous corrompez constamment le langage – sont dans un rapport de force et de
dominance faramineux par rapport au simple individu. Qu’elles peuvent petit à
petit lui faire admettre comme « normales » des choses qui ne le sont
plus du tout. Et qu’il n’y a plus rien pour contrebalancer ce pouvoir
exorbitant, car vous vous êtes débrouillés pour discréditer la solidarité
collective, bien que chacun sache qu’elle est le garant indispensable de la
liberté individuelle. Il en est de même pour vos administrations, censées
servir le bien public, mais qui ne sont plus qu’au
service de la prolongation illimitée des privilèges d’une petite caste,
cherchant en permanence à vous saigner.
Oh excuse-moi Nikopol, vous avez même fait
mieux que cela : vous avez travesti la solidarité collective en la
réabsorbant dans le monde de vos « entreprises » sous les termes
formatés « d’esprit d’équipe », d’une très grande hypocrisie car
chacun sait à quoi s’en tenir dès lors que votre petit jeu reprendra le dessus.
Vous faites mieux qu’abattre directement toute valeur : vous les récupérez
et les salissez, en appauvrissant au passage le langage qui permettrait de se
rendre compte de votre supercherie. Je te l’ai dit dans nos aventures
précédentes Nikopol : votre capacité à corrompre ce monde dépasse
l’entendement, même celui d’un Dieu !
- Mmmm je commence à voir ce que tu me dis, mais tu peux me
donner quelques exemples ?
- C’est très simple Nikopol, as-tu déjà
essayé de contester une décision, un prélèvement d’argent, un jugement
administratif, de l’une de ces entreprises ou administrations ? Est-ce que
l’on t’a fait taire, bâillonné ? Non, il y a bien plus efficace : tu
as joint un « call-center », un lieu anonyme, constitué de personnes
interchangeables que tu ne connais pas et qui ne te connaissent pas, dressant
un écran impénétrable entre toi et les leviers de décision. Tu parles à
quelqu’un, mais il n’y a jamais de discussion. Votre époque ne parle que de
« satisfaction client », « relation client »,
« excellence en CRM », mais jamais les hommes n’ont été aussi mal
traités par ces grands organismes froids, bien plus mal que par leur petit artisan
de quartier. Et ceci parce que vos grandes entités n’ont absolument plus aucun
contre-pouvoir : elles peuvent dès lors tout se permettre. Entre autres,
elles définissent un régime unique et simple pour la plupart de leurs usagers –
généralement de très mauvaise qualité – car cela leur permet de réduire leurs
coûts, par la vertu du « lean management » qui défait une par une les
pratiques de véritable excellence accomplies par des gens consciencieux. Au
passage, ils tenteront généralement de t'arnaquer derrière une apparence
policée et proprette, car c'est devenu la loi du genre. Et s’il te vient
l’audace de protester, l’on ne te réprime pas, l’on te noie sous un flot de
procédures anonymes et absurdes dans lesquelles tu t’empêtres à l’infini, sans
pouvoir identifier un seul responsable.
Les seuls qui bénéficient d’un service
véritablement digne de ce nom sont les plus riches. Vos sociétés ont ainsi
institutionnalisé le droit de traiter comme des chiens ceux qui n’appartiennent
pas à une toute petite caste, et vous êtes parvenus à convaincre que ceci était
juste, rationnel et moral. Même les régimes les plus inégalitaires et les plus
répressifs n’en auraient pas rêvé ! Ces sociétés sont par ailleurs
parfaitement adaptées aux personnalités fuyantes, visqueuses et narcissiques
que je te décrivais. Elles évitent tout affrontement direct : les régimes
autoritaires nécessitent au moins que leurs dirigeants fassent preuve de
courage dans l’épreuve de force, ici toute révolte est amortie et diluée, comme
dans du coton. Tu peux crier et t’indigner, il n’en restera pas plus de trace
que quelques pas dans la neige. Heureusement pour votre triste espèce Nikopol,
certains d’entre vous, plus lucides et plus intelligents ont vu et anticipé
ceci. Mais ils sont si peu, et ils l’ont payé généralement de terribles
névroses ou psychoses. La description que je viens de te faire, l’un des vôtres
l’a admirablement décrite, mais l’a payée de cauchemars dans lesquels il se
voyait métamorphosé en être monstrueux et rampant, image de la condition
humaine de vos répugnantes dictatures qui ne disent même plus leur nom, et se
font passer pour des modèles d’ouverture et d’humanité.
- Tu me troubles Horus, comme d’habitude, et
sans atteindre au génie de celui que tu décris, j’ai eu quelques-unes de ces
visions. Enfin tu t’en souviens, dans nos précédentes aventures : il faut
dire que je les aidais souvent avec force alcool, et que cela se terminait en
récitant du Baudelaire, encore l’un de tes visionnaires j’imagine …
- Tout juste Nikopol, tu commences à
comprendre. Prends un second exemple. Tu te souviens que dans l’infecte société
de Choublanc, vous aviez asservi les femmes en les enfermant dans des centres
de reproduction obligatoires, où elles n’étaient plus destinées qu’à engendrer
des ouvriers et des troupes fraîches prêtes à être sacrifiées. Je m’étais alors
amplement moqué de la rare stupidité et malfaisance de ton espèce Nikopol. Mais
vos sociétés « ouvertes » ont fait bien mieux que cela ! En
introduisant la GPA, vous asservissez les femmes à un rôle tout aussi
avilissant, mais vous présentez cela comme une conquête majeure de la liberté
et de l’émancipation ! Vous êtes parvenus à un système aussi monstrueux
que celui de Choublanc, mais vous y ajoutez le raffinement de vous faire passer
pour des modèles de tolérance et d’avancement social. Cette hypocrisie est
d’ailleurs devenue votre marque de fabrique. De surcroît, les pauvres mères
porteuses que vous asservissez ainsi sont généralement issues des classes ou
des régions les plus pauvres du monde, ce qui rejoint mon propos sur votre
succès à avoir asservi les petites gens mais en faisant passer cela pour une
liberté essentielle.
J’ai été en controverse avec l’un des tiens
qui est fort intelligent Nikopol, et qui me soutenait qu’à tout prendre, il
préférait une dictature du profit à une dictature du sens. Il m’est bien
entendu venu tout de suite à l’idée que passé un certain seuil, la dictature du
profit rejoint la pire des dictatures du sens, et que vous en êtes la parfaite
illustration. Je me suis juste demandé quel était ce seuil, la frontière
au-delà de laquelle l’on peut être sûr que la loi du marché est devenue la pire
des oppressions, parce que doucereuse et indicible. Eh bien c’est ce dont nous
venons de parler Nikopol : lorsque votre intégrité biologique rentre dans
le jeu du marché, c’est que vous y êtes ! Là encore, l’un de vos rares
visionnaires l’a perçu. Cela a donné un film sombre - baudelairien et kafkaïen
en diable puisque nous en parlions - où vous êtes parvenus à produire des êtres
humains synthétiques, au départ dénués de la plus élémentaire empathie, mais
qui finissent par se montrer plus humains que vous, par le court apprentissage
de votre monstruosité dans leur pauvre vie. Derrière ce film, il y avait un livre
qui en a donné le scénario. Un livre écrit par l’un de tes semblables qui avait
tout compris.
- Je vois Horus, et je vois bien de qui tu
parles. Enfin il avait un peu abusé de substances illicites si je ne m’abuse,
pour atteindre ses visions. J’avoue que je suis un peu abasourdi par ce que tu
m’annonces.
- C’est normal Nikopol, je suis un dieu tout
de même.
- Ca y est, ta mégalomanie qui recommence.
Justement Horus, nous autres humains avons tout de même un minimum de vie
spirituelle, à l’encontre de ce que tu dis. C’est d’ailleurs le message final
du film que tu mentionnais, montrant que tes humains de synthèse étaient
parvenus à ce niveau que les humains avaient perdu.
- Spiritualité dis-tu, Nikopol ? Comme
d’habitude, tu ne cesses de plaisanter. Regardez ce que vous avez fait de
toutes vos croyances. Je ne m’attarde même pas sur les violences inouïes
auxquelles elles ont donné lieu : lorsque le sentiment religieux se mêle à
la violence sans limite, celle-ci devient tout à fait accomplie. En fait, vous
avez démontré que vous êtes indignes de pratiquer une religion quelle qu’elle
soit. Vous êtes devenus impropres à toute vie spirituelle. Vous ne la pensez
plus qu’en termes d’affrontement entre camps, vous ne pensez plus qu’à
démontrer que seule votre foi a de la valeur et que celle des autres ne peut
être qu’un pauvre succédané. Vous vivez vos religions comme des supporteurs de
football ou des militants politiques, vous pensez que seul ne compte plus que
le fait de hurler contre les autres et d’affirmer avec aplomb votre bêtise
satisfaite. Encore un effet d’ailleurs, de votre extension du domaine de la
lutte, de l’application de la loi du marché et de l’affrontement de tous contre
tous, qui est venu corrompre jusqu’au peu de vie spirituelle que certains de
vos semblables avaient su préserver.
- Bon d’accord, d’accord, mais en t’écoutant
il paraît impossible d’en pratiquer une si je ne me trompe. Ou dans ce cas que
faut-il faire ? Rendre un culte aux anciens dieux égyptiens,
particulièrement à ceux qui ont un profil d’aigle j’imagine ?
- Tu te moques Nikopol, bien sûr. Non je ne
vous demande pas de m’adorer. Tu ne vois donc pas que toute religion devrait
commencer par un sentiment de quasi hébétude face à la beauté et à la
complexité de l’univers, et que si vous aviez le début du commencement d’un peu
de sincérité, cette vision vous inciterait à la modestie. Vous reconnaîtriez
combien ce mystère vous dépasse, et que toute tentative de l’accaparer pour
s’en prévaloir vis-à-vis de vos semblables ne peut-être qu’une triste pitrerie
narcissique. Commencez par la reconnaissance du mystère, et vous remplacerez
vos petites guerres de clan par l’envie sincère de le servir.
- Je ne vois pas qui pourrait insuffler une
telle vision. Par ailleurs, cela ne peut être le tenant de l’une des religions
existantes : il apparaîtrait comme suspect, parce que juge et partie. Cela
me semble donc bien mal engagé Horus.
- Justement Nikopol, c’est l’un des vôtres
qui a été le plus haï et craint de toutes vos religions qui pourrait pourtant
en rétablir le sens premier. Et ce n’est pas un hasard. Il s’agit encore de
l’un de ces visionnaires qui justifient peut-être que votre pauvre espèce
mérite encore de vivre. Cet homme a tracé une fresque du monde biologique dans
laquelle toutes les espèces vivantes se correspondent, mutent les unes vers les
autres, formant une unité du vivant qui touche presque à un langage que
l’univers aurait inventé pour exprimer lui-même sa complexité. Sa théorie a
provoqué l’effroi et la haine de la part de toutes vos religions, qui y ont vu
un blasphème et une contradiction de leurs livres sacrés. N’ont-ils pas compris
que cette fresque était d’une beauté et d’une grandeur infiniment plus dignes
d’un dieu et de sa création que leurs pauvres fables, et qu’ils auraient dû
avoir la modestie de la faire leur, en réinterprétant leurs croyances pour
qu’elles rendent compte de cette vision ? C’est parce que cet homme a
provoqué l’effroi de tous vos religieux et qu’il est même considéré comme la
pierre angulaire de l’athéisme qu’il pourrait redonner à vos spiritualités
dévoyées le sens retrouvé du mystère.
- Cela m’étonnerait que l’on retrouve quoi
que ce soit Horus. En matière de grands mythes, je nous vois plutôt dans le
labyrinthe de Dédale, pourchassés par les minotaures de la société que tu as
décrite. Certains ont même prophétisé que c’était la fin de l’histoire. Que
l’ordre néo-libéral était le stade terminal, celui dont on ne pourrait plus
sortir, précisément parce qu’il est le paroxysme d’une oppression implacable
qui s’est donnée tous les atours d’une société ouverte et démocratique.
Peut-être les tenants de la main invisible ont-ils raison, et qu’il s’agit de
la société ultime.
- Là encore tu manques de perspective
historique Nikopol. Crois-en quelqu’un – je ne dis pas un dieu car tu vas
encore persifler – qui a vu passer maintes civilisations, pendant des
millénaires. Oui, le chacun pour soi et l’individualisme forcené sont des
signes sûrs et certains. Mais pas de ce que vos petits hommes croient y
voir : ils ne sont ni la ruse de la raison qui établit ainsi le bien
collectif à partir des vices personnels, ni même un mal nécessaire. Lorsque chacun
ne pense plus qu’à soi-même, crois-moi, cela a toujours annoncé la même chose
dans toutes les civilisations que j’ai traversées au cours de mon existence
millénaire.
- Et quoi donc Horus ?
- La décadence Nikopol. Chez les romains, les
grecs, les égyptiens, la chute a toujours commencé ainsi. Il n’y a pas de main
invisible, et lorsque l’on est amené à justifier qu’une association de
malfaiteurs constitue le pinacle de la civilisation, l’on n’échafaude pas une
théorie économique et sociale, cela veut simplement dire que c’est la fin.
- Eh bien, voilà qui est gai. Ne dois-je plus
que me résigner et regagner ma bouteille en déclamant du Baudelaire ?
- Non voyons Nikopol, tu es un homme
combatif : n’oublie pas que tu es un pratiquant de chess-boxing ! Ne tourne
pas le dos à ta grandeur et à ton courage dans le combat, car le chess-boxing
combine deux disciplines dans lesquelles on ne peut tricher, l’affrontement
direct, au résultat immédiat, sans fard et sans compromission. Engage-toi dans
cet art pour …
- Halte-là Horus, cette fois c’est moi qui
vais te faire la leçon. Oublie-un peu les rêves de grandeur, la mégalomanie des
dieux. N’oublie pas que lors de mon match de chess-boxing, j’étais celui qui
était plein de failles, d’imperfections, de doutes. Face à un champion très
imbu de lui-même, un parfait représentant de notre société post-moderne. Tu
connais mon goût pour l’imperceptible, le dérisoire, le modeste signe qui cache
la brèche vers ce qui doit être exploré. C’est ma manière d’être Horus. Non notre
humanité n’est pas faite des grands hommes que tu as cités et qui soient dit en
passant étaient perclus de failles qui leur ont permis d’accéder à cette
compréhension. Ce n’est pas cela qui me fait dire que cela vaut le coup que
nous vivions : il n’y a rien de grandiose, rien de magnifique à cela,
juste un clin d’œil discret de quelques brèches ensoleillées.
Un homme a dit que l’univers était chiffonné,
plein de replis et de failles, je crois qu’il en est de même de notre raison et
de nos vies : rien de triomphant, juste la conscience que dès lors que
l’on croit trouver une règle et une loi, un exemple vient nous montrer que ce
n’est pas tout à fait vrai, mais que le monde ne serait pas aussi beau sans
cela. Je n’ai pas besoin de grand mystère Horus. C’est un solo de guitare de Mark
Knopfler qui me fait voir la lumière du ciel, quelques notes égrenées sans
prétention, incroyablement virtuoses parce qu’elles n’ont pas cherché à l’être,
simplement heureuses d’être présentes. Je me moque de la vision des dieux, je
tiens juste aux Dire Straits, rincés, pleins de failles et
chaleureux.
- Je sais Nikopol, c’est pour cela que je
t’aime bien.
Seuls des croyants pervers peuvent imaginer qu'une part de leur religion ou un personnage de leur religion est "la pierre angulaire" de l'athéisme...
RépondreSupprimer@Abd_Salam: c'est le contraire : c'est un personnage non religieux et qui est considéré comme pierre angulaire de l'athéisme qui est peut être le plus à même de "guérir" les religions de leur intolérance et de les faire parvenir à une spiritualité authentique.
SupprimerPeut-être ai-je mal interprété votre passage... et je vous présente mes excuses.
SupprimerCela dit, j'aimerais en savoir plus sur ce que peut être "une pierre angulaire" de l'athéisme ??
L'athéisme est aussi ancien que la croyance/spiritualité... c'est juste qu'à certaines époques il n'est pas prudent d'affirmer que l'on est athée. Résultat, beaucoup d'athées n'ont pas laissé de traces écrites de leur existence...
Du coup, en fait c'est dans la bible que l'on retrouve en fait l'un des plus ancien témoignage de l'existence de l'athéisme qui soit parvenu jusqu'à nous (cf. : le livre des sagesses ; dans les psaumes aussi).
P.S. : évidemment, les athées sont également dépeints comme des salauds... tant qu'à faire.
@Abd_Salam : je vous en prie, vous êtes toujours courtois, il n'y a donc pas de mal. Nous ne dialoguons pas pour la première fois sur les religions, même si j'ai toujours un peu de difficulté à cerner votre pensée sur ce sujet : j'ai crû comprendre qu'elle était une condamnation générale et sans concession des religions, position que je respecte bien qu'elle ne soit pas la mienne, les religions méritant à tout le moins une très grande méfiance de principe, ce qui apparaît dans mon texte.
SupprimerVous aurez reconnu le portrait de Darwin dans "la pierre angulaire de l'athéisme". Mon propos est simplement de dire que les religieux devraient revenir de façon générale à une plus grande modestie, abandonner toute prétention à la connaissance, et qu'une spiritualité véritable devrait commencer par une contemplation de la complexité de l'univers, avant toute revendication d'un primat à la "vérité". Ce qui m'a toujours frappé dans le darwinisme est sa beauté, qu'un religieux intelligent aurait dû admettre comme bien plus digne de représenter la création que les récits des textes sacrés.
Mon opinion sur les religions judéo-chrétiennes n'est pas une condamnation...
SupprimerLe constat est négatif, certes. Mais je ne fais que constater que le revendication de vérité parfaite est inscrite dans les textes "sacrés", que l'intolérance est un pilier du christianisme.
Et ce ne sont pas les éléments à charge dans la bible qui manquent pour appuyer un tel propos.
Cela dit, je n'ai pas forcément compris ni entendu causé du portrait de Darwin dans la pierre angulaire de l'athéisme".
SupprimerJe ne suis pas sûr de voir pourquoi il faudrait faire un lien entre l'athéisme et Darwin... le darwinisme n'a en rien révolutionné l'athéisme.
Je ne trouve malheureusement pas grand chose sur internet relatif à "Darwin" et "pierre angulaire de l'athéisme"... sauf quelques articles qui expriment une vision bien christo-centrée de l'athéisme (qualifié pour le coup de "moderne").
j'aurais donc besoin de vos lumières pour y voir clair.
@Abd_Salam : Darwin est pourtant historiquement considéré comme ayant révolutionné l'athéisme. Une présentation parmi d'autres : http://www.slate.fr/story/requiem-pour-darwin
SupprimerDarwin a retiré aux religieux l'un de leurs principaux arguments : la complexité du vivant et de l'être humain en particulier, l'agencement quasi-miraculeux de ses organes, ne pouvait selon les religions que provenir d'une puissance divine, agissant selon une finalité précise.
"L'évolution des espèces" est la première théorie qui rend compte de l'apparition de la vie, dans toute sa complexité, sans avoir aucunement besoin d'un acte divin. Le principe de sélection naturelle suffit à expliquer un perfectionnement croissant du vivant, jusqu'à rendre compte de la complexité de l'être humain. Par ailleurs, le darwinisme rejette tout finalisme, c'est à dire le fait que le vivant corresponde à un dessein, une intention. L'agencement extraordinairement bien fait de la machine biologique suggère toujours qu'un plan ou un dessein y a pré-existé, mais le darwinisme offre une explication qui permet de s'en passer.
Enfin, en affirmant que l'homme descendait du singe, le darwinisme rentrait en contradiction - du moins en première apparence - avec les textes de la genèse reconnus par les trois monothéismes.
Darwin fut considéré comme le diable en personne par toutes les autorités religieuses de son époque, et fut quasiment persécuté pour avoir ainsi "désacralisé" l'origine de l'homme.
Voici pourquoi Darwin est encore considéré comme l'une des critiques les plus profondes des croyances religieuses, du moins celles connues sous nos latitudes.
C'est bien ce que je craignais... cela est beaucoup une démarche de croyant comme manière d'appréhender l'athéisme.
SupprimerL'athéisme n'a en rien été chamboulé par le darwinisme ou la théorie de l'évolution 2.0 (créée après la mort de Darwin).
L'athéisme : c'est notamment considérer que les croyances sont des affirmations sans preuves... issues de l'imagination humaine.
Quand on lit des rares citations d'athées de l'antiquité, on y reconnait l'athéisme d'aujourd'hui.
Car c'est la même démarche qui découle de la même perspective. Le même étonnement devant des croyances perçues comme infondées.
Il y a des questions légitimes sur l'origine de l'univers et de la vie... mais il est parfaitement clair que les religions sont pour les athées des escroqueries intellectuelles et des sommes d'ignorance crasse.
Les religions n'ont jamais été des explications... il n'est absolument pas nécessaire d'apporter une contre-explication pour contrer une absence de réflexion.
(mêmes si les religions prétendent être des explications…)
Aucune théorie scientifique ou absence de théorie scientifique ne modifiera le caractère des religions… et leur «inintérêt» (au mieux) pour les athées.
Il faut bien comprendre que ce sont les caractéristiques intrinsèques du religieux qui laissent au mieux les athées perplexes (pour pas dire parfois méchamment railleurs).
Certes, Darwin s'est fait pas mal d'ennemis parmi les religieux... mais c'est une autre histoire.
Et le titre dont on pare Darwin n'exprime que la méconnaissance et l'incompréhension totale de ce qu'est l'athéisme.
(en espérant avoir réussi à faire communiquer assez précisément ma pensée)
Je rajouterais : même parmi (certains) croyants, on n'a pas attendu Darwin pour considérer certains aspects des religions comme infantiles... ou pires !
SupprimerLa théorie de Darwin ne modifie en rien les besoins "spirituels" des croyants que nous dirons plus "cérébraux"... ça les rends juste plus aptes à accepter la théorie de Darwin (ou les versions améliorées depuis sa mort).
«Darwin a retiré aux religieux l'un de leurs principaux arguments : la complexité du vivant et de l'être humain en particulier, l'agencement quasi-miraculeux de ses organes, ne pouvait selon les religions que provenir d'une puissance divine, agissant selon une finalité précise.»
RépondreSupprimerPeut-on appeler "argument" une affirmation qui s'annule elle-même ?
C'est-à-dire que lorsque les croyants s'émerveillent devant la beauté et l'organisation du vivant... ils oublient soigneusement les "erreurs" (malformation -causes internes-) et les horreurs (maladies, parasites -causes externes) de la nature.
Aucune fadaise religieuse (selon les athées) n'avait besoin du darwinisme pour être battu méchamment en brèche.