C’est
un compte-rendu intéressant de deux livres d’auteurs étasuniens venus
d’horizons différents, qui s’en prennent aux dérives de notre temps. Le
progressiste Robert Putman dénonce les inégalités quand le très libertarien
Charles Murray, proche du Tea Party, s’en prend aux excès législatifs. Et
s’il y avait un lien ?
Entre
apartheid social et tyrannie réglementaire
Dans « Nos enfants. Le rêve américain en crise », Robert Putman reprend les analyses de Paul Krugman ou de Joseph Stiglitz. Pour lui « les Etats-Unis ne se fracturent plus sur des bases raciales, mais principalement selon les classes sociales », notant un écart grandissant sur tous les critères, pas seulement financier, mais aussi dans l’éducation et la famille. Reprenant l’argument de Krugman de 2008 dans « l’Amérique que nous voulons », il rapporte que « les enfants aisés de faible niveau scolaire ont aujourd’hui les mêmes chances d’obtenir un diplôme universitaire que les enfants pauvres bons à l’école » et parle « d’apartheid social » en dénonçant « un pays stratifié rigidement en classes sociales de plus en plus étanches », une analyse que les amateurs du blog ont déjà pu lire à de nombreuses reprises.
Venu d’un
bord radicalement différent, « Charles
Murray fait des constats similaires à ceux de Putman, sur la polarisation
sociale et sur l’effondrement de la confiance dans les institutions
publiques » et évoque des élus impuissants. Pour lui, le pays
« n’est
plus une terre de liberté », la loi est terriblement compliquée et
incompréhensible, évoquant les 400 000 mots de l’Obamacare. Il
propose la désobéissance civile contre les règlements inutiles, stupides et
tyranniques, en soutenant que si les règles pour protéger un site nucléaire
sont légitimes, celles disant combien de temps un soignant doit passer avec
chaque patient n’a aucun sens. Cette campagne gripperait la chaine judiciaire
par le nombre de dossiers et épuiserait le gouvernement. Et il faut bien
reconnaître que certaines règles sont excessives.
Si
je suis fondamentalement opposé à la loi travail, qui est un démantèlement
de notre modèle social, toutes les lois et toutes les règles ne sont pas
toujours justes. Passons
sur celles qui produisent une concurrence déloyale dans un contexte de
libre-échange, mais la démultiplication des règles ne sert pas toujours le
bien commun, mais souvent une petite minorité. C’est
ce que l’on voit dans le fourmillement de mesures fiscales au bilan antisocial
du gouvernement britannique. La complexité est du pain béni pour les
multinationales qui ont les moyens d’y trouver les niches qui les servent,
quand elles ne sont pas à l’origine même de toutes ces règles qui peuvent les
favoriser, comme
on peut le voir dans la fixation des règles dites de Bâle 3, dont les détails
permettent aux banques une grande lattitude d’action.
Bien sûr, il
faut défendre bien de nos règles et en rajouter d’autres pour assurer la
justice et lutter contre la polarisation sociale. Cependant, l’excès de
lois et de règles représente aussi le moyen, pour certains, de faire valoir leurs intérêts au détriment des autres, outre
le fait de construire une société où la démocratie finit par être en partie
paralysée, comme l’avait bien analysé Sapir.
Bonjour Laurent,
RépondreSupprimerA propos de l'excès de réglementations qui profitent à une minorité, il me semble que c'est lo'bjet du dernier Graber "Bureaucratie Totale", qui avait été chroniqué par Marianne... mais pas encore par vous ;)
Olivier