L’année 2016
restera sans doute comme un précipité du grand divorce entre les élites des
pays occidentaux d’avec leurs peuples respectifs. Outre
la percée de l’AfD en Allemagne ou du mouvement Cinq Etoiles en Italie, le
peuple britannique a envoyé paître des élites totalement opposées au Brexit,
les
Etats-Unis ont préféré Trump à Clinton, et en France, Fillon
a battu le chouchou des médias, Juppé.
Ces média
et ces dirigeants qui poussent à la révolte
Bien sûr, il
y a des raisons de fond qui poussaient à chacun de ces choix. Outre-Manche,
il est bien évident que les positions de l’UE sur les migrants ont légitimement
inquiété une population qui voulait garder le contrôle de ses frontières,
la contribution nette du pays était insupportable dans
un pays où le gouvernement a procédé à des coupes sombres dans les budgets
et l’afflux de règles byzantines alimentait un rejet de cette Europe au service
des lobbys. Aux
Etats-Unis, les délocalisations et la baisse de pouvoir d’achat de la majorité
de la population ne plaidaient pour les sortants. Et l’explosion du
terrorisme pousse légitimement les peuples à se tourner vers ceux qui veulent
renforcer les frontières.
En France, François
Fillon a profité des campagnes trop marquées de ces deux rivaux et de leurs
passifs. Juppé a trop cherché à plaire au centre et à gauche pour convaincre la
droite et Sarkozy restait rejeté par une nette majorité, sa « trumpisation »
ne convaincant que ses fans les plus ultras, les autres y voyant sans doute seulement
une nouvelle agitation de sa part. Il est donc difficile de savoir vraiment
ce qui a primé dans sa très large victoire, entre l’adhésion à son programme
(et encore, différents électeurs peuvent se décider sur des parties
différentes), le rejet de ses adversaires, une certaine volonté de changement,
qu’il inspirait paradoxalement mieux qu’eux et le vote contre l’avis des
médias.
Le
fait que Fillon fasse un tel score au second tour (dépassant même les
prévisions des sondages, qui le donnaient à 61%) montre que cette semaine a
joué pour lui. Il faut dire qu’Alain
Juppé s’est fourvoyé dans des attaques aussi mesquines que de mauvaise foi.
Et le tir de barrage de la gauche pseudo bien pensante l’a sans doute renforcé.
Le
Monde roulait ouvertement pour Juppé en
distinguant leur libéralisme, qualifiant
le projet de Fillon de conservateur et dangereusement identitaire, et
notant les
satisfécits de l’extrême-droite à l’égard de son programme, quand Libération parlait de radicalité… Ainsi, ils ont
fait de Fillon le candidat du changement, celui qui est finalement critiqué par
ce décevant système, qui
prévoyait une calamité en cas de Brexit, qui n’a pas du tout eu lieu au
troisième trimestre…
Même si les
véhicules du changement ne sont pas sans grandes limites, il n’en demeure pas
moins que le point commun de ces trois votes, c’est
la volonté très forte des électeurs de voter contre la direction prônée par les
élites médiatiques qui se disent ouvertes au changement, mais qui
soutenaient de facto une forme de conservatisme institutionnel avec le Bremain,
Clinton et Juppé.
On ne peut pas mettre sur le même plan le Brexit, Trump et Fillon. Fillon n'est pas du tout une rupture avec le système, bien au contraire c'est une adaptation accélérée aux contraintes de l'euro et de la mondialisation. La sociologie des votants à la primaire de droite est celle d'électeurs âgés et aisés.
RépondreSupprimerD'ailleurs je constate que les médias, qui soutenaient Juppé, n'ont aucun problème aujourd'hui pour faire la louange de Fillon, ce n'est pas comparable avec ce qui s'est passé pour Trump aux USA où toute la presse était contre lui.
Supprimer"je constate que les médias, qui soutenaient Juppé, n'ont aucun problème aujourd'hui pour faire la louange de Fillon"
SupprimerFillon ne dit pas que l'avortement est le truc le plus génial que puisse faire une femme, il ne veut pas faire la guerre aux gros méchants Russes, il est soutenu par les cathos, il ne nous a pas dit que le métissage était la plus grande chance du peuple de France à travers les âges...
Il a même évoqué les légers problèmes posés par l'islam.
Pour les types de la télé, du Monde, de Libé, de l'Obs & co, il est déjà à la limite du nazisme.
Heureusement qu'il fait oublier son vote non à Maastricht par un européisme bon teint sinon c'était sur un croisement avec Hitler que Libé faisait sa couverture.
Mais je croyais qu'en bonne orthodoxie gaulliste, le peuple n'était pas les 4 millions qui se déplacent à la primaire d'un parti, mais les 40 millions qui sont convoqués à l'élection présidentielle.
RépondreSupprimerEncore un aggiornamento pour coller au goût du jour ? Ce n'est pas la girouette "gaulliste libre" qui tourne, c'est le vent.
Quant à dire que Juppé serait le candidat des médias, rien ne me semble moins sûr.
Il y a eu des sondages qui indiquaient que Juppé était en tête. Fort logiquement, c'est donc sur lui que l'attention de la presse s'est focalisée.
Puis, lors des débats télévisés, et notamment du dernier, Fillon semble avoir donné une meilleure image que les autres et les sondages ont indiqué une hausse des intentions de vote.
Le fait que les sondages, publiés dans la presse, indiquent une hausse des intentions de vote en faveur de Fillon a alors achevé de convaincre les participants à la primaire de droite de voter pour lui.
Et, dès le lendemain de la première session des primaires, la brosse à reluire était de sortie dans le Figaro pour Fillon (avec, détail, des photos particulièrement défavorables à Juppé, faisant ressortir son âge).
Donc prétendre que la presse pousserait Juppé et pas Fillon me semble être inexact.
Quant au fond des politiques souhaitées, ce n'est pas la même chose :
Supprimer- Dans les trois cas, il y a une hostilité à l'immigration et au multiculturalisme, dont il va bien falloir que les brillants commentateurs gaullistes plus ou moins libres finissent par tenir compte ;
- mais dans le cas de Trump, les électeurs se sont aussi clairement prononcés contre le libre-échange et le néolibéralisme (ils risquent d'être fort déçus, mais c'est une autre histoire) ;
- alors que les petits vieux du baby-boom qui ont voté pour Fillon ont aussi voté pour son programme d'enfoiré, qui va vers plus de libéralisme dès les intentions affichées.
- enfin, le Brexit est un vote sans ambiguïté pour la souveraineté britannique, alors que si Fillon parle de souveraineté son programme est clairement de transférer encore plus de pouvoir à l'UE.
Donc vraiment, les trois épisodes sont très différents, que ce soit sur la forme (vote dans les deux premiers cas, n'importe quoi venu des US dans le troisième) ou sur le fond (sodomie néolibéralo-européiste dans le cas de Fillon, refus de ces pratiques dans les deux autres cas).
Avez-vous remarqué comme on nous serine dans les médias que les Français ne voudront plus payer pour la sécurité sociale car elle bénéficierait aux "issus de" ?
SupprimerAux US, cela fait longtemps que Krugman analyse de cette manière les problèmes pour mettre en place un système de sécurité sociale (et pour rationaliser la gestion du système de santé américain, privé donc fort dispendieux).
Mais en France, est-ce le cas ? Il me semble que c'est Guilluy qui a avancé le premier cette théorie, sans doute pour faire comprendre aux psychorigides qui s'obstinent à défendre l'immigration et le multicul qu'ils sont doublement en train de se tirer une balle dans le pied.
Ce thème semble pourtant beaucoup plaire à ceux qui veulent réellement s'attribuer les juteuses dépouilles de la Sécu. A bon entendeur, M. Herblay...
Par ailleurs, toujours sur le système de santé :
http://krugman.blogs.nytimes.com/2016/11/29/how-many-people-just-voted-themselves-out-of-health-care/?module=BlogPost-Title&version=Blog%20Main&contentCollection=Opinion&action=Click&pgtype=Blogs®ion=Body
N'étant pas européiste, j'ai pris le plaisir de dépenser 4 euro pour éliminer les têtes d'affiche, il ne m'en manque plus qu'un!
RépondreSupprimerLa large défaite de Juppé était inscrite dans les chiffres du 1er tour si l'on tenait compte du report des voix de Sarkozy sur Fillon de l'ordre de 35ù sur 65%. L'élimination des 2 candidats présélectionnés par les médias est la seule bonne chose de ces primaires qui sont une négation de l'esprit de la Vè République. Le programme de Fillon est ultralibéral, et compatible avec le "sauvetage" de l'euro mais il est en voie d'obsolescence de par le Brexit et l'élection de Trump. En attendant dimanche le résultat du référendum italien et le second tour de l'élection présidentielle autrichienne...
RépondreSupprimerJuppé et Fillon appartenaient à la même écurie libérale, europeiste et mondialiste que d'aucuns appellent "le système" De même Valls et Macron pour l'autre équipe
RépondreSupprimerhttp://www.gilbertcollard.fr/blog-2/jean-goychman-liberalisme-economique-fin-soi/
"grand divorce du peuple", le vote Fillon ? Non, certainement pas. Ce n'est pas un divorce avec les élites et ce n'est pas le peuple qui s'est déplacé les 20 et 27 novembre.
RépondreSupprimer@LH,
RépondreSupprimerSans définition de l'extrême-droite nous n'avancerons pas. Un monde sans définition ou dont les définitions sont à géométrie variable m'apparaît être un problème.
Cordialement.
Si je suis assez d'accord avec l'idée générale de la rupture entre le peuple et les élites. Il me semble qu'elle s'exprime différemment dans les cas évoqués.
RépondreSupprimerSi le Brexit constitue une véritable victoire du peuple sur les élites, l'élection de Trump est beaucoup plus nuancée s'agissant d'une élection indirecte. Il y avait chez les électeurs de Clinton des représentants des classes populaires (notamment Noirs et Latinos). Les résultats bruts des candidats sont nettement plus équilibrés.
Quant à Fillon, il ne s'agit pas du tout d'une élection populaire, mais d'une élection privée. Elle repose sur un segment très limité de la population et à la lecture des résultats, c'est surtout l'opposition jeunes/vieux qui a joué. Tous les commentateurs l'ont remarqué, c'est une élection de droite qui a été gagnée à droite.
La victoire de Fillon est une victoire tactique pas une victoire stratégique. Les classes populaires vont-elles adhérer à son programme très violent ? C'est une autre question. Et ce d'autant plus que F. Fillon a perdu son statut de challenger pour devenir le favori - une position qui n'est jamais bonne dans ce genre de confrontation.
A voir.
1) Je ne comprends pas l'inquiétude qui s'exprime quand au programme de Fillon.
RépondreSupprimerDepuis quand un programme électoral engage-t-il le candidat ?
2012 : renégociation du traité + la finance c'est l'ennemi
2007 : karcheriser les racailles + travailler plus pour gagner plus
Vous avez vu quelque chose de tout ça se passer ?
Fillon a donné aux électeurs de cette primaire ce qu'ils souhaitaient entendre et voir, il a été élu. Bravo à lui pour l'analyse qu'il a faite de l'électorat de la primaire.
Ce qu'il fera s'il est élu président, on n'en sait rien.
2) Le programme éco de Fillon ne ressemble-t-il pas un peu au programme éco du général en 1958 ? (celui inspiré par Rueff ?)
On pouvait alors dévaluer et faire pression sur le patronat grâce à la menace du PCF mais y a des similitudes sur le reste.
3) Si Fillon appliquait son programme, ne serait-ce pas le meilleur moyen de se débarrasser de l'euro ?
Envoyer toute la zone en récession me semblant une bonne base pour la faire exploser.
4) Si on juge les candidats sur leur programme, c'est quoi le problème avec le programme du FN ?
@ Moi
RépondreSupprimerBien sûr, tout n’est pas pareil, mais il y a des points communs, sur lesquels je reviendrai vendredi. Pas sûr que Trump et May produisent une grande remise en cause de la mondialisation. Sur les louanges des médias, c’est vrai sur ceux marqués à droite, mais comme je le rappelle, il a été violemment attaqué par bien d’autres.
@ Anonymes
Je n’ai jamais dit que le peuple était représenté par les 4 millions de votant des primaires. D’ailleurs, je ne suis pas allé voter. Et je persiste, une majorité des média préféraient Juppé. En effet, il y a des différences, mais il y a aussi des points communs (cf papier de vendredi)
Bien vu sur la Sécurité Sociale. Mais Fillon semble tempérer ses propos.
@ 1984
Quand je parle d’extrême-droite ici, je mentionnais un papier du Monde. Et j’ai déjà répondu plusieurs fois à cette question.
@ Paul
Jeunes / vieux : j’ai l’impression que les seconds ont préféré Fillon, mais seulement davantage que les autres, en clair, il gagnait sur tous les âges. Mais je me trompe peut-être.
@ Kous
Pas faux sur les programmes. Mais pour Fillon, c’est plus compliqué car il a construit son image sur son respect. Il n’y a aucun rapport avec le programme du Général en 58, qui commence par une dévaluation de 20% du franc… L’euro finira par mourir. Après, difficile de savoir si Fillon accélèrera la chose ou pas. Il peut aussi convaincre les Allemands de rester, malheureusement… La récession ne le fera pas forcément exploser : les pays peuvent s’y accrocher comme des moules à un petit rocher artificiel. Sur le FN, d’abord, le programme n’est pas sorti. En attendant, je vous renvoie à mes papiers des régionales.