Le
choix des mots, c’est aussi le choix des armes dans le débat d’idées.
Malheureusement, on peut voir apparaître certaines déformations ou des choix
malheureux :
- On peut penser à la mauvaise traduction qu’est « paradis fiscal », aux connotations positives, pour qualifier ce qui ne sont que des « parasites fiscaux »
- On peut également se demander s’il est avisé de dénoncer le néolibéralisme : qualifier notre adversaire de nouveau libéralisme est-il pertinent et habile ? Ne vaut-il pas mieux parler d’ultralibéralisme, ou même d’extrémisme libéral ?
- En matière de déformation, l’utilisation du terme populisme par ses détracteurs est révélateur d’une forme de mépris du peuple, comme le soutenait Vincent Coussedière dans son livre sur le sujet
- Mais on peut également contester l’utilisation du terme « Frexit », aux consonances très anglaises, même s’il est possible de le raccorcher à d’autres origines. N’est-il pas totalement paradoxal (pour être charitable) que des partisans de la sortie de l’UE fassent campagne sous un terme évoquant d’abord l’anglais que le français alors même que nous devons veiller à la défense de notre langue dans un monde qui pousse tellement l’anglais ?
Le
choix des mots dans le débat public n’est pas neutre. On peut parfois se
tromper, mais il faut toujours se demander si l’on choisit la bonne bannière
pour éviter les choix contre-productifs.
A l’opposé du paradis fiscal, il y a l’enfer fiscal pour désigner un pays comme la France où les prélèvements sont importants…
RépondreSupprimerJe ne suis pas contre le terme de néolibéralisme qui désigne une politique qui n’est pas libérale mais qui consiste à mettre l’état au service des grands intérêts privés. Ce n’est pas de l’ultra-libéralisme, c’est autre chose.
Pareil pour Frexit : je veux bien qu’on choisisse un autre terme, mais lequel ?
Les mots ont un sens très lourd. Leur utilisation souvent inconsciente traduit l'emprise des représentations collectives dominantes sur les débats et les idées. Toutefois cette emprise n'est plus totale. Nous assistons à l'émergence de représentations différentes qui sont en train de faire sécession (en ne participant plus au vote par exemple) voir de rentrer en conflit avec l'ordre dominant.
RépondreSupprimerLe conflit des ordres imaginaires ne peut que s'accroître. A ce stade, nous ne pouvons pas savoir ou il nous conduira.
"http://philippeleroymondr.wixsite.com/letempsdelanalyse/single-post/2016/08/19/Le-conflit-des-ordres-imaginaires"
Je suis en accord avec votre raisonnement, mais , si on ne vote plus que reste-t-il à part 1789?...Et là apparaît un paradoxe...alors que les élections ont maintenant pour vocation première de barrer le FN...quel parti est mieux armé que le FN pour affronter un nouveau 14 juillet?...on se mord la queue...et si on les laissait essayer?...
SupprimerPour ma part dès le Lycée, il y a bien longtemps j'ai refusé l'anglais au profit de l'Allemand et de l'Espagnol...Alors que pendant 60 ans les français se sont esbaudis devant les finesses de la langue que parlaient , ô merveille, les américains...on voit le résultat , une jeunesse aculturée écartelée entre l'arabe des cités et l'anglais des affaires, qui ne sait plus écrire, ni d'ailleurs penser su Hanouna ne leur a pas dicté les idées...Alors le FREXIT...c'est un jeu de mots tout simplement...il durera ce que durent les roses, il ne deviendra jamais un terme officiel, d'ailleurs il n'est pas dans le pré-programme...
RépondreSupprimer@LH,
RépondreSupprimerVoilà une occasion de définir un certain nombre d'autres mots utilisés couramment au sein de ce qu'il convient d'appeler désormais la langue des médias. C'est la langue du libéralisme qu'il faut examiner, ou décrypter comme l'on dit aujourd'hui.
La langue anglaise, si elle est celle d'un certain nombre d'auteurs libéraux, n'est pas la langue du libéralisme. Shakespeare était-il libéral ? Les anciens conteurs et poètes anglais étaient-ils libéraux ? Non, pas plus que leur langue. Si la langue est une vision du monde, elle ne saurait se réduire à une idéologie.
Certains courants et partis, en France, son affublés de termes dont pour ma part je n'ai toujours pas la définition. Je crois qu'il ne faut pas renoncer à cette bannière qu'est la vérité dans la langue. La clarté, la précision, sont des éléments essentiels dans le débat public, des éléments sans lesquels le débat est tout simplement impossible.
Parmi les multiples manières de garantir le statu quo, de maintenir le pouvoir idéologique en place, il y la méthode de l'indétermination des termes utilisés dans le débat. Quand un mot apparaît indéfinissable où l'est devenu, qu'il a été vidé de son sens ou a été chargé d'un autre sens que celui qui est pourtant le sien, c'est le signal de ce qu'une idéologie - donc des intérêts - a commencé de tordre le réel ; le réel étant alors un autre réel que celui dont on parle, ou un "réel" non préhensible, la langue se retrouve vidée de sa charge contestataire.
C'est ainsi que rien de ce qui est, j'entends ici rien du pouvoir idéologique et matériel en place, ne peut être contesté. En neutralisant la langue, les mots, leur définition, on neutralise toute contestation : sociale, idéologique...
Au-delà de l'anglais, c'est de la langue quotidienne qui est la nôtre dont il faut discuter, et notamment cette fameuse langue des médias, qui a dernièrement fait l'objet d'un livre du même nom. Que l'anglais ne devienne pas hégémonique dans notre pays - certaines écoles de commerce à ce jour ne font des enseignements qu'en anglais il me semble - est important ; mais, la précision du français et le soin mis à décrypté les usages fait du français m'apparaissent comme étant au moins aussi important.
Du choix des mots, il faut pousser jusqu'au sens des mots employés il me semble.
Qu'en pensez-vous ?
Cordialement.
On ne dit pas cotisation sociale mais charge sociale, sous le prétexte en apparence imparable que les cotisations patronales figurent en comptes de charges.... dans la comptabilité du patron, pas dans celle de la Sécurité Sociale !
RépondreSupprimerDe toute façon le salaire brut aussi y figure. Mais dans la compta de l'ouvrier, le salaire est porté au contraire en compte de produit. Les médias s'en moquent, qui adoptent toujours sans discuter (et pire sans le dire, voire sans même s'en rendre compte) le point de vue du patron, comme s'il était le seul dans notre pays à devoir tenir une compta.
D'ailleurs il ne faut pas dire que les salaires sont bons ou mauvais, c'est politiquement incorrect, il faut dire que le coût du travail est plus ou moins compétitif.
Bien entendu on ne parle pas du coût du capital, mais de son rendement. Même biais des médias quand on discute immigration. Immigration choisie, immigration subie, quelle différence ?
Immigration choisie : demande de visa appuyée par un employeur. Le but est d'empêcher les salaires de monter, ou de les aider à baisser. Une telle immigration ne peut être qualifiée de choisie que si on se place du point de vue du patron. Si on se place du point de vue de l'ouvrier français, c'est forcément une immigration subie.
Immigration subie : demande de visa appuyée par une famille résidant en France, le plus souvent française. Le but est de réunir la famille dans un seul foyer, de permettre au mari de vivre avec la femme, aux enfants d'être élevés par leurs parents.
Comme ose-t-on qualifier de subie la seule immigration qui a été choisie et demandée par les citoyens eux-mêmes, et pour une raison parfaitement légitime ?
Marché du travail en tension : la pression à la baisse sur les salaires se relâche. Si on adopte le point de vue de l'ouvrier cela s'appelle au contraire une détente. Mais l'ouvrier n'existe pas, son point de vue n'a aucune légitimité et les médias n'en tiennent jamais compte.
Ivan
@ Moi
RépondreSupprimerLa France est loin d’être un enfer fiscal. Je pense que votre interprétation du néolibéralisme n’est ni juste ni partagée. Beaucoup l’utilisent plutôt pour désigner une forme d’extrémisme libéral, d’où l’idée de parler d’ultralibéralisme. Pour Frexit : sortie de l’UE.
@ Axel
Il y a quand même beaucoup de raisons à ne pas les laisser essayer. Ne sont-ils pas l’ennemi parfait, suffisamment repoussant pour ne jamais accéder au pouvoir, tout en mobilisant suffisamment d’électeur pour boucher l’horizon d’alternatives qui pourraient rassembler une majorité ?
@ 1984
Je suis bien d’accord. Les articles vers lesquels je renvoie pousse le débat plus loin.
@ Ivan
Très juste sur les cotisations sociales (notez que je n’emploie pas l’autre terme), et sur le reste : le livre d’Eric Hazan a été une révélation pour moi sur ce sujet du choix des mots.
@LH
Supprimer"Ne sont-ils pas l’ennemi parfait, suffisamment repoussant pour ne jamais accéder au pouvoir, tout en mobilisant suffisamment d’électeur pour boucher l’horizon d’alternatives qui pourraient rassembler une majorité ?"
Peut-être, peut-être pas...
Le rejet du système est tel dans la population que plus vous en êtes détesté, plus vous montez.
Le rejet augmente, le système déteste toujours plus les opposants, le FN monte.
Le Brexit ? Système unanime à nous montrer toute l'horreur de la chose.
Brexit voté.
Trump ? Système unanime à nous montrer toute l'horreur de la chose.
Si les élections US ne sont pas truqués, il devrait l'emporter.
Le FN ? Réponse dans 7 mois.
Mon professeur de philosophie en terminale nous répétait sans cesse : les mots ont un sens, une définition, une signification. Un doute sur ce point ? Il y a une superbe invention qui vous attend à la bibliothèque : le dictionnaire !
RépondreSupprimerBonne soirée !
Viou