« La
colère des peuples » pour le Figaro.
« La
colère a gagné » pour le Monde.
Pour la majorité des média, très
critiques à l’égard de Donald Trump, le constat est simple, trop
simple : le
peuple, dans une colère pas très réfléchie, voir pas réfléchie du tout, aurait
cédé aux sirènes démagogiques et aux relents racistes, ce qui serait très
inquiétant car révélateur d’une évolution politique généralisée.
Une
révolte démocratique réfléchi et légitime
Ceux
qui dénoncent le populisme sont trop souvent des peuplophobes qui habillent
leur snobisme intolérant des habits d’une pseudo raison supérieure, les
oligo-aristocrates des temps modernes. Et il est très culotté de parler de
saut dans l’inconnu dans un contexte étasunien où le président a bien moins de
pouvoir que chez nous et sachant que ce pseudo camp de la raison a défendu les
interventions en Irak, en Afghanistan et en Libye qui ont laissé le chaos d’où
Daech a germé, alors même que Trump, lui, semble avoir tiré les leçons de
cet aventurisme interventionniste. Et si les outrances verbales du milliardaire
n’ont pas retenu les citoyens, c’est peut-être parce que le peuple en a
ras-le-bol de cette police de la pensée et de l’expression pseudo bien-pensante,
pas moins intolérante et autoritaire que Trump.
Le
Monde a un sacré culot d’y voir une
menace contre la démocratie. Rien dans les projets de Trump ne permet de
soutenir cela. Au contraire, son élection est une preuve de la vitalité
démocratique étasunienne, mais ce faisant, cela révèle une fois de plus le fond
parfois un peu totalitaire de la pensée du Monde,
pour qui la démocratie devrait être bornée à un choix restreint d’options, d’où
seraient expurgées tout ce qui n’est pas raisonnable pour lui. Le
quotidien du soir fait de son élection celle d’un communiquant habile ayant
joué sur les bas instincts d’une populace qu’il méprise. Heureusement, que
d’autres journalistes ont fait une vraie analyse des raisons qui ont poussé les
Etats-Unis à un tel choix.
Malgré
l’emploi du mot « colère »,
l’éditorial d’Alexis Brézet, dans le Figaro,
est juste : lui ne ferme pas les yeux sur les inégalités, le déclassement
des zones périphériques et la légitime volonté de changement d’un peuple
complètement oublié par ses dirigeants. On peut également souligner la très juste analyse
de Jack Dion dans Marianne, ou
celle d’Hervé
Kempf dans Reporterre, qui
rejoignent celles
d’Emmanuel Todd avant le scrutin. D’ailleurs, comme un commentateur me l’a
signalé, les
sondages de sortie des urnes montrent que la volonté de changement était un
profond moteur du succès de Trump et que la colère seule ne pouvait le faire
passer. Le choix fait cette semaine est bien réfléchi.
Après
huit années du numéro d’Obama, préférant le show au fond, à part une réforme du
système de santé largement insuffisante, les Etats-Unis veulent un vrai
changement et ont préféré l’OVNI politique Trump à la représentante de ces
élites qui les ont abandonnés. Mais comme
le soutient Michel Onfray et le
montre la réaction de Wall Street, il n’est pas sûr que cela change assez.
Au-delà des réactions habituelles des médias se pose la question beaucoup plus intéressante de ce qui va se passer aux USA avec Trump et au RU avec Theresa May.
RépondreSupprimerEst-ce la fin de l’époque du néolibéralisme commencée avec Thatcher et Reagan ou bien une simple crise du système qui va tourner court comme en Grèce avec Syriza ?
J’ai vu que vous avez twitté l’article de Romaric Godin : « Trump ou le rêve de l’âge d’or isolationniste des USA » :
http://www.latribune.fr/economie/international/trump-ou-le-reve-de-l-age-d-or-isolationniste-des-etats-unis-615677.html
La question de fond est donc de savoir si une politique protectionniste, aujourd’hui, est vraiment possible, notamment pour les USA. L’article de Romaric Godin semble conclure que non.
L'article de R. Godin semble conclure en fait que, faute de vouloir réorienter la finance vers l'économie réelle (ce qui ne semble pas faire partie des objectifs de Trump), cette démondialisation ne se fera pas.
Supprimer@LH,
RépondreSupprimerOui, le problème de l'engagement politique des médias est essentiel dans une démocratie où le débat pour désigner nos représentants passe par eux et l'espace public qu'ils quadrillent. Si c'est un pouvoir, est c'en est un, il faut que le peuple puisse se protéger des abus de ce pouvoir.
Ce ne sont pas les journalistes qui garantissent la liberté d'expression, ils en usent simplement, mais bien le droit, qu'il s'agisse de cette liberté ou des autres. Cette réflexion ne peut se limiter d'ailleurs à de seules mesures relatives à la détention de capital au sein des entreprise de presse (Cf. Simone Weil sur ce point), en espérant que nous puissions nous passer de cette dernière expression problématique qu'est "entreprise de presse".
Cordialement
Ce sont les mêmes personnes hostiles à Trump qu'à Marine le Pen. Tous des bien-pensants qui ne veulent pas voir les mues en cours. Cependant elle et son parti ont un passé et un passif que Trump n'avait pas.
RépondreSupprimerL'accusation de populisme est l'ultime argument des élites mondialisées donc de la grande bourgeoisie compradore et des classes moyennes supérieures complices qui méprisent le peuple parce qu'il vote mal cf le 29 ami 2005, le Brexit, Trump, et pense mal. En effet le peuple n'adhère pas au "cercle de la raison" théorisé par l'homme qui s'est toujours trompé Alain Minc. Ces classes sociales verraient la fin de la démocratie pour conserver et prolonger leurs privilèges, leur ultralibéralisme ne s'épanouit jamais mieux que dans les régimes autoritaires comme le Chili de Pinochet et la dictature capitalistico-communiste du PC sur la Chine.
RépondreSupprimerJe pense qu'Alexis Brézet a parfaitement raison d'employer le mot colère dans son éditorial que j'ai lu en ligne. Il se trouve qu'aux US un homme a su traduire et exploiter de façon positive cette colère, en donner une traduction politique victorieuse malgré ses outrances, peut-être volontaire. Chez nous il n'y a pas de VF de Donald Trump même si Marine Le Pen s'essaie de récupérer sa victoire.
RépondreSupprimerTrump a traité exactement comme il le fallait la bien-pensance américaine. Je pense même qu'une attitude similaire à celle du président philippin aurait été appropriée. Car cette bien-pensance s'appuie sur un sentiment de supériorité grotesque qui suinte de partout dans un journal comme Le Monde, sentiment que rien de concret de vient justifier, et semblable probablement à ce qu'éprouvait la majeure partie de la noblesse avant la révolution française.
RépondreSupprimerC'est la défaite électorale des métropoles contre le reste du pays.
RépondreSupprimerEt donc de la globalisation qui permet aux habitants des métropoles d'aspirer la richesse des zones qui les entourent.
On comprend que les "journalistes" préfèrent détourner le regard de ce fait plutôt que de lever le voile sur ce système qui leur profite.
Amusez-vous à zoomer/dézoomer sur cette carte et vous verrez que toutes les zones non-favorables à Trump vont voir apparaître des grandes villes : http://www.francetvinfo.fr/monde/usa/presidentielle/carte-presidentielle-americaine-dans-quels-comtes-donald-trump-a-t-il-fait-ses-meilleurs-scores_1914727.html#xtor=AL-67-[article]
Reste à voir si ce système est réformable par le jeu électoral...
Les mérdiats sont débordés et perdent pied : tandis qu'ils réduisaient Donald Trump à ses outrances (femmes, minorités, mur...), il y a des semaines que les internautes étaient réinformés sur son programme et se doutaient qu'il passerait. A commencer par les plus jeunes.
RépondreSupprimerAinsi, les lycéens savaient déjà que Trump dénonçait la finance mondialisée, la collusion du clan Clinton avec Goldman Sachs (et les conférences d'Hillary à Huis clos, payées au même prix que celles de Sarkozy), les traités de libre-échanges responsables de la paupérisation de la "ceinture de rouille", les délires des frais d'inscription universitaires américains. Ils savaient que Trump voulait poursuivre et renforcer l'assurance santé d'Obama.
Circulent, désormais, sur les réseaux sociaux, les pitoyables prestations de nos "zexperts" et fauz'zintellectuels qui annonçaient tous, en chœur, mardi soir, la victoire d'Hillary ; la plus grotesque étant celle d'Olivier Ravanello, sûr à "90%" car Môsieur est brillant, il fait de la "science politique", "un truc de vieux". "Tu devrais être viré et ferme ta gueule à jamais", telle est l'invitation qui lui est le plus souvent envoyée sur Twitter : mais il continuera à l'ouvrir et à être payé grassement à nos frais ; il est même revenu nous expliquer doctement pourquoi il s'est trompé.
Le microbe Benoît Hamon propose de contrôler Facebook... D'autres voudraient mettre la redevance sur les ordinateurs - pour payer TF1 et BFMWC alors qu'on va se réinformer sur Sputnik, RT ou un autre site "conspirationniste" (comme disent les nouveaux crétins à la mode) que je ne nommerai pas. Tout cela est grotesque.
Le naufrage de la journaputerie, des escrocs et des menteurs officiels, est la nouvelle la plus exaltante de ce début de siècle. Encore faudrait-il leur assécher sur le champ toute subvention publique. Et leur appliquer, une fois le libé crevé et le Figaro dégraissé de ses 18 millions, le régime d'indemnisation du chômage qu'ils appellent de leur vœux dans leurs colonnes : indemnités plafonnées à un sous-smic, rapidement dégressives et à la clé, au bout de 6 mois, l'obligation de faire des ménages sinon assèchement de toute aide sociale. C'est vraiment ce que mériteraient ces crevures inaptocrates de la presse.
Les grands médias sont au service de l'oligarchie (financière et politique). Leur candidate a été défaite. Ils cherchent à en minorer la portée politique en mettant celà sur le compte de la colère, de la pulsion irrationnelle en fait.
RépondreSupprimerTrump a évidemment gagné parce que le peuple américain avant tout se défie de ses "élites", et non simplement parce qu'il se laisse séduire par une démagogie raciste.
Cela renforce les chances de MLP pour 2017, malgré tout ce que l'on disait jusque là à propos du plafond de verre.
Même si la situation en France est différente des USA, le filet social maintient quand même davantage les classes moyennes modestes et du coup apaise les tensions.
Après, j'ose espérer que la campagne de 2017 va nous surprendre, que MLP soit démasquée pour ce qu'elle est. L'équivalent du milliardaire Trump en quelque sorte: une populiste de forme mais une conservatrice libérale dans le fond, propre à rassurer les marchés.
Le seul que je voie à même de bousculer le scénario écrit d'avance, c'est JL Mélenchon. Encore faut-il qu'il arrive à augmenter sa capacité à rassembler. A commencer par les écologistes...et plus encore des souverainistes se réclamant du gaullisme social...comme toi Laurent.
Cordialement
JL Mélenchon pourra être le 3ème homme des présidentielles, bousculera la gauche l'obligeant à se remodelr mais il ne s'imposera pas face à M Le Pen. Il y a une question où il se cassera les dents : l'immigration. Cette question est devenue une véritable crispation notamment au sein des classes populaires et gagnant les classes moyennes. Certes, ses réflexions sur la question ne sont pas dénuées de sens mais elles restent trop légères et clémentes pour les classes populaires et moyennes. Lorsqu'il le voit escalader une grille pour participer à une manifestation de sans-papiers, ils oublient le reste de son combat qu'ils approuvent. Pour eux, le voir malmener les journalistes c'est un bon point mais le voir malmener les journalistes sur la question de l'immigration en expliquant avec véhémence que la France ne sait pas compter les immigrés clandestins car elle n'a pas de règle ou loi pour cela. Alors, que l'administration fiche tout tous azimuts etc...etc... Cela ne passe pas et lui passe pour un immigrationniste et un pro-migrants. Or, les gens sont dans leur quotidienneté dont pour certains il est constitué d'un croisement avec des populations immigrées qu'ils ne comprennent pas et qu'ils ne veulent plus. Or, JL Mélenchon ne sait pas capter cette quotidienneté. M L Pen a réussi et sait très bien en jouer. JL Mélenchon se cassera les dents sur cette question à double titre: pour les raisons invoquées ci-dessus et car s'il muscle son discours sur cette question, il perd la partie de la Gauche qu'il souhaite rassembler derrière lui.
SupprimerBon dimanche à vous
Sylvie
Pas faux votre analyse sur JL Mélenchon.
SupprimerIl peut faire un bon score et effectivement entraîner le remodelage de la gauche. Mais comme vous le soulignez, sur la question de l'immigration, il est distancé. Outre, ses interventions, il porte avec lui les idées favorables de la gauche sur l'immigration. Or, ces idées, classes populaires, classes moyennes...et pas que...cela ne passe plus.
J'aime l'idée de la quotidienneté de votre message. Car en effet, on est dans ça pour Monsieur et Madame Tout le Monde. Cela à mon sens relève plus du socio-psychologique que du politique (au sens grec du terme). Et le champ du psycho-sociologique peut être un ressort puissant lors d'une élection présidentielles.
Salutations dominicales
Fanfan
C'est juste un avis personnel mais quand j'ai vu D.Trump quasi hagard, ne sachant pas où il était et surtout avec la mine du gars qui se demande ce qu'il fait là lors de la sortie du rendez-vous avec B. Obama ou P. Ryan...Je me suis demandé si D. Trump n'avait pas pris les élections présidentielles pour une partie de poker. Il y a joué pour s'amuser, il a bluffé, en bon présentateur de TV-réalité il a fait son show en se disant "de toute façon , je ne gagnerai pas, et comme je m'en fous de perdre je m'éclate! je fais ch**r tout le monde, je sème le boxon et puis après moi...le déluge". Sauf qu'il a gagné et à voir sa tête il ne s'y attendait pas. On avait plutôt l'impression de lire sur son visage" P...qu'est-ce que je f**s là ? J'suis pas dans la m***e".
RépondreSupprimerMais c'est juste une très forte impression de ma part.
Sylvie
Sylvie
SupprimerPour te rassurrer (ou pas), j'ai eu la même forte impression que toi, mais en voyant la tête de Trump le soir de l'élection :)
Il n'avait pas l'air ravi pour une fois (un peu la même tronche que Lepen en 2002 au soir du 1er tour).
Perso, j'avais l'impression qu'il se disait : "Ben voilà mec, à force de faire le malin, tu as réussi mon con ! Putain 4 ans !"
A 70 balais, il va devoir se taper les congrés internationaux chiants, les voyages ennuyeux où il faut quand même se tenir un minimum et la semaine à Washington qu'il déteste, en bataillant avec le Congrés pour des conneries !
Et s'il déconne trop, il y a le précédent des Kennedy pour le rappeler à l'ordre.
Il s'est fait prendre à son propre piège le Donald.
***Jacko***
@Jauresist12 novembre 2016 à 23:11
RépondreSupprimer"MLP soit démasquée pour ce qu'elle est"
Je trouve l'assertion étonnante et surtout ne sais sur quoi elle repose. Si le combat politique mute en lecture - selon quel savant processus d'ailleurs, quelle technique nouvelle - dans les âmes j'avoue mon expectative.
Par ailleurs, Mélenchon est pro-UE, il n'est pas souverainiste, a voté Maastricht, a été pendant 20 ans sénateur, ce alors qu'au même moment la politique de dérégulation du PS était mise en oeuvre.
Les communistes lui ont dit non ; ils connaissent la politique et on sûrement d'excellente raison d'avoir des réserves.
Cordialement.
@ Moi
RépondreSupprimerIl y a une remise en cause, mais seulement partielle de l’ultralibéralisme. La remise en cause concerne principalement le contrôle des frontières, avec un refus de laisser racheter des entreprises par des étrangers ou la protection contre les importations. Mais il faudra voir ce qui est véritablement mis en œuvre avant de tirer des conclusions. En revanche, sur la place de l’Etat, ces gens-là continuent de défendre une réduction de la voilure très libérale…
@ 1984 et Rodolphe
Pas faux. Mais le journalisme a aussi la victime de l’explosion d’Internet qui a fortement réduit les moyens des média. Il reviendra à l’Etat de mettre en place des règles qui permettent aux journalistes de travailler, y compris en veillant à la concentration des média dans certaines mains.
@ Jauresist
D’accord. Je vais étudier cela dans les prochains jours.
@ Sylvie
Mélenchon commence à prendre des libertés avec les postures traditionnelles de la gauche sur l’immigration. Mais nous verrons ce qu’il dira pendant la campagne l’an prochain. Pas impossible sur Trump…