«Nous n'aurions accompli qu'une infime
partie de notre tâche si la République française de demain se trouvait comme la
IIIe République sous la dépendance étroite des puissances d'argent»
Albert Camus[i]
Billet invité de l’œil
de Brutus
Le général de Gaulle confessait qu’il n’aimait pas ceux de son parti
car ceux-ci aimaient trop l’argent. Il n’aurait sans nul doute guère apprécié
François Fillon. Il n’aurait bien sûr pas goûté toutes ces petites combines
népotistes – légales ou pas, en soi peu importe – au bénéfice de son épouse et
de ses enfants[ii]. Ni ces
petits trafics de breloques – eux aussi légaux – pour les copains[iii].
Ni ces conférences rémunérées tenues dans des puissances étrangères[iv].
Mais tout cela n’est finalement que tristement banal au sein d’une
oligarchie politique en fin de cycle et qui ne semble plus conserver qu’un seul
repère : celui de l’argent, ce « fumier du diable ». M. Fillon
n’est donc qu’un politicien ordinaire de ces années 2000, qui ne vit que par,
pour et avec les petites combines politiciennes. Il se dit promoteur de
l’esprit d’entreprise mais n’y a jamais mis les pieds puisqu’il se lança en
politique dès l’âge de 22 ans en tant qu’assistant parlementaire. Il défend la
« valeur travail » (doux contre-sens[viii] !)
mais n’a fait que vivre des prébendes de la politique. Ajoutons que M. Fillon
fut séguiniste lorsqu’il fallut trouver un étrier où poser le pied pour se
lancer en politique (ce qui l’amena à se prononcer alors contre le traité de
Maastricht), puis balladurien pour pouvoir rentrer au gouvernement, puis
chiraquien pour y rester et enfin sarkozyste pour occuper Matignon (ce qui
l’amena à faire adopter en catimini le traité de Lisbonne que les Français
avaient pourtant rejeté). En devenant filloniste dans le cadre de cette
campagne présidentielle, M. Fillon a enfin jeté le masque : il roule pour
lui et pour lui seul, peu importe les renoncements et les virages à 180°. Se
servir et non pas servir. Il n’est donc en fait qu’une triste copie de son
ancien maître, Nicolas Sarkozy, avec lequel il partage la même passion :
celle de l’argent.
M. Fillon voulait se construire une figure morale de chrétien austère.
Il n’est qu’un petit coq de basse-cour, les deux pattes plantées dans le
« fumier du diable ».
Tout cela, donc, ne distingue guère M. Fillon de l’immense majorité du
personnel politicien qui s’est accaparé les prébendes et les petits plaçous
depuis plus de trente ans et a lentement mais surement transformé la Ve
République en oligarchie. Tout cela aurait pu être presque pardonnable. S’il ne
s’était agi dans le même temps de mettre les Français à la diète la plus sévère
en détruisant leurs services publics et leur système de santé[ix].
Et encore plus, s’il ne s’était agi de construire un programme politique toute
en accointances avec les puissances d’argent, dont son ami, M. de Castries,
n’est qu’un des représentants parmi d’autres[x].
Car, encore une fois, ce n’est que de cela qu’il s’agit : de simples
affaires d’argent.
Ce qui nous ramène encore une fois au général de Gaulle qui au
crépuscule de sa vie confiait à André Malraux que « les Français ont toujours eu du mal à se débrouiller entre leur désir
des privilèges et leur goût de l’égalité ! Mais au milieu de tout ce joli
monde, mon seul adversaire, celui de la France, n’a aucunement cessé d’être
l’argent ».[xi] François
Fillon a, sans doute depuis longtemps, choisi son camp. Et ce n’est pas celui du
général de Gaulle. Ce n’est pas celui de la France. C’est celui du parti de
l’argent.
[i] cité par
Dominique Jamet, De la Libération à Sarkozy, l’éternel retour, Marianne,
29/08/12.
[ii] Lire l’œil
de Brutus, Fillon,
Macron : l’austérité, c’est pour les autres, 05/02/2017.
[iii] François
Fillon et les légions d'honneur bien placées, Laurence Dequay, Marianne, 08-févr-17.
[iv] Lire Renaud
Lecadre , Luc Peillon et Pauline Moullot,
Fillon et ses amis, la vie en colloques, Libération, 16/02/2017.
[v] Cf. Hervé
Liffran, "Le confidentiel dépense de Fillon", Le Canard Enchaîné
n°4623, 3 juin 2009. Recension sur politique.net : http://www.politique.net/2009060301-appartement-de-francois-fillon.htm
[vi] Lire Matthieu
Le Crom , Les
dépenses scandaleuses de l’austère couple Fillon, Le Vent se lève,
24/012017.
[vii] Lire Fillon
et sa famille invités du régime Moubarak pour leurs vacances de Noël, La
Dépêche, 08/02/2011.
[viii] Le
travail en lui-même ne saurait représenter une « valeur » (sinon les
esclaves seraient les plus valeureux des humains). L’effort ou plutôt le goût
de l’effort peut, lui, représenter une valeur. Mais cela n’a rien à voir avec
le travail qui représente surtout le contingentement matériel de l’être humain
(l’homme est contraint de travailler pour assurer sa subsistance matérielle) et
situe donc aux antipodes de l’élévation spirituelle et/ou intellectuelle, du
dégagement des contingences matérielles qui distingue l’homme de l’animal.
Ironie de la chose, les ultralibéraux à la Fillon (ou à
la Sarkozy) partage cette obsession (de façade) du travail avec les … marxistes !
[ix] Lire l’œil
de Brutus, Fillon,
Macron : l’austérité, c’est pour les autres, 05/02/2017.
[x] Lire :
De qui François
Fillon est-il le prête-nom ?, François Denord et Paul Lagneau-Ymonet,
Le Monde diplomatique, février 2017 ;
François
Fillon : le candidat des banquiers et des grands patrons, c'est lui,
Etienne Girard, Marianne, 23/11/2016.
[xi] Charles de
Gaulle, cité par André Malraux, Les
chênes qu'on abat, Folio 1974, page 108
"Ce qui nous ramène encore une fois au général de Gaulle qui au crépuscule de sa vie confiait à André Malraux que « les Français ont toujours eu du mal à se débrouiller entre leur désir des privilèges et leur goût de l’égalité ! Mais au milieu de tout ce joli monde, mon seul adversaire, celui de la France, n’a aucunement cessé d’être l’argent »"
RépondreSupprimerAttention, vous allez vous faire engueuler par Herblay, qui va vous faire remarquer qu'on n'est pas sûr car ce sont des propos privés.
Ah...tiens ? Non ?