Billet invité de Marc Rameaux, auteur de
« L’homme moderne »
Bombardement
d’Alep
Méthodologie à la façon du Decodex :
Fact-checking : un hôpital d’Alep Est, zone tenue par la
résistance à Bachar El-Assad, a été bombardé par l’aviation russe et par les
forces loyalistes. Plusieurs dizaines de malades alités ont été tués, parmi
lesquels des enfants en cours de soin, y compris pendant des opérations
chirurgicales.
Evaluation : Pastille rouge ou à minima orange à l’encontre de ceux
qui auraient des réserves quant à l’information précédente, purement factuelle.
Ceux qui nient cette réalité sont des affidés de Bachar El-Assad ou des
Poutiniens en mal de régimes autoritaires, à l’encontre de nos sociétés
ouvertes et démocratiques.
Méthodologie proposée par
« l’Orque » :
Fait observé à l’origine : un hôpital d’Alep Est, zone tenue par la
résistance à Bachar El-Assad, a été bombardé par l’aviation russe et par les
forces loyalistes. Plusieurs dizaines de malades alités ont été tués, parmi
lesquels des enfants en cours de soin, y compris pendant des opérations
chirurgicales.
- La « résistance » située dans les
quartiers Est d’Alep est constituée en grande partie de combattants se réclamant
de Daesh, d’Al Quaïda ou d’autres factions islamistes dures.
- Les populations civiles de ces quartiers
sont prises en otage par les précédents « résistants », qui mélangent
à dessein des zones civiles sensibles (hôpitaux, écoles, …) avec leurs postes
militaires, selon la technique éprouvée des « boucliers humains ».
- Ces situations de prise d’otages ont déjà
été rencontrées par les forces militaires occidentales, à Mossoul ou en
Afghanistan. Celles-ci n’ont pas fait mieux que les forces militaires russes,
occasionnant des pertes civiles importantes, y compris dans des hôpitaux et
touchant des enfants.
- Les zones touchées à Alep représentent au
maximum un tiers de la ville (et non la totalité d’ « Alep qui se
meurt »). Quelques mois auparavant, les populations d’Alep Ouest ont subi
d’importantes frappes tuant aveuglément des civils, notamment les quartiers
chrétiens de la ville, de la part des « résistants » d’Alep Est.
- L’Arabie saoudite mène actuellement des
raids militaires au Yémen, commettant des violations humanitaires au moins
aussi graves et aussi massives que celles perpétrées en Syrie. Les réactions
des gouvernements occidentaux et de leurs chancelleries sont de bien moindre
portée, s’agissant de l’Arabie saoudite : peu ou pas de protestations,
aucune sanction, blocus ou veto. L’ONU avait inscrit la coalition militaire
arabe opérant au Yémen sur sa liste noire de pays et organisations violant les
droits des enfants, … avant de la retirer sous la pression diplomatique de
Riyad.
Interprétation proposée ou
« story-telling » : La situation
actuelle de la Syrie est le résultat d’actions menées par les puissances
occidentales visant à déstabiliser le pouvoir en place, comme cela a été le cas
en Irak et en Lybie. L’objectif était de mettre fin à des dictatures, mais
aucune véritable mesure d’accompagnement n’a été prise, ni analyse préalable
des différentes forces en présence ou de l’équilibre fragile des communautés au
sein du pays.
Il n’y a pas eu non plus de tentative de
conserver quelques hommes du précédent régime s’étant repentis, afin de
maintenir un minimum de structure pendant la phase de transition : comme
le montre l’excellent film « Green Zone », il en a été de même en
Irak, où un compromis trouvé avec d’anciens cadres baasistes aurait évité de
faire sombrer le pays dans le chaos. On peut n’avoir aucune sympathie pour Bachar
El-Assad mais se rappeler que la politique est l’art de la moins mauvaise solution.
Après avoir provoqué intégralement le chaos
dont nous nous indignons, et restant dans une inaction larmoyante
proportionnelle à l’activisme que nous avons démontré pour mettre à genoux un
pays, nous crions d’autant plus fort que nous nous savons entièrement
responsables de ce que subissent aujourd’hui les populations civiles syriennes,
leurs enfants au premier chef. Pour consacrer cette bonne conscience qui en
déguise une très mauvaise, nous laissons les Russes faire le « sale
travail », pourtant le seul responsable et réaliste, nous permettant de
les charger de nos propres fautes.
Evaluation :
Aucune. L’honnêteté intellectuelle ne consiste pas à prétendre avoir le point
de vue « objectif » contre les idéologies, mais d’admettre la
partialité de son propre point de vue pour le confronter à la réalité, à
égalité de ceux des autres. Il faut faire confiance au libre arbitre des hommes
qui jugeront d’eux-mêmes l’interprétation qui semble la plus solide et la plus
résistante aux secousses de la réalité.
Retrouvez aussi le blog d’Olivier Berruyer, les Crises, sur sa page Facebook
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