Billet invité de Marc Rameaux, auteur
de « L’homme moderne », suite de la
première partie
Conséquences
économiques du protectionnisme
Méthodologie à la façon du Decodex :
Fact-checking : Source « Le Point », article de
Pierre-Antoine Delhommais : En 2015, les exportations françaises représentaient
28 % du PIB, contre environ 20 % au début des années 1990. Le chiffre
d'affaires à l'exportation des entreprises du secteur marchand (hors
agriculture et services financiers) s'élevait à 608 milliards d'euros, soit
28 % du chiffre d'affaires global des 222 700 entreprises
exportatrices. Dans le secteur de l’industrie française, le taux
d’exportation atteint 40%.
Commentaire :
Les chiffres des entreprises françaises à l’exportation montrent clairement que
toute mesure protectionniste (par ex une élévation des droits de douane)
provoquerait des mesures de rétorsion de la part des pays importateurs de nos
produits, et une contraction massive de notre chiffre d’affaires à l’export.
Inversement, la présence française à
l’étranger par le biais de délocalisations nous rend compétitifs sur les prix,
diminue nos coûts de transport et permet de s’adapter aux besoins des clients
locaux.
Evaluation : Pastille rouge ou orange à l’encontre de ceux qui
discutent de cette vérité purement factuelle et objective : l’économie
ouverte et mondialisée est la seule garante de la prospérité, sans alternative
possible. Ceux qui contestent la mondialisation et ses bénéfices sont de toutes
façons fermés sur le plan humain, pas seulement sur le plan économique :
ce sont les mêmes qui appellent au repli sur soi, refusent l’accueil des
migrants, votent pour des partis populistes ou xénophobes.
Méthodologie proposée par
« l’Orque » :
Fait observé à l’origine : Source « Le Point », article de
Pierre-Antoine Delhommais : En 2015, les exportations françaises
représentaient 28 % du PIB, contre environ 20 % au début des années
1990. Le chiffre d'affaires à l'exportation des entreprises du secteur marchand
(hors agriculture et services financiers) s'élevait à 608 milliards d'euros,
soit 28 % du chiffre d'affaires global des 222 700 entreprises
exportatrices. Dans le secteur de l’industrie française, le taux
d’exportation atteint 40%.
À l'inverse, les entreprises françaises
multinationales emploient à l'étranger dans plus de 30 000 filiales 5,4
millions de salariés, dont 3,7 millions par les 135 plus grands groupes. Elles
y réalisent 1 240 milliards d'euros de chiffre d'affaires, soit plus de la
moitié (53 %) de leur chiffre d'affaires total.
Faits interdépendants du premier fait :
- La production manufacturière européenne a
globalement régressé entre 1998 et 2015, à l’exception de l’Allemagne.
L’Italie, l’Espagne, la France et dans une moindre mesure la Grande-Bretagne
ont reculé pendant cette période. Le marché européen a profité à un seul de ses
acteurs majeurs. Source Xerfi, voir chiffres sur le graphique suivant : Xerfi Production industrielle européenne
- Le gouvernement fédéral américain est
intervenu en 2009 par une subvention de 25 Milliards de dollars afin de sauver
General Motors et Chrysler de la faillite.
- En 2007, le congrès américain promulgue le
« Foreign investment and National Security Act », limitant fortement
le rachat d’entreprises américaines par des firmes étrangères, dès lors que des
« activités stratégiques » touchant aux intérêts américains sont en
jeu. Cette formulation floue a permis de protéger entre autres le secteur du
digital, de l’immobilier ou des hôpitaux privés contre une série d’acquisitions
par des investisseurs chinois, débordant largement le cadre de la sécurité
nationale et des activités militaires.
- Ariane et Airbus sont des réussites
antérieures à la création de la commission européenne. Elles sont issues non de
l’UE, mais d’une association libre entre états souverains. Citer une seule
réussite d’un grand projet industriel du même ordre due à l’UE, porte-étendard
de la mondialisation.
- Le 26 février 2016, la Commission européenne a empêché un rapprochement des activités spatiales d’Ariane et Airbus, au nom de la « libre concurrence », évitant la création d’un géant européen du spatial qui aurait une position dominante vis-à-vis des autres blocs économiques. A noter que SpaceX est largement favorisée par la NASA, ou encore que le secteur spatial de Boeing est fortement soutenu par l’état fédéral américain.
Interprétation proposée ou « story-telling » :
Nous sommes en économie ouverte et cela est
très bien ainsi : selon le principe des avantages comparatifs de Ricardo,
l’ouverture des marchés pour des échanges de biens est profitable aux deux pays
effectuant les transactions. En revanche les règles de l’économie ouverte sont
un peu plus complexes que l’idée unique « ouvrons toutes les frontières,
mettons tout en concurrence partout et en permanence », répétée comme un
mantra.
Il n’y a pas une seule mais deux idées à
retenir des avantages comparatifs de Ricardo. La première, celle qui est
enseignée partout, montre le bénéfice mutuel des échanges commerciaux. La
seconde est que les avantages comparatifs ne fonctionnent que si les deux pays
en présence sont capables de se différencier dans leurs
performances de production.
Les avantages comparatifs fonctionnent à la
façon d’une pile électrique. Il faut deux bornes, et une différence de
potentiel pour que l’énergie circule. Si les deux pays n’ont plus rien pour se
différencier, il n’en résulte aucun bénéfice mutuel, l’économie est atone et
« aplatie », seule subsiste la concurrence sur les prix, destructrice
de valeur.
Le maintien de cette différenciation requiert
de protéger son savoir-faire industriel, ses procédés de conception et de
fabrication. S’il est inepte de recourir à un protectionnisme sur les biens
marchands, il est indispensable de le faire sur les connaissances et les
savoir-faire. Schumpeter avait déjà introduit la notion de
« quasi-rente », nécessaire à l’entrepreneur : si la concurrence
est appliquée trop vite et trop tôt, celui qui a une bonne idée n’en touche
aucune rétribution, l’économie devient décourageante et atone. Si elle est
appliquée trop tard, l’avantage comparatif dégénère en abus de position
dominante.
La compétitivité en qualité, qui retarde le
moment de la mise en concurrence, et la compétitivité prix, qui pousse à ce que
la concurrence intervienne le plus vite possible, sont la tension
contradictoire qui est le moteur de l’économie. Les USA ont très bien compris
ceci, ne cessant d’appliquer un protectionnisme et un interventionnisme
conséquent sur leurs connaissances et savoir-faire, et ceci bien avant Trump.
Par dogmatisme de la « concurrence pure et parfaite », la commission
européenne attise la mise en concurrence permanente et en temps réel au nom de
« l’information parfaite », rendant l’économie atone.
Il est fréquemment objecté qu’en matière de
recherche et d’innovation, échapper à la concurrence rend
« paresseux » et ralentit l’initiative. On peut exactement retourner
cet argument : une mise en concurrence permanente oblige à révéler ses
nouvelles idées dès qu’elles sont émises, décourageant d’en avoir.
L’innovateur qui échappe temporairement à la
concurrence ne va pas ralentir : bien au contraire, il mettra les bouchées
doubles dans son effort de recherche en profitant de cette aubaine, de façon à
arriver avec le maximum d’effet lorsqu’il sera sur le marché, ce qui est de
toutes façons inéluctable. Obtenir un temps d’avance pour bénéficier d’une
position dominante est la clé de toute stratégie. Les raisonnements néo-libéraux
en économie analysent de façon binaire des choix qui seraient fait ad vitam
aeternam, sans la temporalité qui nous fait alterner protection de nos
connaissances et mise sur le marché de façon à en maximiser l’effet.
Evaluation :
Aucune. L’honnêteté intellectuelle ne consiste pas à prétendre avoir le point
de vue « objectif » contre les idéologies, mais d’admettre la
partialité de son propre point de vue pour le confronter à la réalité, à
égalité de ceux des autres. Il faut faire confiance au libre arbitre des hommes
qui jugeront d’eux-mêmes l’interprétation qui semble la plus solide et la plus
résistante aux secousses de la réalité.
Retrouvez aussi le blog d’Olivier Berruyer, les Crises, sur sa page Facebook
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