vendredi 3 mars 2017

DECODEX : Le niveau zéro de la déontologie – partie 2 (billet invité)

Billet invité de Marc Rameaux, auteur de « L’homme moderne », suite de la première partie



Conséquences économiques du protectionnisme

Méthodologie à la façon du Decodex :

Fact-checking : Source « Le Point », article de Pierre-Antoine Delhommais : En 2015, les exportations françaises représentaient 28 % du PIB, contre environ 20 % au début des années 1990. Le chiffre d'affaires à l'exportation des entreprises du secteur marchand (hors agriculture et services financiers) s'élevait à 608 milliards d'euros, soit 28 % du chiffre d'affaires global des 222 700 entreprises exportatrices. Dans le secteur de l’industrie française, le taux d’exportation atteint 40%.

À l'inverse, les entreprises françaises multinationales emploient à l'étranger dans plus de 30 000 filiales 5,4 millions de salariés, dont 3,7 millions par les 135 plus grands groupes. Elles y réalisent 1 240 milliards d'euros de chiffre d'affaires, soit plus de la moitié (53 %) de leur chiffre d'affaires total. 

Commentaire : Les chiffres des entreprises françaises à l’exportation montrent clairement que toute mesure protectionniste (par ex une élévation des droits de douane) provoquerait des mesures de rétorsion de la part des pays importateurs de nos produits, et une contraction massive de notre chiffre d’affaires à l’export.

Inversement, la présence française à l’étranger par le biais de délocalisations nous rend compétitifs sur les prix, diminue nos coûts de transport et permet de s’adapter aux besoins des clients locaux.

Evaluation : Pastille rouge ou orange à l’encontre de ceux qui discutent de cette vérité purement factuelle et objective : l’économie ouverte et mondialisée est la seule garante de la prospérité, sans alternative possible. Ceux qui contestent la mondialisation et ses bénéfices sont de toutes façons fermés sur le plan humain, pas seulement sur le plan économique : ce sont les mêmes qui appellent au repli sur soi, refusent l’accueil des migrants, votent pour des partis populistes ou xénophobes.

Méthodologie proposée par « l’Orque » :

Fait observé à l’origine : Source « Le Point », article de Pierre-Antoine Delhommais : En 2015, les exportations françaises représentaient 28 % du PIB, contre environ 20 % au début des années 1990. Le chiffre d'affaires à l'exportation des entreprises du secteur marchand (hors agriculture et services financiers) s'élevait à 608 milliards d'euros, soit 28 % du chiffre d'affaires global des 222 700 entreprises exportatrices. Dans le secteur de l’industrie française, le taux d’exportation atteint 40%.

À l'inverse, les entreprises françaises multinationales emploient à l'étranger dans plus de 30 000 filiales 5,4 millions de salariés, dont 3,7 millions par les 135 plus grands groupes. Elles y réalisent 1 240 milliards d'euros de chiffre d'affaires, soit plus de la moitié (53 %) de leur chiffre d'affaires total.

Faits interdépendants du premier fait :

- La production manufacturière européenne a globalement régressé entre 1998 et 2015, à l’exception de l’Allemagne. L’Italie, l’Espagne, la France et dans une moindre mesure la Grande-Bretagne ont reculé pendant cette période. Le marché européen a profité à un seul de ses acteurs majeurs. Source Xerfi, voir chiffres sur le graphique suivant : Xerfi Production industrielle européenne

- Le gouvernement fédéral américain est intervenu en 2009 par une subvention de 25 Milliards de dollars afin de sauver General Motors et Chrysler de la faillite.

- En 2007, le congrès américain promulgue le « Foreign investment and National Security Act », limitant fortement le rachat d’entreprises américaines par des firmes étrangères, dès lors que des « activités stratégiques » touchant aux intérêts américains sont en jeu. Cette formulation floue a permis de protéger entre autres le secteur du digital, de l’immobilier ou des hôpitaux privés contre une série d’acquisitions par des investisseurs chinois, débordant largement le cadre de la sécurité nationale et des activités militaires.

- Ariane et Airbus sont des réussites antérieures à la création de la commission européenne. Elles sont issues non de l’UE, mais d’une association libre entre états souverains. Citer une seule réussite d’un grand projet industriel du même ordre due à l’UE, porte-étendard de la mondialisation.

- Le 26 février 2016, la Commission européenne a empêché un rapprochement des activités spatiales d’Ariane et Airbus, au nom de la « libre concurrence », évitant la création d’un géant européen du spatial qui aurait une position dominante vis-à-vis des autres blocs économiques. A noter que SpaceX est largement favorisée par la NASA, ou encore que le secteur spatial de Boeing est fortement soutenu par l’état fédéral américain.

Interprétation proposée ou « story-telling » :

Nous sommes en économie ouverte et cela est très bien ainsi : selon le principe des avantages comparatifs de Ricardo, l’ouverture des marchés pour des échanges de biens est profitable aux deux pays effectuant les transactions. En revanche les règles de l’économie ouverte sont un peu plus complexes que l’idée unique « ouvrons toutes les frontières, mettons tout en concurrence partout et en permanence », répétée comme un mantra.

Il n’y a pas une seule mais deux idées à retenir des avantages comparatifs de Ricardo. La première, celle qui est enseignée partout, montre le bénéfice mutuel des échanges commerciaux. La seconde est que les avantages comparatifs ne fonctionnent que si les deux pays en présence sont capables de se différencier dans leurs performances de production.

Les avantages comparatifs fonctionnent à la façon d’une pile électrique. Il faut deux bornes, et une différence de potentiel pour que l’énergie circule. Si les deux pays n’ont plus rien pour se différencier, il n’en résulte aucun bénéfice mutuel, l’économie est atone et « aplatie », seule subsiste la concurrence sur les prix, destructrice de valeur.

Le maintien de cette différenciation requiert de protéger son savoir-faire industriel, ses procédés de conception et de fabrication. S’il est inepte de recourir à un protectionnisme sur les biens marchands, il est indispensable de le faire sur les connaissances et les savoir-faire. Schumpeter avait déjà introduit la notion de « quasi-rente », nécessaire à l’entrepreneur : si la concurrence est appliquée trop vite et trop tôt, celui qui a une bonne idée n’en touche aucune rétribution, l’économie devient décourageante et atone. Si elle est appliquée trop tard, l’avantage comparatif dégénère en abus de position dominante.

La compétitivité en qualité, qui retarde le moment de la mise en concurrence, et la compétitivité prix, qui pousse à ce que la concurrence intervienne le plus vite possible, sont la tension contradictoire qui est le moteur de l’économie. Les USA ont très bien compris ceci, ne cessant d’appliquer un protectionnisme et un interventionnisme conséquent sur leurs connaissances et savoir-faire, et ceci bien avant Trump. Par dogmatisme de la « concurrence pure et parfaite », la commission européenne attise la mise en concurrence permanente et en temps réel au nom de « l’information parfaite », rendant l’économie atone.

Il est fréquemment objecté qu’en matière de recherche et d’innovation, échapper à la concurrence rend « paresseux » et ralentit l’initiative. On peut exactement retourner cet argument : une mise en concurrence permanente oblige à révéler ses nouvelles idées dès qu’elles sont émises, décourageant d’en avoir.

L’innovateur qui échappe temporairement à la concurrence ne va pas ralentir : bien au contraire, il mettra les bouchées doubles dans son effort de recherche en profitant de cette aubaine, de façon à arriver avec le maximum d’effet lorsqu’il sera sur le marché, ce qui est de toutes façons inéluctable. Obtenir un temps d’avance pour bénéficier d’une position dominante est la clé de toute stratégie. Les raisonnements néo-libéraux en économie analysent de façon binaire des choix qui seraient fait ad vitam aeternam, sans la temporalité qui nous fait alterner protection de nos connaissances et mise sur le marché de façon à en maximiser l’effet.


Evaluation : Aucune. L’honnêteté intellectuelle ne consiste pas à prétendre avoir le point de vue « objectif » contre les idéologies, mais d’admettre la partialité de son propre point de vue pour le confronter à la réalité, à égalité de ceux des autres. Il faut faire confiance au libre arbitre des hommes qui jugeront d’eux-mêmes l’interprétation qui semble la plus solide et la plus résistante aux secousses de la réalité.


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