Billet invité de l’œil
de Brutus
Cette analyse est pour
l’essentiel issue de la lecture Jean-Pierre Chevènement, Un Défi de
civilisation, Fayard 2016, pages 90 à 105
Début 1982, alors que
l’application de son programme politique génère de fortes tensions sur les
marchés de change (notamment des spéculations contre le Franc et des fuites
importantes de capitaux), François
Mitterrand se trouve face à dilemme : sortir du SME pour restaurer la
compétitivité de l’économie française ou y rester pour préserver cet
« acquis » européen.
Toutefois, partiellement
accrochée au deutsche mark par le SME, l’économie française s’est dégradée en
compétitivité par rapport à son partenaire d’Outre-Rhin du fait de la relative
fixité des taux de changes alors que les deux économies sont soumises à des
taux d’inflation différents. Cet écart n’a pu être résorbé par les deux
mini-dévaluations obtenues par Jacques Delors peu après l’élection de François
Mitterrand. Or, en l’absence d’une nouvelle dévaluation monétaire, le
gouvernement français n’a pas d’autre perspective que la dévaluation interne,
c’est-à-dire la désinflation compétitive, donc – déjà ! – la politique de
rigueur. Pourtant, dès sa création en 1979, le SME avait été condamné par le
parti socialiste. Trois ans, plus tard, au sein du gouvernement socialiste,
Chevènement, Fabius et Jobert – partisans d’une sortie du SME – s’opposent au
premier ministre et à Jacques Delors, partisans de l’orthodoxie libérale (lutte
contre l’inflation et les déficits budgétaires) et qui, derrière le dogme du
Franc fort, entrevoient probablement déjà les perspectives de la monnaie
unique.
Au regard de François Mitterrand,
il est toutefois un avis qui compte plus que celui de ses ministres :
celui de Jean Riboud, le patron de Schlumberger. Celui-ci partage la ligne
Chevènement-Fabius-Jobert. Mais François Mitterrand se retrouve acculé par
Mauroy et Delors qui refusent de participer à un gouvernement qui ferait le
choix de quitter le SME et prend donc le parti de la « solidarité
européenne » en demeurant accroché au deutsche mark. C’est un choix qui,
pressent Chevènement, pèsera lourd contre les intérêts de l’industrie française
et il dépose donc sa démission du gouvernement.
L’orientation prise à cette
époque par François Mitterrand est capitale : s’il avait fait le choix de
quitter le SME, il est possible, voire probable, que l’euro n’aurait alors
jamais vu le jour mais surtout il est évident que l’économie française aurait
pu bien plus efficacement lutter contre sa désindustrialisation. De même, la
libéralisation des mouvements de capitaux n’aurait sans doute pas pris une
telle ampleur et il est possible que Jacques Delors n’eut jamais été président
de la Commission européenne.
C’est aussi, bien évidemment, à
partir de ce choix de François Mitterrand que l’exaltation de l’Europe a été
utilisée par la gauche pour masquer ses renoncements sur les questions
économiques et sociales.
Puis, à partir de l’Acte unique, ce
sont en catimini de centaines de directives qui furent intégrées dans le droit
français au nom de la concurrence « libre et non faussée ». Jean-Pierre
Chevènement relate ainsi qu’en 1989 le Conseil des ministres fut médusé
d’appendre la transcription d’une directive qui libéralisait les mouvements de
capitaux non seulement à l’intérieur de la Communauté européenne, mais aussi
avec les pays tiers.
Par la suite, François Mitterrand
n’a pas fait grand-chose pour retourner l’histoire. Il a ainsi accepté d’Helmut
Kohl la suppression de la clause d’harmonisation de la fiscalité sur l’épargne,
préalable à la libéralisation des mouvements de capitaux et autorisant ainsi
les pratiques de dumping fiscal de l’Irlande, du Luxembourg et des Pays-Bas. On
constatera en outre un parfait décalque entre les textes du traité de
Maastricht relatifs à la mise en place et ceux définissant le fonctionnement du
Deutsche mark et de la Bundesbank. L’euro était dès lors déjà en genèse …
L'idée d'une monnaie unique est déjà présente sous l'Occupation, dans les milieux industriels et financiers. C'est notamment indiqué dans le livre la France à l'heure allemande, du Suisse Philippe Burrin.
RépondreSupprimerMais, bien sûr, un Herblay trouvera toujours plus recommandable de discuter avec les héritiers de Vichy en ce sens-là qu'avec les présumés héritiers de Vichy du FN.
Serait-il un lemming, au sens de l'article suivant ? En tout cas, il est clair qu'il ne veut surtout, surtout, surtout rien changer.
http://www.causeur.fr/emmanuel-macron-mondialisation-france-peripherique-44948.html
Un petit rappel que bien des gens ignorent, une politique de rigueur pour sauver un dogme monétaire!
RépondreSupprimerChevènement, tout un symbole "souverainiste" et de "petits arrangements, l'appanage des Pétainistes" comme dirait récemment Henri Guaino (lol venant de lui, l'hôpital qui se fout de la charité).
RépondreSupprimerLa maladie apparente des soit-disant "souverainistes", qui pour se maintenir vivants n'hésitent pas à faire les pires arrangements avec ceux qu'ils dénoncent (ouha, j'ai mal ! Chevènement, Séguin, Pasqua, Chirac, Villepin, Fillon, etc, etc...)
Le Che a su démissionner pour créer le buzz, soit, mais est-ce que cela a vraiment eu un impact sur la vie politique française ? Ça semble avoir créé sa légende, dont les djeunes "souverainistes" se gargarisent, tout au plus, et après...
Et maintenant, il semble bien indulgeant et bienveillant envers Macron, dit le Mac, il veut un autre poste ronflant pour terminer sa carrière bien rémunérée, merci les "con"tribuables, dans son bel appart près de la rue des Grands Hommes, 120 m2 payés 2.000 euros, prix d'ami...???
Pitoyable.
Certains politiques "sont à vomir" pour paraphraser l'"ami" Guaino qui est à ranger dans le même sac, même si parfois il peut nous faire rire. Il dit certaines choses que tout le monde pense, et a toujours pensé depuis des siècles, avec un minimum de jugement, mais venant de lui, bien au chaud à la Cour des Comptes, ayant suivi le Sarko, "héro" pour un temps du "cercle de la raison" et s'étant présenté devent cet électorat "à vomir" car faisant partie de cette circonscription, c'est savoureux.
Maintenant ça n'est plus que du bonheur Henri, si tu arrives à surmonter cette "épreuve". Une retraite tant méritée...
***Jacko***