Après avoir montré comment
la globalisation néolibérale affaiblit nos démocraties tout en
attaquant notre modèle républicain, Natacha Polony et ses co-auteurs,
sensibles aux leçons de Georges Orwell dans 1984, se penchent également sur le rôle des mots dans le
débat public,
un thème qui m’est cher. Ils apportent une
contribution intéressante, qui appelle au débat.
Combat de postures biaisées
Les auteurs apportent une distinction
particulièrement utile au débat public : « la globalisation, qui rime avec uniformisation (…) (la) vision d’un
monde global réuni autour de mêmes normes, de mêmes règles, de mêmes principes
(…) La mondialisation, c’est autre chose. Il s’agit (…) de découvrir les
autres, de s’enrichir de leurs apports et réciproquement (…) La mondialisation,
c’est l’échange dans la diversité ». Ce faisant, ils permettent de
sortir du débat artificiel et caricatural entre « fermés » et « ouverts »,
en montrant que la forme actuelle de la mondialisation n’est qu’une variante
parmi bien des possibles. On peut être ouvert à la mondialisation en protégeant
ses spécificités tout en refusant une règle unique uniformisante et
anti-démocratique, comme
le font le Japon, la Corée du Sud et la Chine.
Mais le choix de certains termes est contestable.
Pourquoi parler de « paradis
fiscal » et non de « parasite », tant le premier
accrédite leur recours. Idem sur les notions d’optimisation et d’évasion fiscale, que je préfère remplacer par
« désertion fiscale » ou
« vol pseudo légal », qui
me semblent bien mieux caractériser leur nature. Enfin, je suis de plus en
plus circonspect à l’égard du terme « néolibéralisme », auquel je préfère
« ultra-libéralisme », qui me semble mieux indiquer ses excès. Enfin en parlant de « la globalisation (…), terreau du populisme,
des extrémismes », ils font un lien malheureux entre le terme complexe
de populisme et l’extrémisme, auquel il me semble délicat
de le réduire.
Sur le FN, ils parlent d’« exaspération d’un corps électoral qui ne raisonne plus »,
basculant dans le discours de ceux qui en font un vote irréfléchi, alors qu’il n’est
probablement pas moins rationnel que les autres. Plus globalement, je reste
très circonspect sur le choix du titre et du sous-titre « Bienvenue dans le pire des mondes. Le
triomphe du soft totalitarisme ». Parler de « pire des mondes » n’est-il pas un
peu excessif et ne pourrait-il pas amoindrir la portée du propos pourtant très
intéressant du livre en braquant ceux qui pensent que nous ne sommes pas prêts
de vivre dans le pire des mondes ? Il en va de même pour « totalitarisme », qui me semble bien
fort à une époque où il y a bien pire.
Cela n’enlève rien au grand intérêt de ce livre très
complet, qui montre les connections qui existent entre des sujets si divers,
mais le choix du titre pourrait malheureusement en limiter sa portée. Et si le
fait d’ouvrir les yeux sur les réalités de notre époque poussait à un
pessimisme excessif qui protégeait malgré lui les causes de nos problèmes en ne rendant pas leur
critique audible par une majorité ?
Source : Natacha Polony et le comité Orwell,
« Bienvenue dans le pire des
mondes », Plon
J'ai une interprétation qui diffère légèrement. Les "paradis fiscaux" n'ont d'autre but que d'obliger les Etats à emprunter toujours plus sur les "marchés financiers" contrôlés par cette oligarchie, et s'endetter davantage, donc aller plus vite vers la servitude (demandez aux grecs)
RépondreSupprimerJe pense que "le pire des mondes" est une allusion directe "au meilleur des mondes" d'A Uxley vers lequel nous nous dirigeons à grands pas. Quant au "totalitarisme", c'est bien de celà dont il s'agit lorsque on laisse l'apparence de la démocratie (élections) tout en contrôlant l'opinion publique par les médias, ce qui permet de faire élire le candidat choisi par cette oligarchie (Une petite restriction pour le cas Trump, car je pense qu'ils ont raté leur coup, mais qui sait?)
@ Cliquet
RépondreSupprimerJe ne crois pas à une explication a priori. 40% de la dette Japonaise est détenue par la BoJ, environ un quart de celle des USA par la Fed, et de celle de la GB par la BoE...
Bien sûr, j'avais vu l'allusion, mais je pense que c'est un peu excessif et un peu contreproductif. L'évolution du Dow Jones depuis l'élection de Trump modère ce jugement.
"Nous payons un chauffeur 50 euros par jour. Si nous devons le payer 80 euros comme en France, nous ferons faillite et nos camionneurs iront travailler ailleurs", renchérit Gueorgui Tsanov, directeur d'une entreprise bulgare de transport routier."
RépondreSupprimerTiens tiens...
Alors comme cela si on met les transporteurs routiers bulgares et roumains sur un pied d'égalité avec leurs concurrents français ils ne pourront pas résister.
Donc leur modèle économique repose sur une distorsion de concurrence.
https://fr.yahoo.com/news/travail-d%C3%A9tach%C3%A9-routiers-roumains-bulgares-contre-protectionnisme-fran%C3%A7ais-063143695--finance.html
Et cela veut dire aussi que ce sont les entreprises françaises qui sont les plus compétitives. Par définition l'entreprise la plus compétitive est celle qui gagne quand la compétition n'est pas truquée et que les règles sont les mêmes pour tous.
Ivan