Sans doute
pour tenter à bon compte de faire oublier que les
premiers bénéficiaires du budget 2018 seront les milliardaires, le
gouvernement s’agite autour d’une meilleure taxation des géants du numérique.
Mais difficile de ne pas voir qu’il s’agit d’abord d’une posture et que rien
ne sortira de ces pseudo-initiatives, dont le passé nous montre bien qu’elles
ne mènent absolument à rien.
Des
conséquences et des causes
Bien sûr, il
serait souhaitable que les GAFA paient une juste contribution aux sociétés qui
les enrichissent. Une
évaluation rapide permet d’estimer que Microsoft évite 85 à 90% de l’impôt sur
les sociétés qu’il devrait payer en France en domiciliant son chiffre d’affaire
en Irlande. Mais il ne faut pas espérer que cette nouvelle initiative
permettra le moindre changement. D’abord, ce n’est pas la première : on
peut se souvenir de Nicolas
Sarkozy, annonçant la fin des parasites fiscaux en 2009. Plus récemment, c’est
l’OCDE qui avait annoncé des mesures après deux ans de négociation, qui n’ont
mené à rien. Le
cas Microsoft montre que rien n’a changé, voir même que la situation a
empiré depuis.
Alors bien
sûr, les
ministres se réunissent et font des déclarations martiales. Mais toutes les
annonces sont dérisoires. D’abord, les parasites fiscaux (Irlande, Luxembourg
et Pays-Bas notamment) n’y participent même pas. Comment changer quoique ce
soit dans un espace où biens et capitaux circulent sans la moindre contrainte
sans eux ? Bien sûr, les eurobéats en profiteront pour regretter le manque
de transfert de souveraineté. Mais on voit bien à qui profite ces transferts.
Pire encore, la
mesure annoncée, une taxation sur le chiffre d’affaire, et non les bénéfices,
est absolument dérisoire et montre bien que ceux qui nous gouvernent ne
poussent que des
solutions totalement superficielles.
Bien sûr, une
partie du problème vient du fait que les multinationales, par des jeux
comptables, domicilient une part plus importante de leurs bénéfices dans le
pays le moins-disant fiscalement, ce qu’une taxation sur le chiffre d’affaire
pourrait corriger. Malheureusement, ces jeux comptables peuvent également avoir
cours sur le chiffre d’affaire. Les
572 millions d’euros déclarés par Microsoft semblent en effet bien petits par
rapport au poids de notre pays. On peut estimer que la France génére plutôt 3 à
4,5 milliards d’euros. Une taxe sur son chiffre d’affaire officiel ne
porterait pas à conséquence. Il faudrait sans doute imposer la domiciliation du
CA dans le pays des clients pour se protéger.
Et comme
l’avait remarquablement bien dit Joseph Stiglitz il y a un an, il faut mettre
en quarantaine les parasites fiscaux, pour empêcher les manipulations
comptables des multinationales. Ce faisant, il
faut oublier mettre fin à l’anarchie économique promue par l’UE et rétablir de
vraies frontières, qui sont les seuls moyens pour mettre fin à ce vol
pseudo-légal où les plus riches, par le biais de la pression des actionnaires,
prennent à tous les autres. Malheureusement, parce que cela remet trop en cause
la doxa paresseusement acceptée par nos élites, rien d’important ne sera fait.
Mieux, les quelques mesurettes et oboles fiscales que verseront les
multinationales feront croire à la justice.
Les
solutions sont simples : fin de la libre-circulation des capitaux, mise
en quarantaine des parasites fiscaux, lois imposant la domiciliation des
revenus et reprise en main des normes comptables, trop importantes pour les
laisser aux mains des multinationales. Malheureusement, nos dirigeants se
contentent de brasser du vent, préférant sans doute avoir abandonné les leviers
de commande.
@Laurent Herblay
RépondreSupprimerSi vous êtes en quête de bonne lectures, je ne saurais trop vous recommander l'ouvrage tout récent de William Mitchell (économiste néochartaliste) et Thomas Fazi (politiste), Reclaiming the State : A Progressive Vision of Sovereignty for a post-Liberal World (Pluto Press, 2017). Un puissant plaidoyer, d'un point de vue de gauche, en faveur de l'État-nation souverain, cadre nécessaire de la démocratie comme du progrès économique et social. Voir ici, par Thomas Fazi, un résumé des thèses des auteurs : https://www.greeneuropeanjournal.eu/what-is-needed-is-a-progressive-vision-of-national-sovereignty/
YPB
intéressant !
SupprimerWilliam Mitchell tient aussi un excellent blog, très pédagogique (http://bilbo.economicoutlook.net/blog/) qui est devenu un de mes rendez-vous quotidiens. Il a procédé en particulier à une dissection de l'euro très éclairante.
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