Ce panorama
en neuf papiers des Etats-Unis en 2017 fait froid dans le dos, quand on rapproche
toutes les pièces du puzzle. Il confirme l’analyse faite
par Todd dès 2002, que ce pays va décliner au 21ème siècle et sera
de moins en moins un modèle. Et quand on cherche à résumer ce qu’est devenu ce pays, un terme
s’est imposé à moi : les Etats-Unis sont une jungle oligolibérale.
Le pays où
la liberté est devenue un luxe
Encore une
fois, le destin hors du commun de quelques personnalités ne doit pas faire
oublier que la pleine jouissance de la
liberté, aux Etats-Unis sans doute encore plus qu’ailleurs, ne concerne qu’une
minorité. Comme le décrit Christophe
Guilluy en France, il y a ces citoyens de la périphérie, qui ne peuvent que très
difficilement échapper à leur condition, coincés dans une maison qui
perdrait de sa valeur s’il la vendait et dont ils ne peuvent pas vraiment s’éloigner pour
continuer à pouvoir bénéficier du soutien familial pour s’occuper de leurs
enfants. Des individus abandonnés à un rapport de force trop inégal avec leur
employeur, entre droit du travail kleenex et salaire
minimum dérisoire.
Le Monde décrivait un pays où, huit ans après la crise, et
alors que l’économie semble proche du plein emploi (même si cela est relativisé
par le taux de participation au marché du travail, certaines personnes le
quittant plutôt que de s’inscrire au chômage) « les salaires stagnent et le travail est atomisé ». Le niveau des profits
semble être une illustration directe du rapport de force déséquilibré en faveur
du capital par rapport au travail. Les actionnaires ont gagné
la lutte économique et peuvent pressurer toujours plus les travailleurs pour
gagner toujours plus. Pire, cette lutte économique déséquilibrée fait physiquement des
victimes : ces « morts du désespoir », qui ont
doublé en 20 ans selon Angus Deaton.
La liberté ne
semble véritablement l’apanage que des classes supérieures outre-Atlantique, liberté de faire des études
(sans même trop travailler), de se soigner, de consommer. Les élites, qui se voient souvent plus
proches de la moyenne qu’elles ne le sont réellement, ont du mal à saisir à
quel point les classes populaires ont une liberté limitée. La liberté, c’est
aussi pour le monde des affaires, qui peut camoufler le
caractère OGM des produits qu’il vend (du saumon aux céréales) et a toujours
moins de contraintes, et toujours plus de droits, au point de pouvoir
poursuivre un Etat qui limite la consommation de cigarettes, comme l’a fait
Philip Morris en Australie, grâce aux tribunaux d’arbitrage.
Dans cette
jungle humaine, les puissants semblent faire ce qu’ils souhaitent. Et quoi de
plus logique dans un pays où la méfiance à l’égard de l’Etat est
instinctive ? C’est une des raisons du surarmement qui produit
un niveau de décès par armes à feu digne d’un pays en voie de développement
violent.
Cette société qui ne fait pas confiance à l’action collective produit
logiquement un individualisme extrême, violemment égoïste (les théoriciens de
l’ultralibéralisme en faisant même une vertu), où les individus atomisés ne peuvent
trouver du réconfort que dans leur communauté d’origine, sans même voir que cela mène
à une forme de ségrégation, que certains ont le culot de présenter comme de l’ouverture !
Les Etats-Unis ne sont plus
le pays de tous les possibles, sauf pour une infime minorité. Ce pays est devenu une
jungle violente où la force se mesure en dollars et où l’immense majorité n’a
aucune chance d’échapper à sa condition. C’est une société devenue si violente qu’un nombre grandissant et
significatif d’étasuniens, exploités et sans échappatoire, en finissent par
mourir de désespoir.
Heureusement, une foule grandissante est en train de faire le même constat. A nous avoir raconté tellement de sottises, les médias "main stream se sont décridibilisés. On commence à s=discerner que nous sommes dans un monde où les faux-monnayeurs ont pris un pouvoir sans partage, aidés par la cupidité de nos élites conscientes du phénomène et appuyés par ceux qui n'ont rien compris mais qui veulent continuer à faire croire qu'ils peuvent encore peser sur le cours des choses...
RépondreSupprimerMalheureusement, la France est sur la même pente que les Etats-Unis. Et on ne voit rien pour l'instant qui pourrait nous empêcher de dévaler cette pente. Au moins, un carnet comme celui-ci nous aide à comprendre ce qui nous arrive.
RépondreSupprimerLe libéralisme c'est le renard libre dans le poulailler libre.
RépondreSupprimerEtats-Unis :
RépondreSupprimer2007 : il y avait 300,2 millions d'habitants.
2017 : il y a 327,5 millions d'habitants.
Autrement dit : en dix ans, la population a augmenté de 27,3 millions d'habitants.
http://countrymeters.info/fr/United_States_of_America_(USA)
Et les salariés à temps plein ?
Octobre 2007 : il y avait 121,378 millions de salariés à temps plein.
Octobre 2017 : il y a 126,667 millions de salariés à temps plein.
Autrement dit : en dix ans, les salariés à temps plein ont augmenté SEULEMENT de 5,2 millions.
https://fred.stlouisfed.org/series/LNS12500000
Le chiffre le plus important :
Octobre 2007 : il y avait 79,532 millions d'exclus de la population active.
Octobre 2017 : il y a 95,385 millions d'exclus de la population active.
Autrement dit : en dix ans, il y a 15,853 millions d'exclus de la population active EN PLUS !
https://fred.stlouisfed.org/series/LNS15000000
« Notre droite n'est plus au service de la Nation. »
RépondreSupprimerHenri de Castries est un ancien élève de l'école privée catholique Saint-Jean de Passy (école, collège, lycée).
Henri de Castries a fait un discours en tant qu'ancien élève : son discours a inspiré un article très important écrit par Philippe Fontana :
Notre droite n’est plus au service de la Nation.
https://www.valeursactuelles.com/politique/notre-droite-nest-plus-au-service-de-la-nation-90470
C'est vrai que la droite n'est pas au service de la nation (l'a-t-elle jamais été ?) mais l'exemple est trop mal choisi.
RépondreSupprimer"rétablir la natalité en France" ? Pourquoi faire, comme si la France manquait de bras ! Quand le grand frère ne trouve ni logement n'y travail, ce n'est certainement pas en lui donnant en plus un petit frère qu'on va améliorer les choses.
Avec une forte natalité ces dernières décennies nous aurions pu avoir maintenant deux millions de jeunes au chômage au lieu d'un, c'est vrai. Mais cela ne ferait toujours pas un logement ou un emploi en plus, un centime en plus de cotisation pour les caisses d'assurance vieillesse ou de recette fiscale pour l’État.
La position de ceux qui incitent les femmes à faire plus d'enfants tout en refusant catégoriquement d'autoriser la construction des logements nécessaires pour accueillir dignement les enfants qui sont déjà nés est irresponsable, voire criminelle.
Ivan
"Le Guardian rapportait d’ailleurs la semaine dernière que le manque d’ouvriers disponibles avait fait monter les salaires de 2 à 3%."
RépondreSupprimerMais c'est horrible ! Il faut à tout prix empêcher cela ! On vous avait bien dit que le Brexit serait une catastrophe !
http://www.slate.fr/story/153732/grande-bretagne-main-doeuvre-brexit
L'oligarchie croit tellement à ses propres mensonges qu'elle ne se rend pas compte que ce qu'elle appelle une catastrophe est en réalité pour le peuple une bénédiction, enfin une faible lueur au bout du tunnel après des décennies d'obscurité complète.
Ivan
@ Cliquet
RépondreSupprimerPas sûr que les élites soient si conscientes du chemin qu’elles nous font prendre, si même de la possibilité de faire autre chose. Une grande majorité avance dans le brouillard
@ Jacques
Merci. Heureusement, nous n’y sommes pas encore
@ Anonyme
Bien d’accord
@ BA
Merci pour ces statistiques éclairantes. Cela mériterait un papier
@ Ivan
Drôle de discours d’Henri de Castries sachant qu’il était un des conseillers de Fillon, ultralibéral qui aurait accentué plus encore l’oubli de la France. Effarant discours de certains journalistes qui reproduisent les discours les plus extrémistes du patronat, sans même s’en rendre compte
A droite, la recomposition est en train d'accélérer.
RépondreSupprimerPour les élections européennes de 2019, Alain Juppé se prononce pour « un grand mouvement central », qui rassemblerait les candidats pro-européens de droite et les candidats pro-européens de La République En Marche.
Il affirme qu'il n'y a pas d'incompatibilité entre eux.
http://www.bfmtv.com/politique/alain-juppe-fait-l-eloge-d-emmanuel-macron-et-s-eloigne-un-peu-plus-des-republicains-1301325.html