vendredi 10 novembre 2017

Le cauchemar étasunien, conclusion 1/2 : l’horreur de la jungle oligolibérale

Ce panorama en neuf papiers des Etats-Unis en 2017 fait froid dans le dos, quand on rapproche toutes les pièces du puzzle. Il confirme l’analyse faite par Todd dès 2002, que ce pays va décliner au 21ème siècle et sera de moins en moins un modèle. Et quand on cherche à résumer ce qu’est devenu ce pays, un terme s’est imposé à moi : les Etats-Unis sont une jungle oligolibérale.


Le pays où la liberté est devenue un luxe

Le pays de l’Oncle Sam se veut être le pays de la liberté. Mais pour qui porte un regard un peu objectif sur la situation réelle du pays, cette liberté semble conditionnelle, à sa richesse, quand ce n’est pas aussi  la couleur de peau. Quelle liberté d’accéder à l’université quand ses parents font partie du quart le moins riche et que ses chances d’y accéder sont inférieures à 10%, avec des universités publiques qui coûtent 10 000 dollars par an ? Quelle liberté de se soigner quand les mutuelles peuvent demander 50% des revenus pour être couvert à un couple de classes moyennes cinquantenaires ? L’effarant déterminisme étasunien, social, mais aussi racial, représente une incroyable entrave à la liberté.


Encore une fois, le destin hors du commun de quelques personnalités ne doit pas faire oublier que la pleine jouissance de la liberté, aux Etats-Unis sans doute encore plus qu’ailleurs, ne concerne qu’une minorité. Comme le décrit Christophe Guilluy en France, il y a ces citoyens de la périphérie, qui ne peuvent que très difficilement échapper à leur condition, coincés dans une maison qui perdrait de sa valeur s’il la vendait et dont ils ne peuvent pas vraiment s’éloigner pour continuer à pouvoir bénéficier du soutien familial pour s’occuper de leurs enfants. Des individus abandonnés à un rapport de force trop inégal avec leur employeur, entre droit du travail kleenex et salaire minimum dérisoire.

Le Monde décrivait un pays où, huit ans après la crise, et alors que l’économie semble proche du plein emploi (même si cela est relativisé par le taux de participation au marché du travail, certaines personnes le quittant plutôt que de s’inscrire au chômage) « les salaires stagnent et le travail est atomisé ». Le niveau des profits semble être une illustration directe du rapport de force déséquilibré en faveur du capital par rapport au travail. Les actionnaires ont gagné la lutte économique et peuvent pressurer toujours plus les travailleurs pour gagner toujours plus. Pire, cette lutte économique déséquilibrée fait physiquement des victimes : ces « morts du désespoir », qui ont doublé en 20 ans selon Angus Deaton.

La liberté ne semble véritablement l’apanage que des classes supérieures outre-Atlantique, liberté de faire des études (sans même trop travailler), de se soigner, de consommer. Les élites, qui se voient souvent plus proches de la moyenne qu’elles ne le sont réellement, ont du mal à saisir à quel point les classes populaires ont une liberté limitée. La liberté, c’est aussi pour le monde des affaires, qui peut camoufler le caractère OGM des produits qu’il vend (du saumon aux céréales) et a toujours moins de contraintes, et toujours plus de droits, au point de pouvoir poursuivre un Etat qui limite la consommation de cigarettes, comme l’a fait Philip Morris en Australie, grâce aux tribunaux d’arbitrage.

Dans cette jungle humaine, les puissants semblent faire ce qu’ils souhaitent. Et quoi de plus logique dans un pays où la méfiance à l’égard de l’Etat est instinctive ? C’est une des raisons du surarmement qui produit un niveau de décès par armes à feu digne d’un pays en voie de développement violent. Cette société qui ne fait pas confiance à l’action collective produit logiquement un individualisme extrême, violemment égoïste (les théoriciens de l’ultralibéralisme en faisant même une vertu), où les individus atomisés ne peuvent trouver du réconfort que dans leur communauté d’origine, sans même voir que cela mène à une forme de ségrégation, que certains ont le culot de présenter comme de l’ouverture !


9 commentaires:

  1. Heureusement, une foule grandissante est en train de faire le même constat. A nous avoir raconté tellement de sottises, les médias "main stream se sont décridibilisés. On commence à s=discerner que nous sommes dans un monde où les faux-monnayeurs ont pris un pouvoir sans partage, aidés par la cupidité de nos élites conscientes du phénomène et appuyés par ceux qui n'ont rien compris mais qui veulent continuer à faire croire qu'ils peuvent encore peser sur le cours des choses...

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  2. Malheureusement, la France est sur la même pente que les Etats-Unis. Et on ne voit rien pour l'instant qui pourrait nous empêcher de dévaler cette pente. Au moins, un carnet comme celui-ci nous aide à comprendre ce qui nous arrive.

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  3. Le libéralisme c'est le renard libre dans le poulailler libre.

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  4. Etats-Unis :

    2007 : il y avait 300,2 millions d'habitants.

    2017 : il y a 327,5 millions d'habitants.

    Autrement dit : en dix ans, la population a augmenté de 27,3 millions d'habitants.

    http://countrymeters.info/fr/United_States_of_America_(USA)

    Et les salariés à temps plein ?

    Octobre 2007 : il y avait 121,378 millions de salariés à temps plein.

    Octobre 2017 : il y a 126,667 millions de salariés à temps plein.

    Autrement dit : en dix ans, les salariés à temps plein ont augmenté SEULEMENT de 5,2 millions.

    https://fred.stlouisfed.org/series/LNS12500000

    Le chiffre le plus important :

    Octobre 2007 : il y avait 79,532 millions d'exclus de la population active.

    Octobre 2017 : il y a 95,385 millions d'exclus de la population active.

    Autrement dit : en dix ans, il y a 15,853 millions d'exclus de la population active EN PLUS !

    https://fred.stlouisfed.org/series/LNS15000000

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  5. « Notre droite n'est plus au service de la Nation. »

    Henri de Castries est un ancien élève de l'école privée catholique Saint-Jean de Passy (école, collège, lycée).

    Henri de Castries a fait un discours en tant qu'ancien élève : son discours a inspiré un article très important écrit par Philippe Fontana :


    Notre droite n’est plus au service de la Nation.

    https://www.valeursactuelles.com/politique/notre-droite-nest-plus-au-service-de-la-nation-90470

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  6. C'est vrai que la droite n'est pas au service de la nation (l'a-t-elle jamais été ?) mais l'exemple est trop mal choisi.

    "rétablir la natalité en France" ? Pourquoi faire, comme si la France manquait de bras ! Quand le grand frère ne trouve ni logement n'y travail, ce n'est certainement pas en lui donnant en plus un petit frère qu'on va améliorer les choses.

    Avec une forte natalité ces dernières décennies nous aurions pu avoir maintenant deux millions de jeunes au chômage au lieu d'un, c'est vrai. Mais cela ne ferait toujours pas un logement ou un emploi en plus, un centime en plus de cotisation pour les caisses d'assurance vieillesse ou de recette fiscale pour l’État.

    La position de ceux qui incitent les femmes à faire plus d'enfants tout en refusant catégoriquement d'autoriser la construction des logements nécessaires pour accueillir dignement les enfants qui sont déjà nés est irresponsable, voire criminelle.

    Ivan

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  7. "Le Guardian rapportait d’ailleurs la semaine dernière que le manque d’ouvriers disponibles avait fait monter les salaires de 2 à 3%."

    Mais c'est horrible ! Il faut à tout prix empêcher cela ! On vous avait bien dit que le Brexit serait une catastrophe !

    http://www.slate.fr/story/153732/grande-bretagne-main-doeuvre-brexit

    L'oligarchie croit tellement à ses propres mensonges qu'elle ne se rend pas compte que ce qu'elle appelle une catastrophe est en réalité pour le peuple une bénédiction, enfin une faible lueur au bout du tunnel après des décennies d'obscurité complète.

    Ivan

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  8. @ Cliquet

    Pas sûr que les élites soient si conscientes du chemin qu’elles nous font prendre, si même de la possibilité de faire autre chose. Une grande majorité avance dans le brouillard

    @ Jacques

    Merci. Heureusement, nous n’y sommes pas encore

    @ Anonyme

    Bien d’accord

    @ BA

    Merci pour ces statistiques éclairantes. Cela mériterait un papier

    @ Ivan

    Drôle de discours d’Henri de Castries sachant qu’il était un des conseillers de Fillon, ultralibéral qui aurait accentué plus encore l’oubli de la France. Effarant discours de certains journalistes qui reproduisent les discours les plus extrémistes du patronat, sans même s’en rendre compte

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  9. A droite, la recomposition est en train d'accélérer.

    Pour les élections européennes de 2019, Alain Juppé se prononce pour « un grand mouvement central », qui rassemblerait les candidats pro-européens de droite et les candidats pro-européens de La République En Marche.

    Il affirme qu'il n'y a pas d'incompatibilité entre eux.

    http://www.bfmtv.com/politique/alain-juppe-fait-l-eloge-d-emmanuel-macron-et-s-eloigne-un-peu-plus-des-republicains-1301325.html

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