« Le peuple de la frontière » vaut
par le dialogue profondément politique que l’auteur a pu entretenir avec tous
ces Français, de manière ouverte et sans jugement de leur vote. Et,
étonnamment, ce qui ressort finalement de ce voyage aux frontières de la
France, c’est un hommage aux frontières, comme un deuxième prolongement, cette fois-ci, au livre
remarquable de Régis Debray.
La frontière : cette porte qui nous
définit et nous protège
L’auteur rappelle que Jaurès regrettait que
« le capital international aille
chercher la main d’œuvre sur les marchés où elle est la plus avilie, humiliée,
dépréciée, pour la jeter sans contrôle et sans réglementation sur le marché
français, et pour amener partout dans le monde les salaires au niveau des pays
où ils sont le plus bas ». Il poursuit en affirmant qu’ « on sait maintenant ce qu’il en est des promesses d’une mondialisation
heureuse sans limite ni barrière : la guerre de tous contre tous, y compris à l’intérieur même de cette Europe qui devait nous apporter
paix et prospérité (…) frontière nulle part ? Séparatisme partout. A
chacun sa communauté (…) mais voilà, ces frontières-là ont l’avantage de ne pas
nuire au sacro-saint marché. Des cyniques y voient même de juteux débouchés
commerciaux ».
Il se demande si « cette France des frontières ne serait donc que fermetures d’usines, chômage de masse, angoisses identitaires et peur du lendemain ». Il parle de Fourmies, où
« on en est parfois à la troisième
génération de chômeurs », avec le départ du textile, une ville où plus de 36%
n’ont pas choisi au second tour, 35% ont voté Le Pen et 29% Macron. Il évoque aussi les
Cellatex, dont l’usine de fillature a fermé en 2000, envoyant près de 400
personnes sur le carreau, après la suppression des
droits de douane sur les produits textiles en 1994, qui a ouvert la concurrence
aux produits ukrainiens, puis le rachat de l’usine par un autrichien, qui l’a liquidé. Près du
Luxembourg, il évoque les travailleurs trans-frontaliers, pour qui ce pays
« aspire tout le travail »,
et appauvrit le côté français.
A Fessenheim, la menace de fermeture pour les 2200
emplois induits a propulsé Le Pen devant au
second tour.
A Fesches-le-Châtel, il rapporte le départ prochain de la Poste, qui sera
remplacée par un mini-bureau municipal, ce qui affaiblira plus encore le
commerce de centre-ville et les cafés. Il évoque une note de l’Ifop qui
indiquait que la fermeture d’un bureau de
La Poste provoquait une hausse du vote FN de 3,4 points. Un habitant parle de
l’usine PSA de Mulhouse, passée de plus de 40 000 salariés à quatre fois moins
aujourd’hui. Il évoque ces commerçants de centre-ville qui souffrent de la
concurrence des surfaces commerciales et les agriculteurs, qui
subissent des normes lourdes et la concurrence impitoyable et déloyale des
autres pays,
qu’il décrit comme les ouvriers de Charlie Chaplin.
Il décrit la peur de perdre son emploi, la tentation FN, l’incompréhension face au
traitement des migrants, la terrible impunité des petits délinquants, le coût de la vie, avec
le prix de l’essence. Il note que bien des médias donnent rarement la parole à
ceux qui en ont marre des migrants, préférant ceux qui les accueillent, parfois
illégalement. Il rapporte des conditions de vie difficile, les gros horaires
avec les transports, et une « société
extrêmement individualiste ». Il évoque « l’insécurité physique, économique et identitaire (…) cette France périphérique des campagnes-dortoirs
vit avec cette peur, pas seulement du lendemain, mais aussi du présent.
Pourtant la générosité est présente ».
« Le
peuple de la frontière » est un livre que je recommande
chaleureusement, un livre essentiel pour plonger dans cette France périphérique
que beaucoup d’entre nous, moi le premier, ne connaissons pas du tout. S’y
dessine une France abandonnée par ses dirigeants, mais dont les citoyens
restent profondément réconfortants et donnent envie de contribuer à changer les
choses.
Source : « Le peuple de
la frontière », Gérald Andrieu, Les éditions du Cerf
" Près du Luxembourg, il évoque les travailleurs trans-frontaliers, pour qui ce pays « aspire tout le travail », et appauvrit le côté français."
RépondreSupprimerCe n'est pas possible. Les frontaliers enrichissent la France et apauvrissent le Luxembourg :
-sans eux il y aurait encore moins de chômage au Luxembourg, et les salaires y seraient encore plus élevés,
-sans eux il y aurait encore plus de chômage en France, et les salaires y seraient encore plus misérables,
-d'autant plus que les salaires touchés au Luxembourg sont en grand partie dépensés en France, y créant des emplois qui sinon n'existeraient pas.
Le Luxembourg n'aspire pas le travail, car embaucher un chômeur français ne détruit aucun emploi en France, mais évidemment cela ne plait pas aux patrons français qui voudraient nous faire croire qu'on détruit le travail en embauchant les chômeurs !
Il vaudrait mieux accuser le Luxembourg de parasitisme fiscal.
Ivan
Quand la France exporte une partie de son chômage, le patronat français feint de voir le travail partir à l'étranger, alors qu'au contraire il y aurait encore moins de travail en France sans les revenus des frontaliers.
RépondreSupprimerIl fait semblant de confondre le travail, qui nous manque cruellement, avec les travailleurs dont nous regorgeons à ne savoir qu'en faire.
La France exporte aussi une partie de sa pénurie de logements en Belgique et en Allemagne. Cela cause un préjudice considérable aux belges et aux allemands frontaliers, qui ne peuvent plus se loger au tarif normal de leur pays.
Ivan
Le travail des français frontaliers au Luxembourg, Suisse, Suisse... ou les salaires des qualifiés est supérieur, voire le double de la France, correspond à des rentrées d'argent qui contribuent à la balance commerciale au profit de la France.
RépondreSupprimerSans compter que l'ambiance de travail et le patronat dans ces pays sont autrement meilleurs que dans les boites en France dont le patronat et l'encadrement sont très souvent épouvantables.
Allemagne : le chaos politique.
RépondreSupprimerDepuis deux mois, l'Allemagne n'a plus de gouvernement.
Les élections du 24 septembre 2017 ont complètement explosé le système politique de l'Allemagne :
- le parti de droite Union Chrétienne-Démocrate (CDU) : 200 députés.
- le parti de centre-gauche Parti Social-Démocrate (SPD) : 153 députés.
- le parti d'extrême-droite Alternative pour l'Allemagne (AfD) : 94 députés. Ils gagnent 94 députés, car l'extrême-droite n'avait aucun député au parlement depuis 1945. Ce séisme est la cause principale du chaos politique.
- le parti libéral FDP : 80 députés.
- le parti de gauche Die Linke : 69 députés.
- le parti Les Verts : 67 députés.
- le parti de droite Union Chrétienne-Sociale (CSU) : 46 députés.
Total : 709 députés.
Majorité absolue : 355 députés.
Conclusion :
Aujourd'hui, l'Allemagne est ingouvernable.
Mercredi 22 novembre 2017 :
En Allemagne, les partis dans la tourmente de la crise politique.
Toujours sans gouvernement deux mois après ses élections législatives, l'Allemagne fait face à une situation politique extrêmement incertaine dans le sillage de l'échec des négociations de coalition dimanche soir.
https://www.lesechos.fr/monde/europe/030907064201-en-allemagne-les-partis-dans-la-tourmente-de-la-crise-politique-2132001.php
Bon, bon,bon...comment dire les choses sans choquer ni faire hurler ?!
RépondreSupprimerJe n'ai rien contre les travailleurs en usine qui pour beaucoup sont originaires du lieu de leur usine et se voyaient y rester pour la vie (je réserve la définition d'ouvrier à ceux du bâtiment et des travaux publics mais je sais que l'on va me sortir la définition officielle de la catégorie ouvrier). Mais si je peux comprendre qu'à 50 ans passés vous n'ayez plus la force, l'envie ni la capacité à vous reconvertir pour les autres et notamment les 20-30-40 ans...la reconversion professionnelle ou la FP est encore possible. Je le dis par expérience vécue au sein de mon foyer familial. Mes 2 parents se sont fadés chacun plus d'une bonne quinzaine d'années en usine dans leur carrière: mon père dans une 1ère usine fabricant des tubes et autres flacons pour l'industrie pharmaceutique puis dans une usine de fabrication de peinture. Ma mère a passé 15 ans environ dans une blanchisserie industrielle, tous les deux en banlieue parisienne. Je ne dis pas que cela a été super facile pour eux. Loin de là...déjà il faut pouvoir trouver la bonne information et orientation lorsque vous souhaitez entamer une formation pour une reconversion ou réorientation professionnelle. Quand vous êtes cadre, c'est accessible quand on est simple employé, c'est TRES dur mais pas impossible. Ma mère a été la 1ère. Après un double CAP teinturière -couturière, elle est entrée dans une blanchisserie industrielle à 18 ans.Elle se disait , c'est juste le temps de...Après un mariage (avec mon papa), ma naissance et 16 ans de blanchisserie toujours au même stade. Elle a commencé une démarche pour une FP. Alors, la direction lui a accordé (normal, ça les arrangeait bien parce qu'ils commençaient à licencier donc une qui part de son plein gré, tout bénéf' pour eux même s'ils payaient la formation). En revanche, les syndicalistes de sa boîte lui sont tombés dessus (une l'a même un peu trop bousculée en retour elle s'est pris la mandale de sa vie par mon père qui attend toujours la venue du mari). Mais ma mère a fait sa formation. Après celle-ci elle l'a décroché un CDI dans une entreprise familiale qui détient des pressings "luxes et écologiques" dans Paris en tant que responsable boutique.Financièrement, socialement et professionnellement conditions de travail incluses cela a changé sa vie. Le jour et la nuit comme ma mère le décrit très bien ! Au regard de ce coup, mon père a décidé de faire pareil. Lui avait juste un CAP de plombier. Il a repris une formation en vente et a fini responsable technico-commercial dans une entreprise (PME familiale aussi) de chauffagiste-climatisation. Pareil que ma mère, il a été pas mal emm...par les syndicats de son usine. La direction: s'en foutait (même si quand il a fini sa FP et qu'il a décroché un nouveau CDI le directeur de son usine l'a convoqué et l'a félicité. Il lui octroyé une très belle prime supplémentaire lors de son départ. Il n'était pas obligé). Après 18 ans d'usine, mon père a aussi tenté sa chance. Ma mère avait 34 ans lors de sa reconversion, mon père 36. Je vous parle de cela à la fin des années 90.
@ Ivan
RépondreSupprimerOui, mais si une grande partie des salaires des frontaliers est dépensée en France, en revanche, il n’y a pas de cotisations sociales (la moitié de notre fiscalité…) et cela peut aussi avoir un effet négatif sur d’autres rentrées fiscales. Cela impose aussi de travailler loin de chez soi, ce qui n’est pas agréable. Mais tous les effets ne sont pas négatifs, d’autant plus que les salaires y sont plus élevés
@ BA
Le pseudo modèle allemand montre ici ses limites
@ Anonyme
C’est sûr, la reconversion n’est pas impossible, mais elle n’est pas toujours facile