dimanche 17 décembre 2017

Quand le mirage allemand se lève

Beaucoup présentent l’Allemagne comme le modèle à suivre en Europe, oubliant que tous les pays ne peuvent pas avoir simultanément un excédent commercial de 7% du PIB. Bien pire, comme beaucoup le soulignent depuis des années, les réussites de ce pays sont bien mal partagées et les Allemands viennent de sanctionner les politiques suivies lors des dernières législatives.


Appauvrissement et immigration

Le résultat des dernières élections législatives sont un énorme désaveu pour les deux partis qui sont au pouvoir, seuls ou ensemble depuis si longtemps. Dépassant à peine la barre des 50% à deux, le SPD et le CDU-CSU ont perdu près de 14 points en quatre ans. Deux gagnants, les libéraux du FDP, à 10,7%, et l’AfD, à 12,6%, qui n’avaient pas réussi à franchir le cap des 5% en 2013 et donc à rentrer au parlement, et qui y font une entrée fracassante en faisant plus que doubler leur score, alors même que la gauche radicale et les verts progressent légèrement, à 9%. Le parlement allemand n’a jamais été aussi fragmenté depuis des décennies, rendant impossible la formation d’une majorité.

Ces résultats ont plusieurs sens. D’abord, le succès des partis les plus critiques à l’égard de la politique dite d’accueil des migrants montre bien qu’une partie de la population allemande y reste fondamentalement hostile. Et encore, Merkel a été en partie couverte par son propre parti, et notamment son aile bavaroise, ce qui a sans doute permis de contenir l’envolée du FDP et de l’AfD. La forte chute des partis centraux peut montrer que bien des Allemands ne sont pas satisfaits par les politiques suivies depuis des années et cherchent une alternative, seul l’éparpillement des votes d’alternances sur quatre partis sauvant encore provisoirement les deux grands partis que sont le SPD et la CDU.

Edouard Husson propose une analyse intéressante de cet échec d’Angela Merkel et rappelle utilement que les pays pionniers de la vague ultra-libérale, le Royaume-Uni et les Etats-Unis, viennent tout juste de voter contre la globalisation, avec le Brexit et Trump. Certes, contrairement à 1979 et 1980, cela ne provoque pas un virage brutal car l’ultralibéralisme s’est enkysté dans nos sociétés par un ensemble de règles et de traités qui ne permettent plus un véritable changement. Mais on peut considérer que le vote des Allemands marque une nouvelle étape dans le rejet grandissant de la globalisation. Husson fait aussi un parallèle entre Macron et Mitterrand, la France étant en retard dans ce chemin.

Au global, cela montre que les politiques suivies depuis 15 ans sont loin de pleinement satisfaire les allemands, non seulement sur l’immigration, mais plus largement encore. Si tout était bien allé, alors l’accueil des migrants n’aurait pas pu provoquer un tel chamboulement. Mais comme nous sommes nombreux à le dire depuis des années, l’Allemagne est tout sauf un modèle. Les politiques de l’offre, de Hollande et Macron, qui consistent à favoriser la compétitivité des entreprises, tout en précarisant les salariés, posent bien des problèmes, même en Allemagne, même avec un immense excédent commercial. Tout ceci a produit une hausse préoccupante de la pauvreté outre-Rhin.


Quel paradoxe d’accumuler des centaines de milliards d’excédents alors qu’une partie de la population s’appauvrit. C’est sans doute ce qui ressort dans l’échec des deux grands partis lors des élections, même si aucune alternative ne s’est encore imposée. Merci aux Allemands pour ce coup de semonce qui montre que l’ordre oligolibéral, même s’il a gagné une bataille avec le glyphosate, est contesté.

4 commentaires:

  1. Et bing ! l'Autriche qui fait entrer une nouvelle fois l'extrême-droite au Parlement. En plus de la vice-chancellerie, cette fois-ci le FPO récupère 3 ministères régaliens: l'Intérieur, la Défense et les Affaires Étrangères. Sans compter les positions très eurosceptiques (qui ne devraient pas conduire à un referendum type Brexit). Un des thèmes qui a porté le FPO: l'immigration. Cette thématique créé une vraie lame de fond dans l'UE. Ne pourrions-nous pas en discuter sereinement en mettant toutes les cartes sur table ? Cela éviterait peut-être cette poussée (que je trouve personnellement inquiétante) des extrêmes.
    Bonne journée
    Sylvie

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    1. Je ne vois pas ce qu'il y a d' "extrème" dans les partis qui arrivent au pouvoir en Autriche. C'est la politique actuelle de l'UE qui est extrème.

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    2. D'accord avec vous notamment sur la poussée des extrêmes en Europe (et pas exclusivement dans l'UE). On pourrait parler de l'immigration mais aussi d'autres sujets type ultra-libéralisme, communautarisme, évasion fiscale etc...etc... en jouant cartes sur table comme vous le dites.
      A quand la grande discussion ????????

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  2. Si le FPO a fait une campagne très en vue et a fini au gouvernement c'est avant tout pour le thème de l'immigration. Car en matière économique il est plutôt pour moins d'impôts et une intervention réduite du monde politique dans les affaires économiques.
    Mais en effet, sa (re)venue au gouvernement autrichien et les 3 postes régaliens qu'ils décrochent posent question sur la montée des extrêmes.
    L'Anonyme du Jour

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