Billet invité de JL Porry
On se souvient, ceux de ma génération en tout cas, du roman
de G. di Lampedusa adapté à l'écran par L. Visconti avec
C. Cardinale, A. Delon et B. Lancaster. C'est la chronique d'une
grande famille sicilienne (portant un guépard dans ses armoiries) confrontée
aux désordres de la réunification italienne. Pour survivre, elle adopte comme
ligne de conduite " tout doit changer afin que rien ne
change ".
La réforme constitutionnelle que l'on nous annonce répond à
la même finalité : sous la fumée de réformes spectaculaires, maintenir
l'essentiel, c'est à dire que le peuple n'ait pas droit à la parole et n'ait
pas les moyens de contrôler les gouvernants.
Le contrôle insuffisant sur les actions de l'exécutif,
existant dès le début de la Vème République, a atteint un niveau caricatural
avec l'instauration du quinquennat et l'inversion du calendrier
électoral ; nous élisons pour
cinq ans un président et une majorité à sa botte sans aucune possibilité ultérieure
de réaction sur leurs agissements même s'ils sont en contradiction avec leurs
promesses. Sauf à réécrire la constitution, la seule façon de redonner la
parole au peuple est la mise en place d'un véritable référendum d'initiative
citoyenne (NB : je préfère écrire citoyenne plutôt que populaire, non par
peur de me faire taxer de populisme, mais parce que le sigle RIP n'est pas de
bon augure !) ; mais je ne me fais aucune illusion sur la
possibilité de voir nos dirigeants actuels consentir à une telle réforme.
Réduction du nombre des députés et sénateurs. Cela
vise d'abord à flatter la démagogie anti-parlementaire, et les thuriféraires
qui peuplent les médias se sont empressés d'enfoncer le clou en parlant de
" dégraisser le mammouth ".
Si on veut vraiment faire des économies, la première chose
serait de supprimer la troisième assemblée : le Conseil Economique et
Social (et Environnemental, voir plus loin) ; ce machin ne sert qu'à
assurer des prébendes non-négligeables à des responsables professionnels,
syndicaux et associatifs, sans parler des amis du Prince nommés
discrétionnairement au nom de leurs " compétences ", en
échange d'avis dont l'utilité reste à démontrer. L'une des retombées du
Grenelle de l'Environnement a été le rallongement du titre de l'institution
pour accorder aux écologistes une place devant la mangeoire.
Il est également difficile de comprendre en quoi la
réduction du nombre d'élus pourra remédier aux dysfonctionnements des
Assemblées, qui tiennent surtout à une organisation du travail décalée par
rapport à la plupart des autres démocraties parlementaires occidentales, où la
mise au point des textes s'effectue en commissions, les séances plénières étant
réservées aux votes d'ensemble et non aux interminables examens amendement par
amendement qui nourrissent l'absentéisme. Un corollaire de cette
"solennisation" des séances plénières est que le vote par délégation
n'y est plus possible et que les parlementaires doivent être présents, ce qui
règle la question de l'absentéisme.
Limitation du nombre de mandats successifs. C'est la
mesure la moins contestable ; lutter contre une professionnalisation
excessive de la politique est une bonne chose, bien qu'il convienne de
s'assurer qu'elle n'aura pas d'effet pervers au niveau local. Il faut également
regretter que la présentation de cette disposition ait des relents
démagogiques. Enfin, il sera sans doute possible de contourner cette modalité,
par exemple en s'inspirant de l'alternance pratiquée par le duo
Poutine - Medvedev.
Instillation d'une dose de proportionnelle aux élections
législatives. Bien que cette disposition semble rencontrer une large
approbation, elle ne me paraît pas répondre, au contraire, à la question
essentielle : restaurer la confiance du citoyen en les mécanismes de la
démocratie représentative.
Il est aisé de comprendre et d'expliquer les avantages et
inconvénients du scrutin majoritaire, ainsi que les avantages et inconvénients
du scrutin proportionnel. Il n'en est pas de même pour le scrutin mixte :
en quoi est-il plus "juste" ; quels sont les arguments pour
fixer la "dose" de proportionnelle à 10%, 25% ou 50% ; comment expliquer la présence de deux
catégories de députés, les uns tenant leur siège du vote des électeurs, les
autres de leur capacité à être en bonne position sur la liste du parti... Il
est à craindre que ces incompréhensions, et la complexité afférente à ce
scrutin mixte, ne détournent encore plus les électeurs des urnes. Il faut
également rappeler que les expériences récentes de nos voisins allemands et
italiens ne plaident pas pour cette formule.
Par contre, les promoteurs de la "dose de
proportionnelle" omettent de rappeler que le Sénat est élu pour plus des
deux tiers des sièges au scrutin proportionnel départemental. Si l'objectif est
d'assurer une plus juste représentation des divers courants d'opinion au
Parlement, pourquoi ne pas mettre fin à un scrutin indirect archaïque et faire
directement élire les sénateurs par les citoyens, sans toucher aux autres
modalités de l'élection sénatoriale. Là non plus, je ne me fais pas d'illusions
sur le succès de cette proposition : une élection directe augmenterait la
légitimité du Sénat et ne sera vue d'un bon œil ni par l'exécutif, ni par les
députés ; de plus je ne suis pas sûr que les patres conscripti
eux-mêmes y soient favorables car elle les obligerait à s'intéresser à tous
leurs électeurs au lieu de se limiter à l'entretien d'un petit réseau de
notables.
C'est un travers bien français de vouloir changer, modifier les institutions. En plus chaque président se croit obligé de faire sa "réforme" constitutionnelle. Cela a commencé avec le quinquennat par le pseudo-gaulliste Chirac. Ce dernier avait retiré de la constitution l'article relatif à la trahison du président cf Hollande et Macron qui ont vendu à l'américain General Electric le secteur électronucléaire d'Alstom sans en mesurer les conséquences.
RépondreSupprimerLa seule réforme est la suppression du Ceser ou Conseil Economique et Social Environnement. Aussi celle des députés et sénateurs des français de l'étranger toujours bien trop mal élus pour être représentatifs.
Tout à fait d'accord avec votre idée délire les sénateurs à la proportionnelle au suffrage universel direct. Cela devrait concerner tous les sièges de sénateurs.
RépondreSupprimerPar contre, pourquoi limiter le nombre de mandats successifs? D'un part, cela est hypocrite car il y aura des allers et retours entre des mandats de maire et député ou sénateur et d'autre part les électeurs sont sont souverains. C'est à eux de décider s'ils veulent réélire leur maire ou député.
Antoine
L'électeur est malheureusement dans l'incapacité de faire le tri, dans la mesure où l'offre est insuffisante et détournée...ce sont les partis qui désignent les candidats, et les raisons de voter pour eux n'ont la plupart du temps rien à voir avec l'indice de satisfaction et/ou l'efficacité, voire l'honnêteté...(cf Balkany)
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