La semaine dernière a été encore riche
en rebondissements avec l’accord trouvé par le gouvernement avec l’UE, puis le
vote du parlement refusant de se prononcer sur l’accord, à moins de deux
semaines de la date théorique de départ de l’UE. Mais à
date, malgré
la couverture partielle et partiale de bien des médias, c’est bien Boris
Johnson le grand vainqueur des derniers mois, comme
le note David Cayla.
L’UE avale son chapeau, la bulle Corbyn
dégonfle
Bref, même s’il n’a pas encore gagné, Boris
Johnson est le large vainqueur de la séquence des dernières semaines. L’UE
s’est ridiculisée en cédant sur des points a priori non négociables. Il est
particulièrement piquant de reprendre les déclarations de Michel Barnier début
septembre : « le
backstop représente la flexibilité maximale que l’UE puisse offrir à un Etat
non membre. Ce dispositif est nécessaire pour préserver l’intégrité du marché
unique européen et maintenir ouverte la frontière entre l’Irlande du Nord
britannique et la république d’Irlande après le Brexit (…) d’eventuelles
alternatives au filet de sécurité irlandais ne pourront être discutées qu’après
la ratification de l’accord de retrait ».
Avec un premier Ministre prêt au « no deal », c’est l’UE, qui a cédé
sur tout – le
backstop, la primauté du droit européen, qui pourra être révoqué
unilatéralement, et le calendrier -, comme
Tsipras en 2015, dans un jeu de miroir inversé. Les
considérations commerciales ont probablement pesé lourd dans le renversement de
la dynamique de négociation en faveur de Londres, qui a mis Bruxelles échec
et mat. Et d’un point de vue intérieur, même
si le parlement continue à s’opposer à lui, Boris Johnson a
considérablement renforcé sa position, comme l’indiquent les sondages, qui lui
donnent une large majorité, avec des conservateurs qui pèsent autant que les
travaillistes et les libéraux-démocrates réunis, poussant
Corbyn à refuser l’élection qu’il demandait il y a peu, se décrédibilisant plus
encore.
La
dynamique est extrêmement favorable au locataire de Downing Street. En
effet, il a fait reculer l’UE sur le point clé qui avait choqué et montré une
capacité de négociateur efficace. Sa
ligne conjugue la fermeté à l’égard de l’UE et le pragmatisme minimum pour
essayer de sortir avec un accord le plus vite possible. Et les britanniques,
passablement lassés par ces négociations, lui donnent de plus en plus crédit
d’être parvenu à sortir les négociations de l’ornière et de proposer une fin à
ce psychodrame. En refusant de coopérer, c’est le parlement qui aura
probablement le mauvais rôle et risque d’en sortir discrédité. Toute la
question est de savoir qui pourra avoir le dernier mot dans les prochains
jours.
Bien sûr, l’issue est encore incertaine, même
si Boris Johnson a très bien manœuvré. Nous ne sommes pas à l’abri d’un mauvais
rebondissement de denière minute, comme
en Grèce en juillet 2015. Voilà pourquoi, depuis
2012, je persiste à penser qu’une sortie de l’UE ne se négocie pas a priori,
mais doit être unilatérale et immédiate, les rebondissements du Brexit me
confirmant dans cette voie.
L’accord de Theresa May était mauvais car tout le RU restait ad vitam aeternam dans l’union douanière. Et l’accord de Boris Johnson est mauvais aussi puisqu’il sacrifie l’Irlande du nord qui va rester dans l’union douanière tandis que le reste du RU en sortira, ce qui à terme fait planer une menace de démantèlement du RU.
RépondreSupprimerNigel Farage a dénoncé cet accord en disant qu’il était à 95% identique à celui de Theresa May.
La meilleure solution serait, à mon sens, une sortie sans accord. C’est peut-être encore possible puisque la Chambre des Communes semble vouloir retarder le vote de cet accord et que, d’autre part, Boris Johnson persiste à vouloir sortir le 31 octobre quoi qu’il arrive. Si chacun reste sur ses positions, ce sera le no deal par accident.
@Moi
SupprimerEn lisant plusieurs articles sur le sujet dont celui de David Cayla au Figaro, un des avantages de ce nouvel accord c'est justement que tout le Royaume-Uni, y compris l'Irlande du Nord sort de l'union douanière de l'UE et constitue ainsi une zone douanière à part (ce qui était primordial pour Boris Johnson). Si je cite David Cayla : « Cet accord change le dispositif: d’abord, le Royaume-Uni (et donc l’Irlande du Nord aussi) sort de l’union douanière...» (voir https://www.lefigaro.fr/vox/monde/brexit-ce-deal-est-une-victoire-pour-boris-johnson-20191017).
Les contrôles douaniers en mer d'Irlande entre l'Irlande-du-Nord et la Grande-Bretagne c'est pour les marchandise qui transitent par l'Irlande du Nord pour aller en République d'Irlande.
EB.
@EB
SupprimerNe jouons pas sur les mots : si l’Irlande du Nord reste soumise aux règles européennes, c’est bien qu’elle reste dans le marché unique. Elle pourra certes, en théorie, en sortir tous les 4 ans. Dans la réalité, ça lui sera très difficile de le faire sans recréer une frontière avec la république d’Irlande, ce qui lui est interdit.
@Moi
SupprimerJe ne joue pas sur les mots. Je me suis juste permis de rectifier une de vos affirmations, qui pour moi a son importance. L'Irlande du Nord continuera certes à être soumise au moins pendant 4 ans aux règles du marché unique de l'UE mais elle sort de l'union douanière de l'UE et intégrera celle du Royaume-Uni. Elle appliquera donc les barrières douanières en vigueur au Royaume-Uni et plus celles de l'UE. C'est tout.
EB.
Moi qui vit en au Royaume-Uni qui est marié avec un Anglais qui a 2 enfants ayant la double nationalité qui travaille, je ne vois pas en quoi "Bojo" est un large maillot jaune. Le Royaume-Uni, première Nation engagée sur la voie du régime démocratique, étant connu jusqu'à présent pour la grande stabilité de ses institutions, son originalité "constitutionnelle" est totalement bloqué sur le plan politique. Il vit une crise politique, institutionnelle, constitutionnelle, démocratique grave ! Et B. Johnson doit prendre sa grande part de responsabilité sachant qu'il n'est pas le seul ! Par ailleurs, le Brexit pourquoi pas ? Si le RU parvient à (re)construire des relations euro-britanniques identiques à celles entretenues entre l'UE et la Suisse, la Norvège et l'UE. Avantages de l'UE sans les inconvénients en gardant toute sa souveraineté. Juste une réflexion en passant: le droit sanitaire et social au sens très large au RU a été littéralement miné par les années Thatcher et par la suite les gouvernements successifs n'ont fait que très peu pour lui redonner un semblant de vie. Il faut savoir qu'au RU la grossesse selon votre catégorie sociale, votre état de santé (par exe. si vous êtes atteint d'une maladie chronique comme le diabète) est criminalisée. C'est à dire qu'avant même d'avoir votre enfant, enceinte vous êtes répertorié par les "services sociaux" qui une fois votre enfant né vous le retire de façon tout à fait légal pour le placer en foyer puis le confier à des agences d'adoption privées qui le proposeront souvent via leur site internet à des familles socialement plus convenables. Les journalistes ont interdiction d'enquêter sur ce sujet, les familles peuvent attaquer en justice, elles n'ont jamais gain de cause. Des enfants sont aujourd'hui adolescents, voire majeurs ont été placés de la sorte et leurs parents biologiques ne peuvent même pas entrer en contact avec eux. Plus les "services sociaux" sont performants plus ils reçoivent les financements de l'Etat lors de la discussion du budget. D. Cameron dans les années 2010 s'était plaint devant le Parlement anglais du manque de résultats en la matière. Il y a plus d'une centaine d'Anglaises qui chaque année se rendent en France, en Belgique ou encore en Irlande pour accoucher, déclarer leurs enfants à l'état civil de ce pays et demander la double nationalité, la nationalité française ou irlandaise ou belge protégeant leur enfant face aux services sociaux. En effet, selon le droit international cela pourrait être considéré comme le kidnapping d'un(e) citoyen(ne) français(e), mineure qui plus est. Avec l'UE le RU n'a peut-être pas cédé sur le Children Act de 1989 et notamment la perversité de son article 1 sur l'intérêt de l'enfant mais il est extrêmement prudent (notamment en se couvrant juridiquement par des lois répressives) vis-à-vis de la Cour européenne de justice ou encore vis-à-vis des partenaires européens pour les enfants à double nationalité. Avec la sortie de l'UE, je crains que le Children Act soit encore plus actif. On pourrait aussi parler du droit du travail, l'UE bien que médiocre en la matière constituait un minimum syndical. On pourrait citer la santé etc...Quant à moi qui n'a pas pris la nationalité anglaise et qui vit aujourd'hui sans obligation d'un titre de séjour, qui travaille dans un secteur qui est venu me chercher en France (l'hôtellerie )à la sortie de mon bac + 5 en économie du tourisme...moi j'attends si je dois faire mes valises, mes enfants, anglais-français et mon mari sujet britannique feront aussi leurs valises pour émigrer...en France ! Sinon nous continuerons notre vie.
RépondreSupprimerC'est juste l'opinion d'une Française expatriée depuis 20 ans maintenant.
@Anonyme 23 octobre 2019 à 09:26
SupprimerJe ne vois pas pourquoi le Children Act serait plus actif après le Brexit.
Je ne pense pas que l’UE soit une garantie pour le RU d’avoir une législation sociale généreuse, au contraire. Depuis plusieurs années, en France comme dans tous les pays de l’UE, il y a eu des réformes qui ont consisté à démanteler le code du travail au profit des entreprises. Je pense même que, hors de l’UE, le RU pourra plus facilement tourner la page du néolibéralisme qui a commencé avec Thatcher et dont plusieurs signes laissent penser qu’il arrive à la fin de son cycle.
@Anonyme 23 octobre 2019 à 09:26
SupprimerLa crise politique actuelle résulte du refus de la Chambre des Communes d’accepter le Brexit voté par les citoyens en 2016. Boris Johnson, de mon point de vue, n’en est pas responsable. On voit très bien aujourd’hui que les députés font de l’obstruction, refusent la sortie avec ou sans accord, refusent des élections anticipées. Ce sont eux qui bloquent les institutions britanniques.
A l'appui de ce que j'ai écrit plus haut :
Supprimer"Monsieur Corbyn, le seul moyen de protéger les droits des travailleurs en Grande-Bretagne est d'échapper totalement au droit de l'UE
...
la législation de l'UE sur le marché unique oblige les autorités locales à sous-traiter des contrats à des entreprises de l'UE contre les intérêts locaux. Il a alimenté l'épidémie de zéro heure. Le capital transnational peut exploiter la directive de l'UE sur les travailleurs détachés et l'arbitrage du travail avec un effet impitoyable.
Doug Nicholls, ex-président de la Fédération générale des syndicats, dit autrement. "L'adhésion à l'Union européenne a inscrit l'agenda capitaliste néolibéral sous une forme constitutionnelle", a-t-il déclaré.
Tony Benn et la vieille gauche ont averti il y a longtemps que la CEE / UE était en faveur des multinationales et des forces du marché déracinées - une «rampe bancaire» - et cela s'est avéré. Il interdit aux gouvernements socialistes élus de poursuivre des politiques socialistes.
Jeremy Corbyn le sait. Il sait que le travail ne peut pas poursuivre une stratégie industrielle radicale au regard des règles de l'UE en matière d'aides d'État, de concurrence et de marché, et il sait par la jurisprudence de l'Union européenne que la Cour européenne (CJCE) opte pour le capital au lieu du travail chaque fois que les deux s'affrontent."
...
https://www.telegraph.co.uk/business/2019/10/23/mr-corbyn-way-safeguard-worker-rights-britain-total-escape-eu/
@Moi
SupprimerEntièrement d'accord avec vos interventions.
" Boris Johnson large maillot jaune"
RépondreSupprimerIl fume quoi Herblay pour raconter autant d'âneries ?
"B. Johnson a capitulé sur un point essentiel, sur lequel les tories et lui-même avaient voici peu fait tomber Theresa May : le maintien de l’Irlande du Nord dans l’espace économique de l’UE et le positionnement de la frontière douanière dans la mer d’Irlande. A juste titre de leur point de vue, les nostalgiques de la gloire de l’Empire, les défenseurs de l’United Kingdom (le Royaume Uni – unissant quoi ? eh bien, précisément : la Grande-Bretagne et l’Irlande colonisée, aujourd’hui réduite à l’Irlande du Nord, d’où son nom !), et les unionistes « protestants » du DUP, poussent des hurlements."
"Le glorieux programme de Johnson est celui du déclin convulsif. Son accord mis en œuvre conduirait inéluctablement à la demande par l’Écosse soit de l’indépendance, soit, pour le moins, d’un statut comparable à celui de l’Irlande du Nord. Les données économiques d’un pacte de libre-échange et de commerce avec les États-Unis conduisent à la précarisation accrue du salariat et à la déstructuration des services publics, notamment du NHS (Santé publique), au cœur des discours de Jeremy Corbyn, qui, dépecé, serait livré aux entreprises « médicales » US (dont le grand succès, rappelons-le, est d’avoir rendus addicts aux opiacés des millions de workers poors aux États-Unis …)."
https://blogs.mediapart.fr/vincent-presumey/blog/211019/sous-la-crise-du-brexit-l-affaiblissement-seculaire-de-l-imperialisme-britannique
https://www.thecanary.co/opinion/2019/06/03/there-are-strong-left-wing-reasons-to-leave-the-eu-but-therell-be-no-lexit-under-this-tory-government/
SupprimerPeter Bolton dit les choses plus intelligemment que le trotskyste Pésumey : il y a de puissants arguments de gauche en faveur du Brexit, mais ce serait une erreur d'imaginer qu'à court terme un "Lexit" (Brexit de gauche) soit envisageable, tant que les Tories sont au pouvoir. Le Brexit actuel ne peut être qu'une victoire de Johnson et Farage.
"A genuine Lexit would instead need to come from a genuinely progressive Labour government, after a thorough internal party process of debate and democratic deliberation that has come to characterise the Corbyn era. This would then provide a mandate for leaving the EU based on greater popular ownership of the economy and resisting ‘free trade’ and ‘free market’ capitalism".
Le problème est que Bolton conditionne le "Lexit" à une ensemble de conditions plus qu'hypothétiques dont la conjonction risque fort de ne jamais se produire. Il n'y aura pas plus dans l'avenir de consensus interne au Labour en faveur du Brexit qu'il n'y en a eu parmi les conservateurs. C'est aussi illusoire à mon sens que l'idée qu'une UE sociale et réellement démocratique pourrait être construite par l'action collective d'un front miraculeux de gouvernements européens fortement ancrés à gauche, soit la tarte à la crème d'une certaine gauche utopiste qui persiste à fantasmer le "grand soir".
@ Moi
RépondreSupprimerDans l’accord de Theresa May, l’UE qui pouvait décider de garder la GB dans l’union douanière, alors qu’ici, seule l’Irlande du Nord y reste, partiellement qui plus est, et le dernier mot revient à la GB. Beaucoup de vrais changements. Après, c’est un moins radical que le no deal bien sûr. La GB gagner tout de suite la capacité à négocier et mettre en place des accords douaniers
Bien d’accord sur le droit social ainsi que sur les raisons des perturbations actuelles. Un grand merci pour la citation de Doug Nicholls.
@ EB
Merci
@ Anonyme 9:26
La crise vient de ce cadre institutionnel qu’est l’UE, qui en complique sciemment toute sortie (cf Attali). BoJo, au contraire a été redoutablement efficace, parvenant à un accord plus largement acceptable en 3 mois que celui obtenu par May en 2 ans. Après, comme l’ont montré les décennies passées, la participation à l’UE n’a rien changé à cette partie du droit sanitaire et social que vous évoquez. La sortie de l’UE pourrait au contraire une bénédiction puisqu’elle va donner davantage de temps aux dirigeants de la GB pour se poser sur cette question.
Sur le droit social, votre position est insoutenable. Les réformes structurelles promues par l’UE consistent toutes à réduire les droits sociaux (cf exemples de la France, l’Espagne ou la Grèce). Que les droits sociaux britanniques soient encore plus faibles, soit, mais ils constituent a minima l’objectif de facto de l’UE. Et c’est en dehors de l’UE qu’il sera plus facile de reprendre le chemin de la reconstruction des droits sociaux, l’UE ne cherchant qu’à les détruire.
@ Anonyme 11h33
Il serait totalement absurde que l’Ecosse cherche à nouveau son indépendance en espérant pouvoir rejoindre l’UE. D’abord, l’UE ne l’accueillera pas (l’Espagne, la Belgique ou l’Italie y mettront logiquement leur veto pour ne pas donner un exemple fâcheux). Ensuite, la durée de vie de l’UE est comptée. Ce serait vraiment céder la proie pour l’ombre.
Le Lexit sera rendu possible par le Brexit, mais les choix effarants de Corbyn imposeront une période d’attente.